Il est des signes dans la vie, il suffit de les observer pour vous guider. D’autres se rappellent à vous, comme le raconte le chef d’orchestre Debora Waldman. Elle vient d’être élue à la tête de l’Orchestre régional Avignon-Provence et prendra ses fonctions en septembre 2020, à la succession de Samuel Jean.
Le hasard de l’agenda de Debora Waldman fait qu’elle a été invitée à diriger l’Orchestre régional Avignon-Provence le dimanche 4 août pour clore les Musicales du Luberon. Alors qu’elle vient d’être élue à la tête de la phalange vauclusienne à compter de septembre 2020. Second signe perceptible, elle aura sous les yeux la partition de la Ve symphonie de Beethoven : « C’est curieux, c’est la première œuvre que j’ai dirigée il y a vingt ans. » En avril, il y aura une étape intermédiaire entre ce concert estival et sa prise de fonction à Avignon. En effet, elle pourra prendre la mesure de son travail puisque Debora Waldman est à l’affiche d’un concert comme chef invité de l’ORAP.
Que de chemin de patience pour Debora Waldman. Elle qui a jalonné la moitié de la terre entre le Brésil qui l’a vue naître, Israël où elle a grandi, avant de vivre en Argentine et maintenant en France.
Elle aime à dire que sa vie se construit graduellement et qu’elle ne souhaite pas avancer plus vite et extrapoler son avenir : « Je commence en septembre pour un contrat de trois ans. J’ai été retenue pour mon projet. Après on verra bien. D’abord travailler pour ces trois années. »
Elle résume son projet en un mot : faire rayonner l’orchestre. Elle ajoute les actions culturelles.
Depuis quelques temps, Debora Waldman défend aussi les compositrices et surtout celles qui ont été peu, ou pas du tout, jouées, fera-t-elle de l’Orchestre d’Avignon, son champ d’action ? « Je pense que ça entre dans mon projet. Certains ouvrages nécessitent cependant un ensemble important, ce ne sera pas possible à Avignon. » Pour sa carrière elle le dit tout de go : elle la dirige, comme elle dirige les orchestres qu’on lui confie ailleurs. « Dans la vie privée, le travail est partagé », s’amuse Debora Waldman.
Dans une interview en août dernier, Debora Waldman refusait l’attribut de féministe mais défendait la cause des femmes pour leur donner une place oubliée. En particulier aux compositrices après ce maigre inventaire : « Mais si c’est moins vrai dans la baroque, ensuite on connaît Clara Schuman et Fanny Mendelssohn et c’est tout. J’ai eu envie de chercher d’autres partitions.»
Debora Waldman assure que son but n’est pas de privilégier la femme à tout prix : « Je crois au mérite. Si c’est une femme qui mérite un poste tant mieux, si c’est un homme tant mieux aussi. L’important est de choisir les compétences. Pour cela, je crois qu’il y a des compositrices qui méritent d’être écoutées ou même d’être découvertes. C’est ce que je vais m’évertuer de faire. »
Pour bien montrer qu’il n’y a pas que le geste qui compte, Debora Waldman a dirigé à Besançon le 8 juin dernier, la symphonie de Charlotte Sohy (1887-1955), datée de 1917 et qui n’avait jamais été donnée. Une première mondiale.

Debora Waldman chef d’orchestre dirigera la Ve symphonie de Beethoven aux Musicales du Luberon.
Elle expliquait alors qu’elle avait d’autres projets de cette envergure mais qu’il est trop tôt pour en parler.
François Garagnon disait : « Il vaut mieux vivre ses rêves que rêver sa vie ». Le sien serait de diriger aux Chorégies d’Orange : « C’est le souhait de tout chef d’orchestre. »
Cette ténacité, elle le doit à elle-même certainement, mais aussi à Kurt Mazur qu’elle a coudoyé trois ans à l’Orchestre national de France quand le Kappelmeister allemand en était le chef attitré : « C’est sûr qu’il m’a marqué à vie. Il était tenace et ne lâchait rien. »
Il n’y a pas eu que Kurt Mazur qui a influencé la jeune musicienne, elle y ajoute une litanie de noms connus. Pour elle devenir chef était une vocation, une façon de transmettre ses idées. Pour transmettre, le mieux est de connaître ses musiciens, c’est ainsi qu’en 2013 Debora Waldman a aussi fondé l’Orchestre Idomeneo : « Nous avons trois projets par an.»
Si elle poursuit encore un peu la flûte et un peu plus le piano c’est que ces deux instruments l’aident à comprendre et à interpréter une partition : « Il est important de nouer des convergences avec les musiciens. Le rôle du chef est d’harmoniser tous les sons. C’est vrai que lui-même n’en produit pas, mais je suis d’accord avec Nathalie Stutzmann. Chaque chef obtiendra un son différent dès la première note.»
La musique doit être accompagnée. Pour cela, Debora Waldman se ressource par la pratique du yoga ou du sport ou encore l’été en montagne : « Laisser le temps aux idées de mûrir me détend. »
Les convergences, les compromis, Debora Waldman sait ce que c’est. Elle qui est née à Sao Paulo au Brésil avant de déménager à trois ans dans un Kibboutz en Israël où elle a grandi, pour partir ensuite en Argentine avant de rejoindre l’Europe et la France pour compléter sa formation de musicienne.
Si elle n’est pas religieuse, Debora Waldman confie qu’elle est spirituelle par la lecture et les études des textes bibliques. Elle ne se désintéresse pas pour autant de ce que se passe en Palestine : « Quand nous vivions au Kibboutz on avait l’envie de vivre avec les villages druzes voisins. Je pense que nous pouvons vivre les uns à côté des autres. Pour moi, ça dépend de l’éducation. »
Où voir diriger Debora Waldman ?
- Le 4 août avec l’Orchestre Régional Avignon-Provence à l’espace Jean Giono, Apt, 21h30 pour Les Musicales du Luberon. Au programme Beethoven : Egmont ; Brahms : Double Concerto et Beethoven : Symphonie n°5. Voir sur www.musicalesluberon.fr
- Les 21, 22 et 23 août avec Johannesburg Philharmonic Orchestra au Linder Auditorium, Johannesburg ;
- Le 29 août avec le KwaZulu-Natal Philharmonic, à Durban City Hall ;
- Les 4 et 5 octobre avec l’Orchestre National de France, à Maison de la Radio ;
- Le 27 octobre avec Staatskapelle Halle à Steintor au Varieté Halle ;