Les Teitgen se sont séparés en deux branches généalogiques, une a produit une descendance de juristes et d’hommes politiques, une autre des mineurs de Lorraine. Même s’il est sur le devant de la scène, la basse Jean Teitgen ne se cache pas qu’il est issue de la seconde lignée. L’Opéra de Nancy, la Philharmonie de Paris, Marseille, Montpellier, Lyon, Bastille ou Garnier ont mis son nom à l’affiche cette saison.

A l’Opéra de Nancy, il endosse la longue robe de Ramfis dans Aida de Verdi et il est attendu tant sur les scènes opératiques nationales cette année qu’à Lisbonne. La basse Jean Teitgen atteint l’âge de la maturité pour sa tessiture. Des Teitgen ont laissé leur nom dans l’Histoire de France avec des avocats, des Résistants et un compagnon de la Libération. Jean Teitgen raconte que c’est une autre branche dans l’arbre généalogique, dont il est issu : celle des mineurs lorrains. Avec le chant, il ouvre une autre voie dans sa famille : son parcours opératique.
Jean Teitgen rappelle que si la qualité première d’un chanteur lyrique est la patience, ceux de sa tessiture doivent l’avoir doublement, puisqu’on dit que les beaux rôles arrivent à la quarantaine : « Ce qui est bien, c’est que les compositeurs ont écrit aussi de petits rôles, ce qui nous permet de commencer tôt sans forcer la voie. La qualité d’une basse est d’être endurant. »
La patience, Jean Teitgen sait ce que c’est. D’autant qu’il a commencé sa formation tard : à 23 ans alors qu’il se destinait à devenir économiste. Une formation pas inutile du tout qui lui permet de regarder la société sous cet angle marchand, mais il parle aussi de son métier et de l’effet sociétal de la culture : « Je m’intéresse à la politique et à l’actualité mais je ne suis pas militant. Pour l’instant il n’y a pas de menace pour le statut d’intermittent. Ce qu’on voit c’est qu’il y moins de subventions et moins de créations. C’est toujours bien de participer à une nouvelle vision d’un ouvrage. Ce que je trouve dommage c’est que les directions d’opéra ne retiennent pas plus de jeunes chanteurs français. Mais l’opéra est aussi dans un secteur concurrentiel, sous l’effet de la mondialisation, alors qu’il compte de plus en plus de jeunes chanteurs. »

Jean Teitgen Basse

Jean Teitgen Basse
Photo Harcourt

Outre la patience, Jean Teitgen souligne qu’un artiste lyrique doit aussi gérer la solitude : « C’est vrai que nous sommes souvent seuls et souvent longtemps séparés de nos familles quand nous sommes en production, même si les nouvelles technologies sont des outils pour rompre cette solitude. Au risque d’être critiqué, je pense que les maisons d’opéra devraient s’inspirer de ce qui se fait à Nancy où nous sommes en repos les samedis et dimanches, ce qui nous permet de rentrer dans nos familles. Ça change la vie. Et même de réduire les temps de répétitions de trois à deux semaines. Je pense sincèrement que ça permettrait de garder un équilibre.»
Il rappelle, si besoin est, que les générations précédentes, de trente ou quarante ans auparavant, répétaient une production en deux semaines. Quand lui demande une comparaison entre hier et aujourd’hui, Jean Teitgen répond que ça n’a plus rien à voir : «On ne peut pas nier aujourd’hui le phénomène de jeunisme, il est très présent. On voit que les directeurs fassent attention au physique des chanteurs, on ne parle plus uniquement de la voix. Néanmoins, contrairement à ce que certains pourraient penser, d’anciens chanteurs qui ont marqué l’histoire de l’opéra seraient quand même sur scène, comme Montserrat Caballe, car ils ont des voix exceptionnelles. »
Jean Teitgen est régulièrement invité à « Musiques en fête », captée depuis le théâtre antique d’Orange pour France 3 et son million de téléspectateurs. Si la basse est consciente que c’est une vitrine pour l’opéra, ça doit rester exceptionnel : « Effectivement ça peut attirer un nouveau public vers l’opéra. Mais pour ma part je crois plus à la pédagogie pour intéresser un public plus jeune. Ça paraît plus épais, plus fort que d’écouter des airs à la télévision. Des choses se font avec des tarifs intéressants pour le jeune public. ils sont souvent inviter aux répétitions. Ce n’est pas rare non plus que nous intervenions dans les écoles. A chaque fois, les élèves sont surpris quand on commence à chanter. Ensuite, à voir les yeux, je pense que un à deux pour cent ont envie de découvrir le chant lyrique. »

Bruno ALBERRO

Photo crédit Harcourt

Où entendre Jean Teitgen :

  • Dans Aida de Verdi à l’Opéra de Nancy jusqu’au 4 octobre ;
  • L’Enfance du Christ, Philharmonie de Paris le janvier 2019 ;
  • Gioconda à la Monnaie de Bruxelles les 29 et 30 janvier et 1er février ;
  • Roméo et Juliette à Lisbonne du 15 au 21 mars ;
  • Turandot à l’Opéra de Marseille Marseille du 30 avril au 5 mai ;
  • Simon Boccanegra à l’Opéra orchestre de Montpellier les 16 et 18 juin ;
  • Guillaume Tell à l’Opéra de Lyon : première quinzaine d’octobre
  • Contes d’Hoffmann à l’Opéra Bastille en février 2020
  • Yvonne Princesse de Bourgogne à l’Opéra Garnier en mars 2020.

Renseignement à Jean Teitgen