Pour les 150 ans des Chorégies, d’Orange, le directeur du festival lyrique, Jean-Louis Grinda, a mis à l’affiche la VIIIe symphonie de Mahler. Parmi les huit solistes invités, le soprano Eleonore Marguerre pour faire ses premiers pas sur la scène antique. Allemande de naissance avec un nom d’origine belge, elle parle de musique et de l’Europe.

Cet été, Eleonore Marguerre est invitée aux Chorégies d’Orange, pour les 150 ans du festival lyrique, où elle se produira dans l’octuor de la VIIIe symphonie de Mahler qui sera donnée le lundi 29 juillet au théâtre antique. Un ouvrage qu’elle n’a jamais chanté, de même elle n’a jamais coudoyé le reste de la distribution : « Je les connais que de nom. C’est différent des récitals où on se voit deux jours, là on sera en répétition une semaine, on a le temps de travailler ensemble. J’aurais aimé bien sûr une production mais je ne suis pas frustrée. Mahler n’a pas écrit d’opéra. Ses symphonies chantées sont comme des opéras. » Sa version préférée est celle dirigée par Michael Gielen avec l’orchestre de Baden-Baden.
D’Orange, Eleonore Marguerre a programmé des visites pour s’imprégner du lieu et de son histoire : « Quand je suis en production, j’en profite aussi pour visiter. Je vais voir les musées. Quand je suis allée chanter à Tours, j’ai visité beaucoup de châteaux de la Loire. Je suis venu à Orange, mais jamais au théâtre antique ; le festival est connu en Allemagne, comme le festival d’Aix-en-Provence.»

Le soprano allemand Eleonore Marguerre chantera la VIIIe symphonie de Mahler pour les 150 ans des Chorégies d'Orange.

Le soprano allemand Eleonore Marguerre chantera la VIIIe symphonie de Mahler pour les 150 ans des Chorégies d’Orange.

La soprano Eleonore Marguerre a vécu l’Histoire d’outre-Rhin. Elle agrandi avec la construction européenne, elle était toute jeune quand de chaque côté du Rhin Helmut Kohl et François Mitterrand donnait l’élan d’une Europe élargie. L’adolescence voyait le mur de Berlin s’ouvrir tandis qu’elle apprenait le français à l’école. Elle perfectionnera son français en devenant chanteuse, en aimant parler avec ses collègues des théâtres ou des maison opératiques francophones.
Et puis, le français est inscrit dans son ADN : « Mon arrière grand-père était belge, de Bruxelles, il a émigré vers Aix-la-Chapelle. » Eleonore Marguerre vit à Weimar dans l’ex-Allemagne de l’Est, une ville où Goethe, Wagner, Bach, Schiller, Liszt, Cranagh, Nietzsche, Klee, Kandinsky ou Jorge Semprun ont laissé leurs empreintes dans cette ville du Thuringe. Elle-même, dans cette aura, a été trois ans en troupe à l’opéra : « J’ai quitté il y a un an, mais je suis restée dans cette ville. »

De côtoyer la population allemande de l’ex-pays de l’Union soviétique, elle constate un changement de mentalité et une montée de l’extrême-droite : « Pas chez moi, où la ville est de tradition libérale. Avec les jeunes, c’est en train de changer, mais une frange de la population n’a jamais vécu avec des émigrés ou des réfugiés. Dans des landers voisins, certains aiment ce côté protectionniste, une vie planifiée et l’autorité. »
Son métier l’aide à vivre l’Europe : «C’est fréquent que sur un plateau, on compte une dizaine de nationalités différentes. On se comprend car nous avons le même langage : la musique est universelle. » Elle aimerait que les productions soient de plus en plus contemporaine : « L’opéra peut parler d’aujourd’hui. Ce serait bien, car sinon dans trente ans, il n’y aura plus personne pour nous écouter. On sent qu’il y a un mouvement avec de jeunes compositeurs qui écrivent des choses agréables à écouter. »

Le soprano allemand Eleonore Marguerre chantera la VIIIe symphonie de Mahler pour les 150 ans des Chorégies d'Orange.

Le soprano allemand Eleonore Marguerre prône l’engagement sur le plateau et elle dit préférer Callas à Tebaldi.

D’avoir été en troupe n’a pas empêché Eleonore Marguerre de poursuivre ses relations avec des opéras amis comme Düsseldorf ou Nuremberg : « Je trouve ça très ben de retrouver des collègues des collègues, c’est m’est plus facile pour travailler. » Comme elle apprécie de multiplier les rôles : « Ce sont des difficultés supplémentaires mais ça agrandit les libertés. »
Elle est consciente aujourd’hui que le monde du lyrique évolue avec la société où le physique prend de plus en plus d’importance, elle prône l’engagement sur le plateau : « Je me sens plus proche de Callas que de Tebaldi. C’est vrai qu’aujourd’hui le physique est important que ce soit pour les femmes, mais aussi pour les hommes. Les directeurs de théâtre et le public veulent avoir des Jonas Kaufmann ou Georges Clooney. Je pense que ce qui compte en premier c’est la voix, il est important de savoir qui font les castings. »
Si au début de sa carrière, Eleonore Marguerre chantait avec des aigus acérés pour dans l’air de la Reine de la nuit de Mozart qui l’a fait remarquer, aujourd’hui elle se considère comme un soprano lyrique : « Je préfère, c’est plus rond plus chaleureux. Ça me correspond mieux. La voix change avec les ans, il faut l’accepter. On adapte sa voix à d’autres répertoires. »

Bruno ALBERRO

 

Photo crédit Christian Mai

La vidéo d’Eleonore Marguerre

Où entendre Eleonore Marguerre ?

  • Le 22 mai à Altenberger Lieder Berg / Sinfoniekonzert Ruhrfestspiele Recklinghausen
  • Le 02 juin dans des Lieder en Recital  à Erfurt-Neudietendorf
  • Le 14 juin dans Krieg und Frieden / Natascha au Staatstheater Nürnberg
  • Le 29 juillet aux Chorégies d’Orange dans la VIIIe symphonie de Mahler;
  • Le 22 septembre, Operette Concert, au Philharmonie Köln

Renseignement à Eleonore Marguerre