Elle se lançait dans des études à Science Po et le chant lyrique l’a rattrapée. Ce n’était pas le chemin qu’ambitionnait Laurine Martinez qui se lance dans la carrière comme soprano.

D’aucuns pourraient penser que la soprano Laurine Martinez avait tout pour réussir dans une vie régulière : Sciences-Po Paris, une préparation pour l’ENA. Pas de quoi la réjouir et répondre à ses attentes, cependant. Elle raconte que c’est au cours d’une étude sur un dossier de finances publiques qui devaient s’adapter aux règles européennes qu’elle a pris conscience du chemin où elle était engagée : « Ça représentait un pour cent du PIB de l’Europe. Je ne voyais pas toute ma vie à faire ce genre de travail. J’ai tout arrêté en me disant que j’avais envie de faire sérieusement ce que j’avais envie de faire plutôt que de faire un travail sérieux. » Alors Laurine Martinez a mis de côté un poste honorable et même en vue pour devenir saltimbanque : « Je suis consciente que ce sera difficile, que nous sommes nombreuses mais je trouve que c’est une chance d’avoir la capacité de chanter et d’en faire son métier, dans la création. »

Le soprano Laurine Martinez soutient l’idée que les artistes doivent être leur propre porte-parole de leur art.

Le soprano Laurine Martinez soutient l’idée que les artistes doivent être leur propre porte-parole de leur art.

Laurine Martinez juge qu’elle ne possède pas de facultés particulières : « La musique nécessite beaucoup de travail. Les facilités et le talent ne suffisent pas. Certaines personnes talentueuses ne font rien. Il ne faut pas penser non plus qu’il a été aisé de prendre la décision de tout plaquer pour recommencer. Avec la musique et le violon d’abord j’ai appris à travailler seule. »
Elle estime la chance qu’elle a d’être Française même si les Conservatoires nationaux limitent les entrées par l’âge des candidats. Pour Laurine si égalité il y a c’est dans une comparaison d’artistes franco-français. Elle qui a séjourné en Russie et en Ukraine s’autorise une comparaison : « Le système éducatif est différent. Les élèves passent plus d’heures dans les cours qu’en France. »
Laurine Martinez estime que c’est aux artistes de défendre leur art auprès des élus et des institutions : « On a la chance en France d’avoir un ministère de la Culture, ce n’est pas le cas dans tous les pays. La musique est un ascenseur social. Pour ma part, mes parents n’étaient pas dans le monde de la musique, je ne suis pas la seule dans ce cas. Eléonore Pancrazi l’a dit. Dans son discours aux Victoires de la musique. Verdi ou Puccini n’appartient pas à l’élite. Qu’on soit instruit ou pas, riche ou pauvre, on a le droit de ressentir des émotions en allant à l’opéra. Je ne crois pas que ce soit une question d’argent. Des places de concert de variétés sont aussi chères que des places d’opéra. Il faut oser pousser la porte. On a oublié que l’opéra est un art populaire. C’est le message que nous devons faire passer. »
Son second cheval de bataille est le lien culturel entre la Russie et la France : « En Russie quand je disais que j’étais Française on me citait Alain Delon, Charles Trenet ou Lautner. L’inverse n’est pas vrai. Nous ne sommes pas très nombreux à nous intéresser à cette culture. Le rôle de la culture est de rapprocher les peuples au-delà des conflits politiques. »

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Bruno ALBERRO
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Photo crédit Jessika Leray

Renseignement à Laurine Martinez