Blerta Zhegu est albanaise, soprano de surcroît. Ce petit pays déjà a offert au monde lyrique Inva Mula ou Ermelona Jaho, qui se sont produites ou se sont installés en France. Le chorégraphe Angelin Preljocaj est aussi originaire d’Albanie. Blerta Zhegu est sur leurs traces et comme ses consœurs, elle a vécu les mêmes affres d’un pays totalitaire et suivi les mêmes chemins que la plupart des Albanais, celui du départ.

L’Albanie : trois millions d’habitants et une population presque presque dix fois supérieures dans le monde. Petit pays mais qui a fourni au monde opératique des grands noms qui se produisent sur les plus grandes scènes: Inva Mula ou Ermelona Jaho, ou encore le danseur et directeur de ballet du Pavillon noir à Aix-en-Provence : Angelin Preljocaj.

Blerta Zhegu est issue du même moule. Comme ses deux aînées elle est soprano, comme ses deux aînées elle parle plusieurs langues, comme ses deux aînées, elle combat l’impatience surtout quand on doit recommencer sa carrière à l’étranger : « C’est le trait de caractère des habitants de mon pays. Ils ne sont pas latins et ne sont pas slaves. Nous sommes des Balkans avec un tempérament fort. Ce sont souvent des gens qui s’enflamment, parfois jusqu’à la violence. Mais en étant chanteur on doit apprendre la patience, la persévérance et la résistance. C’est Pavarotti qui disait ça. C’est tout un travail sur soi.» 

Blerta Zhegu soprano, Albanie

Blerta Zhegu soprano

Si Blerta Zhegu parle italien, c’est qu’enfant, l’Albanie était coupée du monde et le seul contact avec l’extérieur était quelques chaînes de télévision dont les ondes traversaient la mer Adriatique : « C’était illégal et interdit sous la dictature. Mais c’est comme ça que nous apprenions l’italien alors ça se comprend que beaucoup d’Albanais ont rejoint l’Italie. Quand on parle la langue du pays c’est plus facile de quitter le sien. »

Le conservatoire de Balzano l’accueillera pendant trois ans. De là elle fera ses premiers pas sur scène aussi avant d’être invitée dans d’autres maisons d’opéra ou d’autres salles de concert. Toujours dans la Péninsule. Sa carrière est lancée, croit-elle. C’est faire fi de la vieille et scrupuleuse administration. Trois ans et c’est tout, la carrière prend un coup de frein mais Blerta Zhegu raconte qu’elle a pu chanter à l’opéra de Tirana dans de belles productions.
Blerta Zhegu glisse qu’à l’époque, il était difficile pour un Albanais de partir mais paradoxalement difficile pour un expatrié de revenir au pays : « Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Certains Albanais qui ont vécu à l’étranger reviennent à la retraite. »
Il ne faut pas croire que la vie d’expatrié est si simple, surtout avec l’administration albanaise qui la contraint à effectuer régulièrement des demandes de visas : « C’est ainsi qu’après quelques années en Italie j’ai dû revenir dans mon pays où j’ai chanté comme soliste.» Depuis la France a suivi en l’intégrant du Centre National d’Artiste Lyrique, aujourd’hui fermé.
Aujourd’hui Blerta Zhegu peut voyager en parlant cinq langues, en tout cas elle a fait le choix de s’installer dans notre pays : « Toutes ces cultures sont enrichissantes mais ça prend du temps pour tout recommencer. Je suis optimiste, je prends ce que la vie m’offre.»

Blerta Zhegu soprano, Albanie

Le soprano albanais Blerta Zhegu reprendra le concert intitulé « Mémoire de femmes » le 23 mars prochain.

On peut comprendre qu’à chaque pays, c’est un nouveau réseau à fidéliser. Un peu plus d’un million de téléspectateurs ont pu entendre Blerta Zhegu dans Musiques en fête sur France 3. Le soprano rappelle aussi que le chef d’orchestre Michel Plasson l’avait sélectionnée pour son Académie internationale de musique française. Elle lui accorde la reconnaissance des personnes qui ont cru en elle.
Blerta Zhegu raconte avec émotion le concert « Mémoire de femmes » d’une composition originale du Brésilien Antonio Santana (né en 1936), en décembre 2017 où elle chantait aux côtés de Michelle Canniccioni, (soprano), Marion Lebègue, Delphine Haidan (mezzo-soprano), Kira Parfeevets (piano), Anton Martynov (violon).
Il y aura une suite, puisque le 23 mars prochain, Blerta Zhegu sera en concert avec Delphine Haidan et accompagnée au piano par Kira Parfeevets.  Elle glisse qu’elle a aussi un projet autour de Traviata de Verdi : « C’est trop tôt pour en parler ».

Bruno ALBERRO

 

La vidéo de Blerta Zhegu