Le mezzo-soprano Ambroisine Bré  a commencé sa saison le 27 septembre à la cathédrale de Bordeaux, elle sera aussi le 27 octobre en concert à l’Opéra de Toulon, le 19 octobre on pourra l’entendre à l’Opéra de Reims dans une création, les scènes opératiques l’accueilleront à Tourcoing dans « La Clémence de Titus » et Romeo Castellucci la mettra en scène dans la « Flûte enchantée » de Mozart à Lille.

Vous faites partie de la génération montante des chanteurs lyriques. Est-ce que c’est difficile de faire sa place, alors qu’au fil des ans, le niveau des chanteurs est en progression constante ?
« J’ai eu la chance de signer des contrats alors que j’étais encore élève au Conservatoire Supérieur National de Musique et Danse de Paris. J’ai dû pour cela obtenir des autorisations de mon Directeur de département que je remercie, car nous sommes encore de jeunes chanteurs et son soucis principal est de nous préserver pour que nous ne nous brûlions pas les ailes ! J’ai par ailleurs participé à des concours lyriques où j’ai parfois eu l’honneur d’être distinguée de plusieurs prix, ce qui m’a permis de me faire connaître. C’est une expérience très enrichissante qui permet de tester ses capacités et offre de réelles opportunités. Par ailleurs, être nommée Révélation Classique de l’ADAMI 2017 a été une vraie chance pour moi car cet organisme fait tout pour mettre en lumière ses lauréats, en leur proposant une vraie couverture médiatique à travers leurs superbes enregistrements diffusés sur Youtube et des concerts dans des lieus prestigieux tels que le Théâtre des Bouffes du Nord à Paris ou bien prochainement Les Chorégies d’Oranges le 16 juillet dans la cours Saint-Louis, avec de solides partenaires et de précieux conseils. »
On a le sentiment qu’il y a un décalage entre la jeune génération qui veut chanter du classique et un public vieillissant. Qu’en dites-vous ?
«Je pense vraiment que c’est en train de changer. L’Opéra de Paris, par exemple, a mis en place, afin d’attirer le jeune public, une politique pour démocratiser l’opéra en proposant des places à 10 euros pour les jeunes de moins de trente ans les soirs de générales. C’est une excellente idée et j’en ai moi-même souvent profité. Je peux vous dire que les salles sont pleines à craquer, ce qui veut bien dire qu’il y a une forte demande. Cela passe aussi par la sensibilisation et je fais parfois des interventions dans les collèges/lycées. Les élèves sont en général très réceptifs et c’est toujours amusant de voir leur réaction lorsqu’ils entendent une voix lyriques juste à côté d’eux ! J’aime beaucoup cette transmission, il faut juste rendre accessible une richesse qui peut être partagée par tous. Oui une place de théâtre ou d’opéra reste chère, cependant, certains théâtres, comme le théâtre de l’Athénée à Paris, proposent des prix n’excédant pas les 30 €. Et puis, ce n’est pas plus cher qu’une place pour un beau match de foot ou de tennis ou même un concert de Madonna. Tout est une question de choix et de curiosité.»
On dit que gérer une carrière de soliste, c’est aussi gérer la solitude. Qu’en pensez-vous ?
«Mes expériences de production pour le moment n’ont pas excédé les 15 jours à l’étranger ce qui fait que je n’ai pas eu le temps de trop souffrir de la solitude du chanteur loin des siens après les représentations. Par ailleurs il existe de bons moyens de communications qui réduisent la distance. Je suis d’un naturel qui s’accommode assez bien avec le fait de devoir être seule. Cela me permet de me concentrer sur mon travail corporel et mes partitions sans être dérangée. On ne peut pas tout avoir… parfois, on se sent seule, mais ça ne dure pas. Je prends ça avec philosophie et je sais la chance que j’ai de faire un métier que j’aime !»
De l’extérieur, on remarque que de plus en plus les chanteurs ont le physique de  de leur rôle ? Est-ce que l’apparence physique est aussi importante, aujourd’hui, que la voix ?

