Il est des moments magiques quand les détails s’effacent devant ces rares instants. Moment rare pour celui qui préfère l’émotion pure à la sèche perfection. Celui de vendredi soir à l’Hôtel des Bories à Gordes en est, par son cadre offrant une vue dominante sur la nature du Luberon ; plus encore quand il est investi par les Musicales du Luberon, dans cet espace que le festival, présidé par Patrick Canac, a nimbé des parfums de l’amour, thème retenu pour le concert du trio invité à ces rencontres de printemps. Il était composé de la soprano Alessia Schumacher, de la pianiste Alissa Firsova et du violoncelliste Anatole Liebermann.
De cette poésie d’un soir, se sont envolées les couleurs évanescentes cueillies chez Manon de Massenet, dans les poèmes de Mozart ou de Strauss. Le long de cette sente amoureuse ont fleuri les roses enchantées par le rossignol de Rimsky-Korsakov où Alessia Schumacher a tutoyé le chant de l’oiseau, les suraigus cristallins gommant la réverbération de la soupente qui abritait musiciens et le public. Un écho aux états d’âme sans nuire à l’ambiance bucolique de ces chemins de l’amour.
Le chemin a pris des sentiers de traverse avec les ombres sombres de l’univers de Gustav Mahler à qui le duo instrumental a emprunté l’Adagietto, un des mouvements de la Ve symphonie de Mahler qui résume les itinéraires insondables de l’hamanité. Mahler voyait la vie s’enfuir, elle renaît dans l’amour d’Alma. Des doigts d’Alissa Firsova glissant sur les ivoires et l’ébène, de la mort noire a jailli la lumière. Le maestro Mengelberg qui avait dirigé la création de cette symphonie en disait : « Si la musique est un langage, en voici la preuve. Il lui dit tout en notes et en sons, en musique. » Vendredi soir on ne pouvait que le croire.
A ces introspections et ces palpitations, Alessia Schumacher a ajouté des traits d’humour pour passer d’un univers sentimental à un autre, des langueurs des steppes sibérienne aux ors autrichiens ou allemands, où à la sentimentalité italienne, en déclamant l’air de Mimi de Puccini, quand la jeune fille aiguille à la main et les yeux dans les nuages, rêve de Rodolfo le poète qu’elle vient de croiser.
Ah rêver ! A l’infinie tendresse.

Bruno ALBERRO

Les Musicales du Luberon en bref :

  • Du jeudi 18 juillet au dimanche 4 août, Les Musicales du Luberon, présidée par Patrick Canac, rend hommage à la femme, compositrice, instrumentiste ou cheffe d’orchestre.

Renseignement aux Musicales du Luberon