Lucie Roche est à l’affiche de La Flûte enchantée de Mozart à l’ouverture de l’Opéra de Marseille. D’une heure de bavardage ressort sa sérénité, voire son objectivité face à son métier ; Bien qu’elle ne changerait pour rien au monde et qu’elle recommencerait si tout était à refaire. Le plaisir d’être en scène, c’est le lot commun de tous ceux qui vivent le spectacle, le plaisir de créer consolide ses envies sans aucun doute, malgré les consignes des metteurs en scène et des directeurs musicaux.
Libre comme Novecento, le héros du roman d’Alessandro Baricco, face à son piano limité à 88 touches. Libre de cette créativité qui la nourrit. La mezzo, Lucie Roche conserve intacte son amour pour sa ville de Marseille, tout se rappelant que son arrière-arrière-grand-mère vient de l’Ardèche où le nom est plus commun que dans la cité phocéenne. Il faut tendre l’oreille pour desceller un accent du Vieux-Port : « A force de nous faire travailler la prononciation, j’ai fin par perdre mon accent. Je le retrouve en répétition, ça amuse mes collègues. »
Elle peut dire qu’elle est prophète en son pays, un peu du moins puisque l’Opéra de Marseille l’a invitée dix fois déjà : « Je trouve que Marseille est plutôt fidèle avec ses chanteurs, on voit des noms revenir régulièrement. »

Lucie Roche a chanté dans dix productions à Marseille. Photo A.Régis
Lucie Roche pose un regard éclairé sur son métier, elle évoque le jeunisme en place depuis quelques années déjà, l’importance du physique par rapport à la voix, elle s’interroge aussi quant aux voix anciennes : « J’ai participé aux Dialogues des carmélites et même pour jouer des bonnes sœurs il n’y avait que des beautés. C’est vrai qu’on peut se demander si des Montserrat Caballé se verrait donner une chance aujourd’hui. On voit que le plus souvent des directeurs d’opéra sont des gestionnaires. » A l’instar de nombreux chanteurs, Lucie Roche remarque que nombre de maisons d’opéra ne font pas appel à des chanteurs français pour les premiers rôles : « J’ai l’impression que le mot quota est tabou en France. Alors qu’il est naturel, comme il l’est en Italie ou en Angleterre. En Allemagne aussi sous une autre forme car il y a beaucoup de troupes. Ça ne signifie pas qu’il ne faut pas inviter des chanteurs étrangers, ce serait bête de ne pas profiter de leur richesse. »
Si Pavarotti disait qu’une carrière se construit avec 80% de non, Lucie Roche estime que ce serait difficile aujourd’hui de refuser un rôle : «C’est peut-être pour cela qu’il y a des chanteurs météorites à qui on offre des rôles qui ne sont pas pour eux. C’est toujours mieux d’avoir un directeur musicien pour éviter ce genre de problème. Il me semble qu’auparavant, les rôles étaient proposés pour vous, en fonction de votre voix et la carrière se faisait de façon naturelle. C’est impossible de décider de sa carrière en se disant qu’on ne fera que des opéras ou que des concerts, on apprend à prendre ce qui se présente. J’ai de la chance qu’on me propose des productions. Et puis en France, les concerts ou les lieder ce n’est pas dans notre culture comme en Allemagne, en Autriche ou dans d’autres pays de l’Est. Viennent au concert, ceux qui veulent entendre les stars en seconde partie de carrière, là les salles sont remplies. »
L’image que l’on renvoie fait partie aussi de la carrière, sans en perdre son âme, explique Lucie Roche : « C’est vrai qu’on est filmé tout le temps, on peut avoir un droit de retrait ; ça me gêne quand on filme une répétition. C’est bien de montrer le travail en amont, mais on doit comprendre que ce n’est qu’une répétition, qu’on ne chante pas toujours car c’est une préparation. Nous sommes dans le culte de l’image. »
Photo Christian DRESSE
La vidéo de Lucie Roche
Où entendre Lucie Roche ?
- Le 24, 26, 29 septembre et les 01, 03 & 06 octobre dans La Flûte Enchantée de Mozart à l’Opéra de Marseille
- Les 09 & 10 novembre dans Les Amants Magnifiques de Lully à l’Opéra de Reims ;
- Les 15 & 16 novembre dans Les Amants Magnifiques de Lully à l’Atelier Lyrique de Tourcoing ;
- Le 03 janvier en Concert du Nouvel an à l’ Opéra de Saint-Étienne ;
- Les 31 janvier, 02 & 04 février 2020 dans Don Quichotte de Massenet à l’Opéra de Saint-Étienne ;
- Le 03 mars en concert Ça va mieux en le chantant… Fille ou garçon ? à l’Opéra de Nantes
- Le 18 mars à l’Opéra d’Angers ;
- Les 03, 05, 07, 12 & 13 mai 2020 dans L’Amour des Trois Oranges de Prokoviev à l’Opéra National de Lorraine ;
- Les 12 & 13 juin 2020 dans La Messe du Couronnement, Mozart à l’Église des Carmes à Avignon.
Renseignement à Lucie Roche