La violoniste Stéphanie-Marie Degand préfère parler de musique et de sa transmission. Ne la classez pas dans un répertoire, ce n’est pas possible, le sien s’étale de l’époque baroque à la musique contemporaine. Avec le même plaisir. Son prénom de Marie ajouté à son premier prénom était une tradition dans les familles catholiques, bien que pour elle la connotation religieuse est écartée. Alors qu’en enfant, on l’appelait communément Stéphanie, pour son premier concert son père lui a demandé de préciser ses deux prénoms sur l’affiche.

Ce dont  Stéphanie-Marie Degand n’est pas peu fière c’est d’être la cinquième femme (seulement) a enseigné le violon au Conservatoire national supérieur de musique de Paris depuis sa création : « Je suis féministe! Mais pas de celles qui entrent en guerre contre les hommes ou en virulentes (mais souvent utiles) revendications. Que soient nommées des professeurs féminins, ce n’est pas une fin en soi : c’est de la pédagogie. Je suis d’ailleurs plutôt favorable à la parité, en général et en particulier: effectivement d’un point de vue pédagogique, puisque plus de la moitié des violonistes au CNSM sont des femmes.» 

Comme son archet se double aussi avec la baguette de chef d’orchestre, elle préfère être cheffe d’orchestre que chef d’orchestre : « Le mot existe, autant l’utiliser. »
Pédagogie et transmission, ces deux mots reviendront souvent au cours de la conversation : « Depuis l’âge de seize ans, je donne des cours. Adolescente, c’était pour gagner un peu d’argent. Je vivais dans une famille peu fortunée, mais on écoutait de la musique classique dans ma famille, et beaucoup ! Mais pas seulement, mon père était passionné de chansons françaises. Et ma mère avait des goûts plus élitistes du baroque et XXe siècle. J’ai fait partie de cette génération qui a profité de la démocratisation de la musique, ce qu’on a appelé la méthode Landowski (NDLR : directeur de la musique au ministère des Affaires culturelles d’André Malraux). C’est comme ça que j’ai pu apprendre la musique. »
Ceci explique de façon voilée son attachement à toutes les musiques puisque Stéphanie-Marie Degand a la particularité de ne pas se spécialiser dans un répertoire, alternant la musique de la Renaissance ou la musique contemporaine, sans oublier la direction de son ensemble La Diane française.

La violoniste Stephanie-Marie Degand

La violoniste Stephanie-Marie Degand a fondé l’ensemble La Diane française.

Si on imagine aisément sa place et l’étendue de son répertoire, Stéphanie-Marie Degand s’attarde sur sa conception du cheffe d’orchestre : « Le chef est quelqu’un se pose des questions sur une œuvre et qui ensuite organise, car il a une vue d’ensemble. Il faut ensuite fédérer les musiciens. Pour cela, le chef doit posséder une grande culture et une grande force. C’est un peu comme en politique. »
Elle qui a travaillé sous la houlette de Michel Plasson au théâtre Capitole de Toulouse s’est beaucoup inspirée des conseils du maestro et ne s’en cache pas : « Il a la qualité de savoir s’entourer. C’était une belle rencontre.»
Elle glisse que son nom apparaît comme premier violon  sur la pochette du disque de Carmen avec Roberto Alagna dans le rôle-titre et Michel Plasson à la baguette : « J’ai pu travailler en studio sur l’enregistrement, à son côté. »
Ce sens de la transmission est viscéral chez Stéphanie-Marie Degand. Elle enseignait déjà au conservatoire régional de Caen où il faut faire passer à l’élève l’amour de l’art : « Au CNSM de Paris, c’est différent, les élèves savent pourquoi ils sont ici, c’est plus un rôle de coach. »
A la manière de Brigitte Engerer (NDLR : pianiste et professeur décédée en 2012), Stéphanie-Marie Degand cherche les qualités de son élève pour les développer : « Il faut comprendre qui est cette personne. A chaque fois, c’est une aventure unique.»
Pour elle, on peut parler de son à la française : « En France au contraire de l’Italie, le violon est lié à la danse. Au lieu de parler de haut et de bas de l’archer, par exemple, on parle de pointe et de talon. Ça ne se dit pas dans les autres pays. »
Quand on évoque avec elle les études et enquêtes montrant que tous les enfants qui ont suivi un cursus musical complet n’ont pas échoué à l’école, Stéphanie-Marie Degand ne se montre pas surprise et surenchérit : « Apprendre un instrument, c’est prendre conscience de son corps, c’est aussi l’apprentissage de la régularité et de la persévérance. C’est ce que je fais avec mes enfants, je leur montre qu’en travaillant régulièrement, on y arrive que ce soit le travail d’un instrument ou des mathématiques. »
Pour elle, s’il y a un manque d’enseignants c’est que l’intérêt, ou non du métier, est lié aussi aux revenus des professeurs : « C’est difficile d’avoir une vocation quand le salaire ne suit pas. Il faut ajouter une non-reconnaissance et une espèce de mépris envers les enseignants. »

Bruno ALBERRO

 

La vidéo de Stéphanie-Marie Degand 

 

Où entendre Stéphanie-Marie Degand ?

  • Le 9 novembre à Laon dans un programme Beethoven avec l’orchestre du CNSMPD sous la direction de Bruno Mantovani ;
  • Le 22 novembre à Saint-Etienne dans « Péninsule ibérique » ;
  • Le 19 janvier à Paris à la Salle Gaveau avec la pianiste Christie Julien dans un programme russe ;
  • Les 16 et 17 juin à Saarbrücken dans un programme Lalo avec le Saarländisches Staatsorchester sous la direction de Sébastien Rouland.

Renseignement à Stéphanie-Marie Degand