Entre Liberté, la saison passée, et Fraternité, l’an prochain, pour clore ce triptyque, Egalité est l’image que veut donner Pierre Guiral à la programmation 2018/2019 de l’Opéra du Grand Avignon qu’il dirige depuis septembre 2017, à la suite de Raymond Duffaut. Même avec une année d’expérience, on imagine que ce n’est pas facile de prendre les rênes d’une maison d’opéra derrière quelqu’un qui a marqué l’établissement pendant 42 ans, en laissant une profonde empreinte.

Pierre Guiral reçoit dans l’ancienne loge du ballet de l’opéra du Grand-Avignon, il suffit de traverser la rue pour trouver les locaux de l’administration. Le bâtiment est en cours de rénovation totale jusqu’en 2020, pour un coût de 20 millions d’euros, avec l’installation d’Opéra Confluences en zone de Courtine pour la durée du chantier.
Ce sera la deuxième année dont il assurera l’entière programmation. Après Liberté l’an passé et avant Fraternité l’an prochain, Egalité sera le thème de cette saison 2018/2019. Il tourne les pages du catalogue et s’arrête aux soirées imprimées de cette idée.
La philosophie de Pierre Guiral serait plutôt la transmission : « En 1978, aux Estivales de Carpentras, on m’avait demandé de remplacer un chef d’orchestre. Au cours d’une interview j’avais répondu que j’étais dans la transmission. Je me rends compte que je suis resté dans cette ligne. Que ce soit comme artiste, au conservatoire ou maintenant à l’Opéra. »
Il jure les grands dieux que jamais il n’aurait imaginé se trouver à la tête d’une maison d’opéra. Pourtant la musique, Pierre Guiral l’a découverte très tôt avec un père saxophoniste : « Mes parents ne m’ont jamais poussé, les choses se sont faites naturellement. »
Lui qui a prêté sa voix de baryton-basse pour servir de nombreuses œuvres est bien conscient qu’il doit mettre de côté sa carrière de chanteur lyrique. Quoique, en regardant en détail le livret de la saison, le nom de Pierre Guiral apparaît aux dates des 10 et 11 novembre : « Eric Breton (pianiste) m’a demandé pour ce programme « Chants de guerre et de paix » pour la 100e commémoration de l’armistice de la Première Guerre mondiale. Certains airs sont connus et les Poilus ont adapté d’autres paroles sur des musiques de leur époque pour raconter ce qui se passait durant les années du conflit. C’est un témoignage intéressant. »
Pierre Guiral retient surtout l’universalité de la musique : « Elle dépasse tous les clivages. Prenons Bach qui écrivait sur ses partitions A la gloire de Dieu. Aujourd’hui sa musique est interprétée par des chrétiens mais aussi des juifs ou des musulmans. Le concert Ibeyi (le 21 novembre) en est le symbole : ce sont deux sœurs jumelles, françaises, d’origine venezueliano-cubaine qui chante en langue Yoruba pour parler du racisme ou des femmes. »
Pour ceux qui suivent l’actualité opératique, Raymond Duffaut a toujours défendu le chant français et les jeunes artistes. Pierre Guiral s’inscrit dans cette continuité : « Nous organisons un concours de chant que nous avons baptisé Raymond Duffaut d’ailleurs. Nous sommes adhérent au Centre français de promotion lyrique. Nous recevrons dix artistes lyriques dans le cadre de Aper’opéra et nous convions aussi des chanteurs français dans nos productions. En fait je n’aime pas beaucoup le terme de mondialisation pour la musique. De tout temps, les artistes ont voyagé. Dans l’accueil d’artistes étrangers je vois plutôt un partage et un enrichissement. »
Il ajoute aussi que des noms connus de chanteurs étrangers attirent le public : « Nous avons aussi des contraintes budgétaires. On doit respecter cet équilibre, même si je n’aime pas parler argent. »
Pierre Guiral n’a pas été enseignant pour rien, il analyse la singularité de la voix : « Comme les empreintes digitales, la couleur de l’iris, la voix est unique. Chaque chanteur a cette capacité de valoriser sa propre voix. »
Quand on lui fait remarquer le décalage entre le nombre d’enfants et d’adolescents qui se précipitent dans les écoles de musique et les conservatoires et la population dans les fauteuils de l’opéra, Pierre Guiral ne se montre pas surpris : « Souvent entre 30 et 50 ans, la vie fait qu’on dispose de moins de temps, ce n’est pas le manque d’envie, c’est qu’il y a d’autres choses à faire. Je crois que pour aller à l’opéra, il faut être mûr et libéré de certaines contraintes qu’elles soient matérielles ou éducatives, car il faut consacrer un peu de temps et avoir l’esprit libre. On va à opéra c’est peut-être à l’âge du milieu de vie. »

Bruno ALBERRO

 

En bref : L’Opéra du Grand-Avignon ouvrira sa saison 2018/2019 les 28, 29 et 20 septembre avec le 4econcours opéra Raymond Duffaut Jeunes espoirs ; le premier opéra sera Le Nozze di Figaro les 21 et 23 octobre ; le programme de la danse commencera le 7 octobre avec le Bolero par le Ballet national de Marseille ; La perruche d’Audrey Schebat lancera la saison théâtrale le mercredi 3 octobre ; Un cabaret Années folles avec un repas-spectacle est à l’affiche les 13 et 14 octobre ; Les solistes d’Avignon et la pianiste Fanny Azzuro sont invités à donner le la de la saison des concerts le mercredi 28 novembre.
Renseignement au 04 90 14 26 40 ou à www.operagrandavignon.fr