Alexandra Cravero est chef d’orchestre, Marseillaise aussi, et elle ajoute Arménienne par sa mère.  Elle évoque son métier, son envie de maturité pour mieux comprendre la musique. Son enfant prend aussi de la place dans la vie, un second métier ou une seconde vie. Elle s’en explique.

Dans son entourage, on doit compter sur une main les femmes qui veulent vieillir. Sur un ou deux doigts quand elles ont dépassé la quarantaine, même si c’est tout récent. Alexandra Cravero est de celles-ci, la chef d’orchestre précise que c’est pour son art : « Il faut un certain âge pour être crédible devant les musiciens ou le public. Et puis j’aurais une meilleure lecture des ouvrages. Quand je reprends une composition que j’ai dirigée plus jeune je me dis : pourquoi je n’avais pas compris ça. »
Justement, si Alexandra Cravero  apprécie la direction d’orchestre c’est qu’elle sait qu’elle évolue avec l’âge ou l’expérience : « C’est en cela que c’est intéressant. »
Avant de prendre la baguette, Alexandra Cravero tenait un archer d’alto : « Je n’ai plus le temps de poursuivre. Je pense néanmoins qu’il est essentiel de savoir jouer d’un instrument. L’idéal serait de les jouer tous. Etre musicien, ça rend plus crédible et c’est plus facile d’établir un échange. »
Elle explique que le but d’un chef est de faire exécuter ses idées musicales : « Chaque chef a dans la tête ce qu’il veut entendre. Le mieux, c’est par le dialogue. On ne peut plus diriger comme les chefs de la génération précédente. Le plus difficile, c’est à l’opéra ; car on travaille trois ou quatre semaines avec les chanteurs et pour des problèmes de budget seulement une semaine avec l’orchestre. Le mieux, c’est un compromis entre le chef, l’orchestre les chanteurs et le metteur en scène, sans oublier les costumes et la lumière. Tout influence l’idée qu’on a d’un spectacle. On cherche à faire le mieux avec tous ses éléments avec les choses positives et leurs contraintes. »

Alexandra Cravero, chef d'Orchestre de Marseille

Alexandra Cravero, chef d’Orchestre de Marseille

Si le chef ne produit pas de son, en revanche il l’obtient par sa gestique, explique Alexandra Cravero : « Le geste fait partie du métier. Je ne crois pas que ce soit une question de physique, mais plus une question d’engagement et de choix. Le geste, c’est la transmission de ce que le chef a dans la tête. »

Quand on lui demande si elle s’estime chanceuse de diriger aujourd’hui alors que de plus en plus de consœurs montent sur un pupitre, elle répond qu’elle n’a pas vraiment réfléchi : « C’est toujours ce que j’ai eu envie de faire. Si j’étais de la génération précédente, j’aurais fait la même chose, même si le chemin est un peu plus facile aujourd’hui. Bien sûr, on voudrait que la situation des femmes évoluent d’un coup, mais ce n’est pas possible d’aller aussi vite quand il y a eu une dominance masculine pendant 10000 ans ou plus. »
Dans la vie d’Alexandra Cravero, un petit enfant de trois ans et demi en occupe une partie et elle ajoute le métier de maman à sa vie de musicienne : « C’est une autre vie et tout tourne autour de lui. Je ne suis pas posée la question de maternité, si c’était le moment ou non.  Pour celles qui ne veulent pas d’enfant, la carrière est sans doute une excuse. Mais en fait tout s’adapte et tout s’organise quand je dois partir sur une production. Et puis, si ça ne s’organise pas, eh bien ! Je le prends sous le bras et je l’emmène avec moi. »
Alexandra Cravero a décidé de quitter Paris et sa banlieue d’ailleurs vers le centre de la France afin d’offrir un cadre de vie plus rural et sans doute plus clément à son « minot ».
Minot, l’expression marseillaise quand on parle d’un petit. A l’écouter Alexandra Cravero ne laisse pas penser que dessous l’accent des langues d’oïl perce celui de la Bonne mère. Mais dès qu’on évoque la Cité phocéenne, il revient au grand galop : « Marseille, c’est ma ville, c’est là où vit ma mère arménienne. J’ai besoin de revenir me ressourcer. Ce sont mes racines. »
Arménienne ? Alors elle a un mot, une pensée pour Charles Aznavour, porte-parole de la communauté, maintenant disparu : « Il était un artiste important, comme Johnny Hallyday ou Michael Jackson. »

Bruno ALBERRO

 

Où entendre Alexandra Cravero ?

  • Du dimanche 24 février au samedi 2 mars dans « Carmen, étoile du cirque » d’après l’opéra de Bizet au Théâtre des Arts à Rouen, avec Eléonore Pancrazi et Hélène Carpentier ;
  • Les dimanche 12 et 19 mai au théâtre des Champs-Elysées « Carmen, étoile du cirque » d’après l’opéra de Bizet au Théâtre des Arts à Rouen, avec Eléonore Pancrazi ou Hélène Carpentier.

Renseignement à Alexandra Cravero