Pendant 19 ans, Marie-Lys Navarro a dansé pour le Ballet national de l’Opéra de Bordeaux, elle a réussi sa reconversion en devenant régisseur de scène dans la même maison opératique. L’an passé, elle a aussi été sollicitée pour occuper ce poste aux Chorégies d’Orange, ce qui lui a permis de goûter avec plaisir à l’ambiance des productions estivales. Marie-Lys Navarro devrait retourner au pied du théâtre antique cet été pour les 150 ans du festival lyrique.
« Arrêter la danse n’a pas été facile, c’est pour moi, c’est comme faire le deuil», analyse Marie-Lys Navarro. Arrêt brutal d’une passion.
Il y a quatre ans, elle a laissé ses ballerines pour porter sur la tête le casque et le micro du régisseur de scène, celui ou celle qui participe à la réalisation des spectacles en régulant les entrées et les sorties des artistes du plateau. Pendant 19 ans, elle a été danseuse au Ballet de l’Opéra national de Bordeaux avant de passer des devants de la scène aux coulisses, de la lumière à l’ombre, des saluts et des applaudissements du public à la satisfaction d’avoir participé à la réussite d’une production, de l’avant-projet au baisser de rideau.

Marie-Lys Navarro sera cet été aux Chorégies d’Orange pour la production de Guillaume Tell.
Il ne faut pas croire que cela a été simple de penser à sa reconversion, même si Marie-Lys Navarro savait que la danse ne durerait qu’un temps : « Quand je suis rentrée au ballet, j’ai vu des danseuses arrêtées, j’ai vu pour certaines les difficultés à se reconvertir. Aussi, je me suis dit que j’y penserai très tôt. La danse est aussi très éprouvante pour le corps, il souffre, car ce qu’on lui demande n’est pas naturel. Et puis, les danseurs n’ont pas l’habitude de se plaindre, ça m’est arrivé de danser alors que les tendons d’Achille étaient fissurés. Quand j’ai vu le travail du régisseur, je me dis : c’est ça que je veux faire après.»
Après quelques secondes de silence, Marie-Lys Navarro souligne qu’aujourd’hui les choses ont changé dans le monde de la danse, que des précautions sont prises pour aider le corps : « Dans la préparation et dans la récupération, qu’on ne faisait pas avant. Malgré tout, s’il faut des qualités au départ, c’est nécessaire d’entretenir cette souplesse. Notre corps est toute de même maltraité.»
L’envie de danser est toujours là, et les souvenirs des saluts sont encore présents dans sa mémoire : « Forcément, ça manque ! Quand on danse devant un public, on se met à nue. »
Alors que son corps criait au secours, Marie-Lys Navarro a pris rendez-vous avec la direction des ressources humaines de l’opéra bordelais : « Il y avait un poste de régisseur que se libérait et on me l’a offert le 30 décembre 2015. J’ai arrêté de danser le 31 décembre, je commençais une nouvelle vie le 1er janvier par une formation. Pour cette dernière production on m’a fait la fête avec les cotillons.»

Marie-Lys Navarro a réussi sa reconversion danseuse à la régie de l’Opéra de Bordeaux. Photo crédit Yohan Terraza.
Quatre ans après le changement de décor, hormis les joies de la danse Marie-Lys Navarro ne regrette rien : « On se rend compte que chacun de nous est une pièce du puzzle. Régisseur, on participe à la création d’une production. On nous demande sans cesse d’anticiper. Il nous arrive aussi de donner notre avis sur les projets du metteur en scène par exemple, en lui disant là ce que vous attendez ce n’est pas possible. Ce sont les premiers jours les plus difficiles à gérer, le temps que les choses se mettent en place et que les gens arrêtent de s’énerver, car ça ne va pas comme ils veulent. Le régisseur doit être patient, prendre les choses avec philosophie et être fin psychologue pour rassurer tout le monde, que ce soit les réalisateurs ou les artistes. On est là pour enlever les tensions. On dit d’ailleurs que, quoiqu’il arrive, c’est de la faute du régisseur. Notre plaisir c’est un spectacle réussi.»
Après 23 ans dans la même maison opératique de Bordeaux, Marie-Lys Navarro a découvert le festival des Chorégies d’Orange : « Anthony Duclos a appelé Bordeaux, car il manquait un régisseur ; mes deux autres collègues ne pouvaient pas se libérer. J’ai donc accepté, même si ça raccourcissait les vacances. J’ai trouvé une ambiance différente et un lieu unique avec le théâtre antique, je dois y retourner cet été pour Guillaume Tell de Rossini.»
Renseignement à l’Opéra de Bordeaux ou Les Chorégies d’Orange