Rubens Russomanno Ricciardi trompe l’adage : nul n’est prophète en son pays, même si son nom est de temps en temps à l’affiche en Italie, à Lyon, en Allemagne ou en Suisse. Il est prophète en son pays que ce soit comme pianiste, compositeur, professeur ou chef d’orchestre comme ne témoigne la pianiste française Emmanuelle Stéphan, qui revient de São Paulo où elle a donné deux concerts remarqués sous sa direction à la tête de l’USP-Filarmônica, Ribeirão Preto. Pour mémoire, elle a joué le concerto No.12 de Wolfgang Amadeus Mozart en la majeur K414 et le 18e Prélude et Fugue du second livre du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach (en sol-dièse mineur, BWV887). Avec un regret de ne pas avoir su plus tôt que le maestro composait : « J’aurais aimé jouer une de ses pièces que j’aurais mises à mon programme. »
On peut imaginer que ce sera pour bientôt, tellement cette littérature l’inspire. Rubens Russomanno Ricciardi constate qu’il est difficile pour un compositeur d’être joué hors de ses frontières. Sans désespérer pour autant. Une question de temps, peut-être aussi du fait de l’organisation musicale dans ce vaste pays d’Amérique du sud, comme il l’explique : « Au Brésil, la musique est considérée comme populaire et dépend des universités et des fonds publics. Il n’y a pas de mécénat. Mais comme dans tous les pays, les moyens pour la culture sont en baisse un peu partout. On a de la chance que la province de São Paulo soit riche et qu’elle soutienne les arts. »
Quand on attire son attention que la seconde partie du XXe siècle a peu joué ses compositeurs, il répond : « C’est vrai ici au Brésil comme en Europe. Pour moi, la musique des Boulez et autres est maintenant de la musique ancienne. Le public ne l’a pas retenue alors que les musiques antérieures et celle de la première partie du XXe siècle sont toujours des succès.»
Comme en Europe, le souci des acteurs brésiliens est aussi d’attirer un jeune et nouveau public vers la musique classique, comme l’explique Rubens Russomanno Ricciardi : « C’est notre premier objectif. On se doit d’avoir des projets pour la jeunesse en incluant de la musique moderne et des créations tournées vers les jeunes. Les concerts sont gratuits pour le public et nous avons une démarche pédagogique en présentant les œuvres.»
Rubens Russomanno Ricciardi voit une chance de propager la diffusion de nouvelles créations par les moyens numériques : « On constate que les prises de vues et les enregistrements sont relayés sur les réseaux sociaux. Pour nous compositeurs, c’est un moyen de se faire connaître. Nous n’avons pas non plus d’éditions, ce qui permet à celui qui le veut de récupérer les partitions en ligne. Elles sont mises gratuitement à disposition. »
Pour l’instant il travaille à mettre en musique « La Matrone d’Éphèse » du Latin Pétrone où une veuve consolée avec un beau soldat préfère voir sur la croix le cadavre de son mari plutôt que son nouvel amant. Il s’amuse à dire que ce drame de l’antiquité serait très bien au théâtre antique d’Orange.