Le mezzo-soprano Eléonore Pancrazi vient de l’Île de Beauté. D’une île à une autre, elle part en tournée en Angleterre du 17 novembre au 1er décembre. Ces origines corses soulignent aussi les difficultés rencontrées pour devenir chanteuse lyrique. Parmi ses projets elle se prépare à partager la scène avec le ténor Juan Diego Florès. Elle ambitionne de reprendre un festival lyrique en Corse quand sa carrière sera lancée, à l’instar de Robin Renucci pour le théâtre.

Eléonore Pancrazi est corse, bon tain. En allant de scène lyrique en concert ou production, le mezzo-soprano emporte dans ses bagages, ses montagnes, la mer et quelques traits de ce caractère de ce bout de France si singulier. Même si au cours de la conversation son accent typique ne s’entend pas, elle assure qu’il est là près à jaillir : « Il ressort quand je reviens au village. Ou quand je me mets en colère. »

Quand on est insulaire, on n’oublie pas ce qui forge les personnalités. Elle promet qu’elle redonnera vie aux Nuit d’été de Corte que ses parents ont dû arrêter faute de subventions : « Il faut attendre que ma carrière soit lancée d’abord. J’aimerais peut-être faire des master-class et des concerts. J’y pense. »

Une formule qu’a réalisée l’acteur Robin Renucci au théâtre, en organisant dans son village des sessions.

Mais si l’idée germe dans la tête d’Eléonore Pancrazi, elle sait que la patience est nécessaire, voire indispensable dans ce métier de chanteur lyrique. Elle se satisfait des bonheurs que lui procurent les invitations successives comme cette production où elle chantera à côté du ténor Juan Diego Florès : « C’est hyper-enrichissant de suivre des répétitions avec de tels chanteurs. »

La Corse Eleonore Pancrazi, mezzo soprano

La Corse Eleonore Pancrazi, aimerait animer un festival lyrique sur son île.

A ce jour de sa jeune carrière, son plus beau souvenir reste cette création « Manga café », opéra en un acte de Pascal Zavaro, mis en scène par Catherine Dune : « C’est une chance de pouvoir travailler un ouvrage avec un compositeur vivant et de travailler avec un metteur en scène qui est aussi chanteuse. Elle comprend parfaitement nos difficultés et c’est rassurant. On espère qu’il se jouera à nouveau en 2020. Tout en sachant qu’on ne sait pas comment demain sera fait et que les changements de rôle font partie du métier, je serais déçue si on ne me reprenait pas. L’émotion sera différente pour la reprise qu’à la création, mais je pense aussi le rendu s’en trouvera plus riche.»

Avoir participé à cette création l’enorgueillit sans ostentation pour autant, à peine jubilatoire : « C’est vrai quand on chante un rôle, on prend référence avec celles qui nous ont précédé. Là, la référence c’est moi. La création du rôle, c’est moi. C’est presque incroyable. Je pense que c’est important aussi pour moi, c’est un peu mon bébé. Et puis, ça n’arrive pas si souvent qu’on propose à un chanteur de créer un rôle.»

Si en province, il n’est pas facile de réussir dans le monde étroit de la musique, la problématique grandit en Corse. Du moins en apparence. Car Eléonore Pancrazi souligne la qualité de ses professeurs dans son lycée ou au Conservatoire d’Ajaccio, avec Bastia les seules villes de Corse à disposer d’une telle structure : « En Corse, on est coupé du monde. Et le chant polyphonique est certes une tradition de l’Île mais les groupes ou ensemble sont masculins. Et l’été les sérénades sont aussi les garçons qui viennent chanter les romances aux filles. En plus dans les programmes des théâtres, les productions d’opéra sont rares. »

Elle se rappelle son arrivée à Paris où elle découvrait les transports en commun à tout-va. Sans fausse modestie, elle confie qu’il lui a fallu un an pour s’habituer à ce changement.

Comme tout bonne Corse, elle y revient dès qu’elle peut et dès le pied posé sur l’Île, elle perçoit sa force : « Ça me ramène à la réalité, même à une forme d’humilité, alors que notre métier nous met au devant de la scène et peut-être nous fait oublier les choses simples. Car je suis consciente de vivre un rêve éveillé et qu’il est nécessaire de revenir les pieds sur terre. »

Ce rêve, elle aimerait le vivre le plus longtemps possible, elle cite les chanteuses qui se sont produites à un âge avancé sans que leur voix se souffre d’altérations. Cette ambition ne la fait pas lorgner vers les grandes scènes internationales. Non !

Et elle ajoute : « Je rêvais de chanter à l’Opéra-comique et au Théâtre des Champs-Elysées. »

C’est fait.

Eléonore Pancrazi ne discerne pas vraiment ce qui fait qu’un tel ou untel font une carrière internationale ou non. Un peu de chance ? Un peu d’opportunité ou d’opportunisme ? Une belle médiatisation ?

A cet inventaire interrogatif, tout juste Eléonore Pancrazi proposera : « Peut-être les bonnes rencontres ! » Sans dire, si elles se provoquent ou pas.

Bruno ALBERRO

 

La vidéo d’Eléonore Pancrazi 

Où entendre Eléonore Pancrazi?

  •  Du 17 novembre au 1er décembre en tournée en Angleterre dans Cendrillon de Massenet ;
  • Du 14 au 18 décembre dans Le Nozze di Figaro de Mozart à l’Opéra de Massy ; Du 24 janvier au 3 février dans Lucrèce Borgia de Donizetti au Théâtre du Capitole de Toulouse ;
  • Le 31 janvier à 12h30 en concert au Théâtre du Capitole de Toulouse ;
  • Du 24 février au 2 mars dans « Carmen, une étoile du cirque » à l’Opéra de Rouen ;
  • Le 6 avril 2019 dans Manon de Massenet au Théâtre des Champs-Elysées à Paris ;
  • Du 13 au 21 mai dans Carmen, une étoile du cirque au Théâtre des Champs-Elysées à Paris ;
  • Le mardi 16 juillet à 21h30 aux Chorégies d’Orange pour le concert des Révélations classiques de l’Adami. Elle sera entourée du soprano Marie-Laure Garnier, du ténor Fabien Hyon et du baryton Jean-Christophe Lanièce. Mais aussi de Jonathan Fournel, piano ; Manuel Vioque-Jude, alto ; Caroline Sypniewski, violoncelle et Nicolas Ramez, cor.

Renseignement à Eléonore Pancrazi