Ce n’est pas si commun que le chef d’orchestre vainc le rôle-titre à l’applaudimètre. C’est arrivé cette été 2018, aux Chorégies d’Orange avec Nathalie Stuzmann qui a gravé son nom dans les pierres antiques, au-dessus des solistes  de la distribution de Mefistofele de Boito.

Maestro Nathalie, comme elle aime être nommée,  avait été invitée à la direction de Mefistofele, l’opéra de Boito, mis en scène par Jean-Louis Grinda. Nathalie Stutzmann a maîtrisé du geste les pupitres de l’Orchestre philharmonique de Radio-France. Baguette sobre et précise sans enjolivures. main gauche nuancée et caressante. N’ayant pas oublié qu’elle est aussi un contralto international, Nathalie Stuzmann s’est concentrée sur les choeurs réunies des opéras d’Avignon, de Nice et Monte-Carlo, appelant aux chuchotements des pianissimos, réveillant les voix pour les mieux soutenir.

Nathalie Stutzmann n’a pas délaissé les solistes arpentant le plateau romain décoré de la scénographie de Rudy Sabounghi, sous les lumières de Laurent Castaingt et le premier d’entre-eux la basse uruguayenne Erwin Schrott convié à endosser le manteau de cuir noir du 7e Prince des enfers. Acteur chanteur, c’est le diable en personne qui n’a pas laissé les gradins de pierre indifférents à son jeu et à sa présence tant dans son théâtre que dans ses rondeurs, jamais tendues. A son côté, il trouve dans le costume du savant libertaire ou bon-vivant Jean-François Borras. Le ténor a répondu présent à cette prise de rôle, il a offert une traversée lyrique de ses personnages, puisant dans ses ressentis pour les mieux restituer.

Bien lui en a pris de séduire Béatrice Uria Monzon qui interprétait les deux rôles de Margherita et de Elena, la reine de Troie, comme l’avait écrit Boito pour cet opéra écrit en deux temps en 1868 et repris et raccourci en 1875. Un dédoublage de personnalité qui laisse pantois quand on sait que le changement de scène laisse tout juste le temps de délaisser l’ancienne robe d’une condamnée à mort pour revêtir l’or qui sied à une reine.

Reinaldo Macias, Marie-Ange Todorovitch et Valentine Lemercier complétaient la distribution. Le public orangerie sait bien qu’au pied du mur antique de 70 mètres de long pour 37 mètres de haut il n’y a pas de petit-rôles.

Bruno ALBERRO

Comme prochain spectacle, les Chorégies d’Orange présentent La Flûte enchantée par le ballet de Béjart le lundi 16 juillet à 21h45.

Renseignement au 04 90 34 24 24 ou à www.choregies.fr