La salle Auzon était comble samedi soir, d’un public venu d’un large territoire, pour écouter le concert du pianiste Abdel Rahman El Bacha. Ses pianissimii ont dû aussi combler les plus sceptiques qui jugeaient médiocre les qualités acoustiques de cette salle polyvalente pour de la musique classique. Cette conjonction devrait donner idée à la Capitale du Comtat de multiplier ce type de rencontres entre un public en demande et des artistes prêts à donner de leur temps comme l’a fait Abdel Rahman El Bacha pendant deux jours, en conseillant vendredi une master-class pour les élèves du conservatoire communal qui ont pu bénéficier des recommandations d’un virtuose, souvent primé dont celui du Premier prix, à l’unanimité, de la Reine Elisabeth de Bruxelles. L’artiste, franco-libanais, a participé ensuite, à une conférence pour tout public. Pendant près de deux heures, il a abordé son lien avec la musique mais aussi il a montré le pont tendu entre deux mondes : le Moyen-Orient et l’Occident.

Un double apport que les gradins de l’Espace Auzon ont ressenti quand le pianiste a interprété ses propres œuvres, où les influences de Schumann ou de Chopin se sont harmonisées aux couleurs orientales. La mort, la vie, les joies et les peines, la nature qu’inspire Beethoven étaient là dans son écriture, en suspension, en ombre bienveillante.  Abdel Rahman El Bacha est un philosophe sage, son jeu l’est tout autant, sans jamais brusquer les oreilles pour mieux suspendre le temps. Il y a chez Abdel Rahman El Bacha cette relation avec l’infini, pour ne pas dire l’éternité, où chacun a droit à sa propre destinée, en suivant les rêves et les envolées que les doigts sensibles du pianiste d’entre deux-mondes ont révélé.
Abdel Rahman n’est pas un fat, à n’offrir que sa propre littérature. Il a restitué les compositeurs jalonnant sa carrière, dont il extrait les partitions qui le touchent et qu’il sert au mieux. L’Espagnol Enrique Granados, le postromantique, ami de Fauré, de Debussy ou de Ravel est de ceux-là.  Quand Abdel Rahman El Bacha pose ses doigts sur un clavier, Chopin n’est pas loin, assis à côté de lui pour inspirer les Ballades, ses Nocturnes ou cette diabolique Polonaise pleine de tendresse entre lyrique et couleur dramatique.

Bruno ALBERRO

 

La vidéo d’Abdel Rahman El Bacha

Où entendre Abdel Rahman El Bacha ?