On compte trois chanteurs lyriques professionnels au Guatemala. Seulement pourrait-on dire. Le soprano Adriana Gonzalez fait partie de ce trio. On pourrait s’étonner que dans ce pays d’Amérique centrale aux trente ethnies et aux 27 dialectes, il soit facile d’apprendre le chant lyrique : « Au Guatemala, la musique classique n’est pas accessible à tout le monde. Je prenais des cours particuliers. Ma professeur m’a donné une pile de partitions à étudier pour comprendre la baroque, la classique ou le romantisme.  Je travaillais à mi-temps pour me payer mes cours. Un jour avec la chorale, nous sommes allés à Chypre. Il y avait le chef d’orchestre Iñaki Encina Oyón qui m’a repérée et qui m’a demandé de rejoindre l’Atelier lyrique de Paris. Je ne savais pas ce qu’était un opéra studio. Quand je suis allée à Paris, j’ai eu de la chance d’être invitée à une production de Don Giovanni. C’était pour moi une belle opportunité.»

le soprano Adriana Gonzalez du Guatemala Photos crédit Marine Cessat-Begler

Le soprano Adriana Gonzalez originaire du Guatemala interprète Liù de Turandot à l’Opéra de Toulon. Photos crédit Marine Cessat-Begler.

Adriana Gonzalez ne se sent pas pour autant estampillée ambassadrice culturelle de son pays, pas même pour le chant opératique. Régulièrement toutefois, elle anime des master-classes : « Je ne suis pas la meilleure chanteuse du monde, mais je fais profiter mon expérience aux  jeunes chanteurs. Au Guatemala, il n’y a même pas de cours de diction pour prononcer en français, russe, allemand ou italien. J’apporte mes connaissances. » Quand on lui fait remarquer qu’elle est bien jeune pour se déploiement d’énergie au moment où sa carrière se lance : « Mais je ne considère pas que j’aie une responsabilité. Je prends tout ça tranquillement. Et puis, l’âge c’est un numéro. A l’opéra, on apprend une forme de pensée, à développer un caractère et qu’il faut de la maturité pour faire quelque chose. Ce que je transmets sont des choses que j’aie apprises.»
Parler du Guatemala, c’est aussi évoquer le prix Nobel 1992 : Rigoberta Menchú et son combat pour le droit des femmes. Adriana Gonzalez s’inscrit dans cette lignée même si elle n’est pas d’origine indienne. Elle souligne que dans ses veines coule du sang espagnol et irlandais. Si Adriana Gonzalez n’est pas engagée dans une lutte, elle y pense et elle aimerait bien à court terme le faire. Elle aussi choisirait la défense des droits des femmes : « Pour faire changer les mentalités ». Une façon de s’inscrire à la suite de son aînée indienne pour les femmes de son pays et d’ailleurs.
Si on lui dit que les femmes et plus particulièrement les sopranos sont des victimes à l’opéra, elle s’en tire d’une pirouette, amusée elle précise : « Pas tout le temps. Regardez chez Rossini ou chez Mozart. Mais je pense aussi que la mort des femmes à l’opéra est aussi un don de soi. Comme Liù dans Turandot de Puccini (NDLR : qu’elle interprète à l’Opéra de Toulon), la mort est aussi une acceptation ou un sacrifice et donc une espérance. C’est souvent un cadeau d’amour face à la haine et à la cruauté. Pour moi la Mort n’est pas signe d’une faiblesse, c’est un acte fort. »

Bruno ALBERRO

 

Photos crédit Marine Cessat-Begler

 

Où entendre Adriana Gonzalez ?

  • Les vendredi 25, dimanche 27 et mardi 29 janvier, à l’Opéra de Toulon dans Turandot, l’ouvrage inachevé de Puccini dans la version terminée par Berio.La distribution de cet opéra réunit Gabriela Georgieva en  Turandot, Adriana Gonzalez sera Liù. Amadi Lagha deviendra le prince Calaf relevant les défis; Luiz-Ottavio Faria, Timur ; Olivier Dumait l’Empereur Altoum ; Frédéric Goncalves, Ping ; Antoine Chenuet, Pang ; Vincent Ordonneau, Pong et Sébastien Lemoine, un mandarin.
  • Du 13 au 23 mars à la MC93 Bobigny dans LA CHAUVE-SOURIS Opéra de Johann Strauss ;
  • du 09 au 24 mai au Palais Garnier dans IOLANTA /​ CASSE-NOISETTE  Opéra-Ballet de Piotr Ilyitch Tchaïkovski.

Renseignement à Adriana Gonzalez