Le diable n’a pas d’âge et le jeunisme s’ancre dans notre société, alors pourquoi ne pas situer Faust de Gounod dans une période intemporelle où les jeans et débardeurs croisent les uniformes de l’armée coloniale. Tel est le pari de Nadine Duffaut qui signe la mise en scène de cet opéra à Marseille, dont la dernière sera donnée jeudi 21 février à 20 heures.
Et tout le petit monde dépeint par le poète allemand Goethe, évolue en costume signé Gérard Audier, se démène dans une scénographie d’Emmanuelle Favre où se mêlent un prie-Dieu géant, des poupées à taille inhumaine, les rideaux translucides ou le tableau d’un christ martyr. L’idée du tableau n’est pas s’en rappeler la Tosca de Puccini des Chorégies en 2010.

Le choix de Nadine Duffaut est d’avoir oser deux Faust avec Jean-Pierre Furlan en Faust âgé, présent sur le plateau, qui suit les drames comme un fantôme ou plutôt comme le témoin des conséquences dont il est seul responsable d’avoir pactisé et échangé contre son âme sa jeunesse avec le douzième ange de l’enfer. Ses attitudes, ses regards, son maintien relèvent du vrai théâtre.
Laurence Foster était invité à diriger l’ouvrage devant l’Orchestre philharmonique de Marseille : une baguette de maître qui connaît l’œuvre et ses pièges. Sur le plateau, les chœurs de l’Opéra de Marseille en voix, façonnés par Emmanuel Trenque.
Faust de Gounod est une suite d’airs connus et là il n’y a pas de petits rôles, tous doivent livrer leurs arias qui sonnent à l’oreille dès les premières mesures.  A la façon d’aborder son Siegel, tendre et discret, le jeune Kevin Amiel progresse de sortie en sortie ; Philippe Ermelier campe un Wagner débonnaire. Etienne Dupuis convainc, l’air de Marseille lui convient assurément. Après Germont dans Traviata où il avait étonné de sa maturité la maison phocéenne le Canadien Etienne Dupuis endosse là le costume de Valentin et il lui va bien, s’inscrivant dans une lignée de tradition des barytons larges et puissants.
Jean-Pierre Furlan donne le ton de cet opéra en Faust vieux. Il se montre égal à lui-même, avec  une technique maîtrisée et le sens de la scène. Faust renaît sous les traits de Jean-Christophe Borras, face à cette distribution, on pouvait s’attendre à une présence plus généreuse tant sur le plan vocal que scénique.
Il est vrai qu’à son côté, Nicolas Courjal développe un Méphistophélès de haute volée. Il ne manque que les flammes crachant des yeux. Dès son : Me voilà ! du premier acte, la basse française donne le ton et le tempo. Tout fonctionne personnifiant le maléfice avec ses armes de séduction ou d’espiègleries calculées : le regard, la gestuelle, les déplacements.
Malgré tous ses efforts, il n’obtiendra pas l’âme de Marguerite du soprano Nicole Car. Elle était une envoûtante Violeta dans la Traviata ici-même, elle chante là cette ingénue sans faconde. Sa ligne de chant et sa diction font le reste.

Bruno ALBERRO

 

Photos Christian DRESSE

Prochainement à Marseille
Jeudi 21 février à 20 heures, Faust de Gounod à l’Opéra de Marseille
Les 23 et 24 février à 14h30 L’Auberge du Cheval-Blanc à L’Odéon
Du 24 mars au 3 avril Le nozze di Figaro de Mozart avec Patrizia Ciofi.

Renseignement à l’Opéra de Marseille