Plus de 250 personnes ont assisté jeudi 29 août à une première mondiale – si, si… je vous jure – lors de la première « Nuit lyrique au Ventoux ». Qui avait pour cadre un terrain de sept hectares protégés, en partie boisés, appartenant à l’Office national des forêts, et aménagés en « Jardin singulier artistique et ludique », situé en contrebas du plus petit village du Vaucluse, le bien nommé Saint-Léger du Ventoux ! Un « événement » qui, certes, n’a pas mobilisé les caméras des chaînes d’info.

Nuit lyrique du Ventoux 2019

Jean Rouaud a mis en mots et en voix son spectacle « Que la musique commence »

Quelques strophes mises en musique par le jeune compositeur marseillais Fabien Barcelo jadis écrites par François Pétrarque, le poète humaniste italien, tombé raide dingue amoureux de la belle et chaste Laure de Sade, évanescente apparition qui lui fit tourner les sangs et la tête un matin d’avril 1327 au sortir de l’église Sainte-Claire à Avignon.

Ce poème a été exhumé des rayons de la librairie-maison d’édition de, et par, Nathalie David, l’enfant du pays, îlot de culture désormais ouvert tous les jours (sauf le lundi) au cœur de la vallée, dans une ancienne maison forestière. Insolite, assurément. Anecdotique ? Sûrement pas.

La démarche, hors des autoroutes de la culture tarifée, symbolise à merveille tout à la fois l’audace, l’originalité et la singularité de l’équipe de bénévoles qui s’est lancée il y a à peine un an, avec la foi chevillée au corps, dans un pari un peu fou. L’association Esprit des Lieux et le site d’information  Ventoux Opéra ont mobilisé pour cela les compétences, et il n’en manque pas dans la proche « banlieue » de Saint-Léger, ce hameau que domine l’abrupte et austère face nord du mont Ventoux, sept habitants à l’année selon le registre d’état-civil, plutôt quatre si l’on en croit une autochtone amusée (et bien informée).

Le guitariste Timothée Vinour a participé à cette première Nuit lyrique du Ventoux auréolé du prix Thomas Kuti du Lions club.

Les Ateliers du Regard, de Séguret pour la partie technique dirigée par Patrick Roux, l’association « Les aventurières du goût » pour la restauration ont réussi le tour de force de transporter leur savoir-faire dans un endroit aussi improbable que grandiose, bercé par le murmure estival du proche torrent capricieux Le Toulourenc. Où un public enthousiaste a plébiscité une affiche de haute volée présentée tout en drôlerie, gentillesse et décontraction par l’érudit coordinateur artistique Paulin Reynard.

Quand l’excellence va se nicher où on ne l’attendait pas

Jean Rouaud, prix Goncourt 1990 en ouverture, pour une conférence musicale (il joue aussi de la guitare !) intitulée « Non impedias musicam », (« N’empêchez pas la musique » ), a donné le ton du festival et ses mots ont résonné comme un appel à la résistance artistique et culturelle dans un monde qui perdu la boussole.

Le jeune guitariste classique Timothée Vinour, le duo de pianistes jeunes et éblouissants, Lucie Favier et Yoann Pourre, la pianiste Hélène Blanic accompagnant magistralement les voix accomplies de Chrystelle Di Marco, Valentine Lemercier, Camille Tresmontant et François Harismendy ont fait souffler un vent de fraîcheur sur un programme combinant des grands airs du répertoire et d’autres pièces pratiquement inconnues.

Les artistes se sont taillé un succès à la hauteur d’un talent, pour la plupart précoce, de très haut niveau. Comme quoi, l’excellence peut aussi aller se nicher où on ne l’attendait pas. Les personnes qui ont bravé les multiples virages de la petite route touristique, reliant Entrechaux et Montbrun-les-Bains, pour gagner ce havre culturo-bucolique, n’ont eu qu’à se louer d’avoir cédé à l’envie et à la curiosité. Un public averti qui, c’est à souligner, n’a pas fait cas des quelques imperfections inhérentes à une grande première dans un environnement très particulier.

Un festival hors normes, organisé dans des conditions pour le moins acrobatiques et spartiates.

Nuit lyrique du Ventoux 2019

Lucie Favier et Yoann Pourre ont consacré leur récital aux compositeurs du XXe siècle

L’ambiance, courtoise et bon enfant a contribué à sa réussite et à en valider le caractère décontracté, dans le droit fil, en quelque sorte, d’ « Esprit des Lieux ». Rendez-vous est déjà pris pour l’année prochaine. Le maître de soirée l’a annoncé en toute fin de spectacle.

En 2020, le festival passera la vitesse supérieure. Ce n’est plus un seul poème qui sera donné en exclusivité mondiale cette fois à Saint-Léger, mais tout un opéra, spécialement créé pour l’occasion, sur lequel Bruno Alberro pour le livret et Fabien Barcelo pour la musique ont déjà commencé à travailler. Certains spectateurs, incrédules, n’en n’ont pas cru leurs oreilles. Ils ont donc demandé, et obtenu, confirmation.

Saint-Léger, centre du monde opératique le temps d’une douce nuit d’été… On vous l’avait bien dit.

Jean-Louis PRADELLE

Photos crédit Christophe AGOSTINIS

 

Solidarité

La solidarité était aussi au rendez-vous. Cette première Nuit lyrique avait pour partenaire les sept Lions club bordant le Ventoux. Une partie des recettes et des dons sera reversée à l’association Enfants, Cancers et Santé pour aider à la recherche contre ces maladies. Un enfant sur 440 est atteint de cancers, 20 % ne survivent pas à ces maladies.

Renseignement à Enfants, cancers Santé