Nul n’est prophète en son pays et le ténor Philippe Do en est un des exemples. Alors chanter aux Chorégies d’Orange cet été, dans Guillaume Tell de Rossini, mis en scène par Jean-Louis Grinda, est une occasion de se produire en France et de conjurer le sort.
Natif de Perpignan, le ténor Philippe Do a acquis une maison à Cadaquès en Catalogne, dans le village où Dali a fait construire sa célèbre maison. Ce n’est le peintre qui l’a attiré dans le cillage de pêcheurs, Philippe Do glisse qu’enfant il y venait en vacances. Comme la poursuite d’un chemin qui se trace sans qu’on y prête forcément attention. Sa carrière ressemble à cette image.
Comme pour beaucoup d’artistes, les premiers contrats professionnels déterminent les scènes qui jalonneront une carrière, comme celle du ténor Philippe Do : « J’ai gagné un concours en Italie, j’ai donc eu un agent italien et je chante plus à l’étranger qu’en France. Alors chanter aux Chorégies, c’est une occasion de me produire en France. » S’il chante moins dans l’Hexagone ce n’est pas une question de concurrence ou de d’un nombre de ténor important et s’en explique : « En général entre chanteurs on s’entend bien. Au contraire, ça crée une émulation et on doit donner le meilleur de soi. On s’entend d’autant mieux quand on s’accorde bien plutôt que de travailler dans la rivalité. »
Une autre raison qu’il aime bien l’Italie c’est que de l’autre côté des Alpes on lui propose des rôles de premier plan : « Ce qui n’est pas le cas en France. Aux Chorégies, accepter un rôle plus modeste c’est différent. C’est quand même un festival prestigieux et être présent pour les 150 ans du festival c’est fabuleux. »
Si les amateurs de Musiques en fête s’en souviennent ils l’ont entendu au cours de cette émission captée depuis le théâtre antique d’Orange : « J’étais présent à Orange en 2009 quand j’étais la doublure de Roberto Alagna dans Cavalleria Rusticana. J’avais pu apprécier l’acoustique. Et puis j’ai chanté aussi à l’Opéra de Monte-Carlo à l’invitation de Jean-Louis Grinda. »
Qu’est qui fait la différence entre un chanteur de renom et un autre ? Philippe Do analyse : « On est vite classé dans une catégorie et qu’on ne se rend pas compte des la progression des chanteurs. Les différences se font plus dans le regard du public que la qualité du chant. Les grands chanteurs sont ceux aussi qui se plient à l’exercice des médias et des sponsors. Au Metropolitan par exemple, il n’y a pas d’argent public, l’argent provient des sponsors et du mécénat. Il y a tout un travail relationnel d’aller au cocktail ou de dîner en tête à tête avec un sponsor quand on vous demande, c’est bien qu’il est un chanteur ou un chef d’orchestre à sa table. Si ça se passe bien, c’est plus d’argent pour la maison d’opéra. Aujourd’hui l’art est aussi dans une réalité économique.»
Lui qui a été un élève de Mirella Freni a quelques anecdotes à raconter de la grande soprano qui a partagé la scène avec les plus grands comme Pavarotti, Carreras ou Domingo : « Il y a toujours eu cette relation entre l’art et l’argent, depuis la Renaissance, les puissants s’offrent les grands artistes. Mirella Freni m’avait raconté que pour le premier concert des Trois ténors, ils avaient accepté un cachet, sauf le chef d’orchestre qui avait préféré les royalties. Vu le succès, tous ont demandé ensuite des royalties. Le label de disques avait ensuite proposé les Trois sopranos, mais ça n’avait pas pu se réaliser. »
La vidéo de Philippe Do
Où entendre Philippe Do ?
- « L’Amour des trois oranges » au Staatstheater de Mainz les 14, 20 et 26 juin avec Joan Antoni Rechi metteur en scène et Hermann Bäumer chef d’orchestre;
- « Choeurs Eternels » à Notre-Dame de Boiscommun le 30 juin avec le Choeur de Radio-France et L’Orchestre national de Paris avec Ariane Cosset (soprano) et Andrei Feher, chef d’orchestre ;
- Aux Chorégies d’Orange le 12 juillet dans Guillaume Tell de Rossini.
Renseignement à Philippe Do