Au XIXe siècle, il était de bon aloi d’inviter les musiciens en vogue pour des démonstrations et des prouesses d’agilité et de rapidité. Liszt, Chopin, Robert et Clara Schumann faisaient figure de vedettes incontestées dans les salons bourgeois. C’est le sentiment livré par la jeune pianiste Olga Kirpicheva vendredi soir au festival Durosoir à Nyons. Bien mal en a pris aux amateurs de musique d’avoir été absents à cette soirée d’exception où la performance n’a été égalée que par la beauté sublimée d’une interprète au service de grands compositeurs.
Formée à l’école russe avant de rejoindre l’école française il y a cinq ans, Olga Kirpicheva a confondu ses deux influences en proposant un programme ô combien vertigineux. Sous ses doigts un Playel aux sons ronds et chauds pour ouvrir son récital avec « Le Carnaval de Vienne » de Robert Schumann.

La pianiste Olga Kirpicheva est invitée au festival Durosoir à Nyons.

Le sourire d’Olga Kirpicheva en lit long après son interprétation d’Islamey de Balakirev.

Olga Kirpicheva a intériorisé aux larmes la Romance, invitant à la suivre dans sa déambulation romantique.
Pour lier Schumann à Liszt, la pianiste est allée chez Schubert, avec une valse que Liszt a transcrite pour clavier. De la valse aux « Etudes transcendantales » de Liszt il y a de nombreuses heures d’appropriation pour restituer l’univers singulier du compositeur, où Olga Kirpicheva  a apporté un toucher aérien.
Avant une étude de Chopin au rappel, Olga Kirpicheva est allé fouiller la partition d’Islamey de Balakirev et ses abyssales difficultés. Au-delà de la performance technique, cette littérature se doit aussi de restituer l’esprit et la magie du compositeur russe. Olga Kirpicheva invite à cette interminable  traversée du Caucase où la langueur de l’âme s’émeut dans le silence environnant, où on imagine la troïka d’Olga Kirpicheva traversant l’immensité.

Moment d’exception, sans nul doute.

Vera Lopatina au violon et Olga Kirpicheva au piano ont mis à leur programme Claude Debussy, Lucien Durosoir et Richard Strauss.

Vera Lopatina au violon et Olga Kirpicheva au piano ont mis à leur programme Claude Debussy, Lucien Durosoir et Richard Strauss.

Dimanche à 16 heures, pour clore le festival Durosoir, Olga Kirpicheva était à nouveau en concert à l’église de Nyons . Cette fois elle était associée à la violoniste Vera Lopatina.

Les deux concertistes avaient choisi de mettre à leur programme une sonate de Claude Debussy, écrite en 1917 quelques mois avant la mort au printemps suivant. Une littérature étonnante où les deux musiciennes ont transcendé les moments lents où la mélancolie alternent avec les troubles de sa maladie. Festival Durosoir oblige aussi et c’est l’occasion d’apprendre à découvrir de musicien joué cinquante après sa mort en 1955. De contraste il en est question avec la sonate de Lucien Durosoir en deuxième partie de concert. D’ailleurs, c’est le fil conducteur de la littérature où le compositeur sorti meurtri de la Grande Guerre singe entre les phrases d’espoir et ses souvenirs de violence extrême.

En troisième partie, les deux artistes ont fouillé la sonate de jeunesse de Richard Strauss. Cette fois encore, tout le toucher se trouvait dans l’andante cantabile du deuxième mouvement. Elles ont invité à une méditation profonde avant de montrer une technique maitrisée pour interpréter l’exigence du compositeur du Chevalier à la Rose.

 

Bruno ALBERRO

 

A venir: Olga Kirpicheva, Vera Lopatina et Adrien Bellom compose le Trio Medici. Il sera en concert à l’Automne Musical en Vallespir (66) le 20 octobre à la salle de Vivès.

Au programme :  Mozart : Trio avec piano en si bémol majeur KV 502; Rachmaninov : Trio élégiaque n°1 et Dvořak : Trio avec piano n°3 en fa mineur, opus 65.

Renseignement à Automne Musical en Vallespir

La vidéo : Vera Lopatina et Olga Kirpicheva en duo