Elle chante, elle dirige de la voix son ensemble baroque Orfeo 55. Depuis 2008, avec cette tournée au Japon, Nathalie Stutzmann mène des orchestres symphoniques à la baguette, d’ailleurs elle est associée aux ensembles de Sao Paulo et de Dublin. En septembre 2018, elle prendra la direction musicale de l’opéra de Kristiansand en Norvège. Son prochain rendez-vous est ce Mefistofele de Boito qu’elle doit diriger aux Chorégies d’Orange les 5 et 9 juillet.

La vie de Nathalie Stutzmann est empreinte de musique. Bon sang ne saurait mentir, elle qui est née de parents chanteurs lyriques, la musique est un tout. Elle est la première femme à diriger une production aux Chorégies d’Orange avec Mefistofele, l’opéra de Boito (1842-1918) encore à l’affiche le lundi 9 juillet à 21h45.  Ca n’en fait une féministe pour autant : « On m’a proposé une assistante, j’ai demandé pourquoi ? Ce qui est important c’est la compétence. »
Si quelque chose lui fait souci, ce n’est pas la prise de responsabilité, c’est de diriger des chanteurs, alors qu’on pouvait imaginer le contraire : « Certains je les connais bien. A Orange, je retrouve Béatrice Uria Monzon avec qui j’étais à l’école d’opéra. En fait j’ai des complexes à m’adresser à eux ou de leur demander ça ou ça. »
Et ne lui dites pas qu’un chef d’orchestre fait de la musique sans produire de son : « Mettez dix chefs devant le même ensemble et dès la première note, il sonnera différemment. »
Nathalie Stutzmann en rit de s’être battue toute sa vie d’artiste : « Que ce soit dans le chant face à mes concurrentes ou face à des hommes pour être admise comme directeur musical. « Il n’y a pas d’homme ou de femme idéal, il y a des gens qui arrivent au bon moment », cite Clarire Mondat. Cet adage pourrait personnifier Nathalie Stutzmann. Elle qui a chanté sous la direction de Karajan : « Je tremblais quand on m’a dit après une audition que j’étais attendue pour une répétition avec lui, j’avais 20 ans. J’étais chez Karajan. Il avait un charme incroyable et il parlait très bien français grâce à son épouse. » Les yeux de Nathalie en pétillent encore, elle qui doit son prénom à la chanson éponyme de Gilbert Bécaud, que sa mère chanteuse avait côtoyée dans son opéra d’Aran. Elle vante aussi ses relations avec le maestro Sir Simon Rattle ou Sergei Osawa.
Nathalie Stuzmann remercie sa mère qui l’a accompagnée jusqu’à la maturité de sa voix : « Aujourd’hui, trop de chanteurs demandent des conseils à tout le monde et le dernier qui leur parle a raison. C’est peut-être pour ça que ma voix tient toujours. » Elle a pris le temps d’enregistrer deux disques avant de prendre la direction de l’opéra de Kristiansand, précise-t-elle quelque peu espiègle : «Autrement, on aurait dit que je veudirige car je ne peux plus chanter. »

Aux confins du cercle polaire, Nathalie Stutzmann se réjouit de l’écoute qu’elle a reçue en présentant son projet : « La Norvège (NDLR : pays hors zone euro et hors Union européenne) dispose de moyens. Je pourrais faire venir des pointures internationales. Pour la première saison j’ai programmé du Wagner du Tchaikovski et Brahms. Suivront un cycle Beethoven et Debussy. Les musiciens sont ravis. »
Alors vont-ils l’appeler maestro ou cheffe, bien sûr ? « Cheffe, avec deux F ça ne me plaît pas et ce n’est pas beau. Aux Etats-Unis ou en Europe du Nord cette distinction masculin-féminin n’existe pas. On m’a appelé maître une fois. J’ai aimé. Ca me rappelait notre façon de s’adresser à nos professeurs quand nous étions élèves. Aux Etats-Unis, justement, un musicien m’a écrit : Comme je vous respecte : je vous appelle maestro. Comme je vous aime, je vous appelle Nathalie. Alors je vous appellerai maestro Nathalie. J’ai bien aimé. »

Bruno ALBERRO

En bref : Nathalie Stutzmann à la direction de Mefistofele de Boito les jeudi 5 et lundi 9 juillet aux théâtre antique d’Orange.

Renseignement au 03 90 34 24 24 ou à www.choregies.fr