« Oui effectivement, les productions d’opéras sont soucieuses du physique des chanteurs par rapport aux personnages qu’ils sont sensés interpréter. Pour ma part, je ne suis pas très grande et j’ai un physique qui me permet, en tant que mezzo, d’interpréter des rôles aussi bien féminins que masculins. Toutefois, c’est la voix qui prime et qui s’impose. On demande également aux chanteurs d’être de plus en plus complets. Maria Callas a ouvert la voie d’un jeu scénique plus présent et Nathalie Dessay y a largement amené un souffle nouveau. Je doute qu’une chanteuse ayant un beau physique et une voix d’un intérêt moyen puisse longtemps faire carrière. Soyons sérieux, c’est la voix qui prime ainsi que l’émotion qu’elle véhicule. Mais il est vrai qu’avec l’essor des réseaux sociaux l’image compte plus qu’avant.»
Est-ce que vous êtes habillée par un sponsor ou une marque ?
«Non, je n’ai pas cette chance pour le moment ! Je choisis toujours moi-même mes tenues en fonctions des programmes que j’interprète. Vivre à Paris me permet de trouver assez facilement des robes de concerts.»
Avec votre tessiture, l’opéra vous proposera le plus souvent des rôles de garce ou de dévoyées. Non ?
«Non, pas toujours. Cela dépend aussi de ce que le metteur en scène veut faire ressortir du personnage. Mais il est vrai que de jouer un personnage moins lisse est toujours intéressant. Il y a plein de facettes à explorer. Et puis en tant que mezzo, je suis appelée à défendre des rôles masculins donc à me travestir et adopter une gestuelle plus masculine. Je dois également être crédible dans mon chant en tant qu’homme avec une voix de femme… La palette est large  et variée.»
Avez-vous l’angoisse devant un téléphone qui ne sonne pas ?
«Pour le moment, je n’ai pas été confrontée à cette situation. Je rempli mon agenda et je suis bien occupée. J’essaye d’être confiante et je tente d’appliquer les principes du lâché prise. Je crois aux rencontres et aux cadeaux que la vie vous donne. Il faut savoir saisir sa chance quand elle passe… Je me dis également que si on ne veut pas de moi dans un rôle c’est que quelque chose d’autre va venir. Chanter m’est vital, mais si cela devait s’arrêter pour une raison ou pour une autre, je saurais rebondir et me diriger vers une autre activité artistique. La vie est pleine de belles choses à explorer !»
Avez-vous gardé vos amies d’enfance ?
«Oui, quelques unes. Mais avec nos vies respectives, nos déplacements constants, ce n’est pas facile de se croiser. De plus, je ne vis plus dans ma région d’origine, la Bretagne, et quand j’y rentre, j’aime me ressourcer en immersion familiale. Je ne suis pas une accro du téléphone et mes vraies amies le savent et le comprennent. Je sais qu’elles me suivent dans ma carrière via les réseaux sociaux et vice-versa.»
Quelle est la face cachée d’Ambroisine Bré ?
«Comme beaucoup, j’ai des habitudes et des rituels , mais ça m’est personnel… J’aime cultiver mon jardin secret, c’est lui qui nourrit mon imaginaire et l’inspiration de mon chant.»

Propos recueillis par Bruno ALBERRO

 

En bref :
On peut écouter Ambroisine Bré :

  • Le 4 octobre, à la Philharmonie du Luxembourg, dans « La tentation de l’Italie » par Rameau, Leclair et Montéclair. 
  • Le 10 octobre, en récital à Paris dans les 1001 nuits du classique- Un siècle d’opéra;
  • Le 14 octobre, à Saumur-en-Auxois, au festival de musique française ;
  • Les 19 et 20 octobre, à l’opéra de Reims, dans Le miroir d’Alice, création de Thomas Nguyen, d’après Lewis Caroll.
  • Le 22 novembre en concert à Paris ;
  • Du 3 au 7 février, à Tourcoing dans la Clémence d Titus de Mozart ;
  • Le 10 février à l’espace Miramar à Cannes, en récital ;
  • Du 30 avril au 16 mai, à l’Opéra de Lille, dans La Flûte enchantée ou le Chant de la mère de Mozart.

Renseignement  à Ambroisine Bré

crédit : Philip Plisson pour la photo en couleur; crédit ; Gilles Kneusé pour la photo en noir et blanc ; crédit : Narodni Divadlo Theater Pragues pour la photo sur scène.