Compositeur, pianiste et chef d’orchestre. Ce n’est pas suffisant comme label pour Frédéric Chaslin. Il faut ajouter auteur. En effet, il vient de sortir chez Fayard son premier roman : « On achève bien Mahler ».
Ce premier opus déroute dans les premières pages, puis rapidement on se laisse bercer par l’histoire, quand le compositeur et maestro le plus adulé du post-romantisme entre dans la peau d’un chef et compositeur moins huppé, tel ce Cornelius Franz qui doit cohabiter avec son prestigieux aîné. Sous les critiques du maître qu’il adule, durant trois mois, il doit être la main qui achèvera sa dixième symphonie et retrouver son unique opéra.
De phrases courtes et imagées, hautes en couleur, cet argument sert de prétexte à rendre visite et à fouiller un personnage méconnu, mort à 50 ans, en 1911. Il en dessine de nouveaux contours, certes le Juif errant converti au catholicisme est croqué, mais pas que. Alors pourquoi ne pas aborder les faces cachées de Mahler ? Surtout quand l’auteur fait dire au Viennois que Schubert, mort à 31 ans, a laissé des littératures qui flottent dans des univers parallèles et qu’il suffit de les trouver. On se met à imaginer cette bibliothèque invisible. Idem pour les grands auteurs ou compositeurs, tout est là sous nos yeux à condition d’y croire et de sortir de son confort au quotidien bien réglé. Mahler ajoute que le corps n’est qu’une enveloppe mortelle, que l’âme continue de rayonner. Le lecteur éclairé passe de l’impossible au possible.
Comme si dans notre monde matérialiste, selon Frédéric Chaslin, on avait fini par perdre nos cinq sens et d’autres perceptions. Comme si la lumière intérieure s’éteignait en nous pour laisser place au seul réalisme. Comme si la seule voie balisée de l’humanité était le consumérisme.
Sous la plume de Frédéric Chaslin, Cornelius Franz montre le chemin de la modestie en devenant soi-même, en laissant de côté ses prétentions pour se consacrer à sa vie délestée de ses passions. Il quitte la fosse d’orchestre pour se rapprocher de Mahler, en gardant le cimetière où il repose ; un exemple d’outre-tombe qu’il ne peut atteindre.
Le renoncement de Cornelius Franz n’est pas une résignation, c’est une note d’espoir simple, sans l’ambition.
A lire :
« On achève bien Mahler » de Frédéric Chaslin aux éditions Fayard.