Quand le ténor autrichien Nikolai Schukoff est venu assister à un opéra au Théâtre antique, il n’imaginait pas que les Chorégies d´Orange l’inviteraient à chanter la VIIIe Symphonie de Mahler, cet été, pour les 150 ans du festival lyrique.

Le lundi 29 juillet prochain sera singulier pour le ténor autrichien Nikolai Schukoff, il est invité au théâtre antique à chanter la VIIIe Symphonie de Mahler aux Chorégies d’Orange et graver ainsi son empreinte dans les tablettes du festival lyrique qui fête ses 150 ans cette année. Il a pu en apprécier les lieux en assistant en famille à une représentation : « Je ne pensais pas alors que je viendrais m’y produire. C’est un festival réputé que les Autrichiens connaissent par les vidéos. Je me rappelle de la Norma de Bellini avec  Montserrat Caballé. Je me trouvais à Barcelone quand elle est décédée. On a chanté en son hommage le Requiem de Verdi. »

Le ténor Nikolai Schukoff chantera la VIIIe Symphonie de Mahler aux Chorégies d’Orange.

Il n’est pas étonné que les huit solistes conviés à cette VIIIe de Mahler soient germaniques, telles Eleonore Marguerre et Ricarda Merbeth : « Il est important de comprendre ce qu’a voulu dire le compositeur. Ce ne sont pas que des notes qui se suivent. Il y a un sens difficile à cerner car on ne peut pas dire que ce soit religieux mais c’est profondément lié à une croyance. Ce n’est pas une messe ou un oratorio, par moment c’est un opéra. En tout cas une œuvre inspirée avec en seconde partie une référence à Faust. »

Quelques jours avant de chanter cette littérature à Orange, il sera à Sapporo au Japon au sein d’un autre octuor pour cette même VIIIe de Mahler et la semaine précédente au festival d’Aix-en-Provence dans « Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny ».

Nikolai Schukoff pose un regard sincère sur son métier sans ambages ni complaisances : « Mais je suis professionnel et je vais là on me demande. »

Son nom patronymique englobe déjà l’Europe centrale et les pays de l’ancien empire austro-hongrois : « Mon nom vient d’un grand-père russe mort à la guerre, j’ai des origines autrichiennes, tchèques aussi. »

Il ne se destinait pas à devenir chanteur professionnel, glissant qu’il a fait des études de génie mécanique : « J’aime bien bricoler, c’est un bon exercice pour une moitié du cerveau quand je ne chante pas. Bricoler m’empêche de penser. » Une activité pratiquée bien volontiers dans sa maison secondaire du Lot : « Avec mon épouse, nous sommes venus deux fois en vacances et nous avons eu envie d’acquérir une maison. J’ai appris à faire mes pâtés, les fois gras. Cette région me rappelle chez moi en Autriche avec ses collines. Le Lot est un lieu chargé d’histoire avec des grottes qui montrent qu’on a habité ici depuis 30000 ans, on fait quelques pas et on voit un château ou une église. Cette région est comme un héritage. »

Le ténor Nikolai Schukoff chantera la VIIIe Symphonie de Mahler aux Chorégies d’Orange.

Le ténor Nikolai Schukoff sera aussi au festival d’Aix-en-Provence cet été.

De l’héritage patrimonial au monde opératique n’existe que l’espace d’une note ou d’une mise en scène. Nikolai Schukoff se montre respectueux du fond et de la forme, il évoque aussi ces metteurs en scène sans tendresse particulière à leur égard : « J’en connais trois que j’ai mis dans ma liste noire. Pour eux, la mise en scène est une thérapie, elle remplace le psychiatre dont ils ont besoin. Je suis favorable aux idées modernes, mais ça doit fonctionner de À à Z. C’est vrai que souvent les chanteurs sont conspués en même temps que la mise en scène. Une fois Diana Damrau ne s’est  pas occupée de la mise en scène, elle a fait son travail comme elle le sentait et elle a été applaudie. »

Il explique que les critiques sont nécessaires pour évoluer : « Ce qui l’ennuie le plus, c’est l’attitude de certains directeurs « ils demandent des chanteuses de 15 ans ayant la voix de Callas et belle pour être sur les Unes des magazines. Mais c’est la voix qui véhicule les sentiments. Ce qui est embêtant aujourd’hui c’est que tout le monde est remplaçable même à l’autre bout de la terre. Alors qu’un chanteur doit planifier sa carrière pour durer, garder sa voix intacte pour ne pas finir vendeur de disques. »

Si Nikolai Schukoff n’enseigne pas c’est par manque de temps, le ténor est conscient que l’avenir de l’opéra passe par la transmission de son art vers les jeunes générations en rappelant que l’opéra est un spectacle vivant : « Une partie du public est initiée et il faut apprendre à l’autre partie à vivre avec les musiciens. Qu’on ne peut pas retrouver sur scène ce qu’on entend dans un disque où le son est travaillé. Je le redis, la musique transporte l’émotion. »

Bruno ALBERRO

 

La vidéo de Nikolai Schukoff

Où entendre Nikolai Schukoff ?

  • Le 29 juillet aux Chorégies d’Orange dans la VIIIe symphonie de Mahler ;
  • En juillet 2019 dans Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny au festival d’Aix en Provence
  • En janvier et février 2020 dans Parsifal au théâtre du Capitole de Toulouse ;
  • En mars et avril 2020 dans Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny à Amsterdam ;
  • En juin 2020 dans La Pasajera au Teatro Real de Madrid.
Renseignement à Nikolai Schukoff