La mezzo-soprano suisse Anouchka Schwok étudie à Zurich, tout en chantant dans le choeur de l’Opéra de Lausanne ou en concerts. Elle est en production actuellement dans les Contes d’Hoffman d’Offenbach. Elle fait l’apprentissage des difficultés de son métier, de la patience nécessaire pour y arriver, des contraintes pour durer.
Les qualités pour devenir chanteur s’imaginent, il suffit de reprendre les théories des grands de la scène lyrique : un du travail, deux du travail et trois du travail. Même si les temps ont changé. En tout cas, quelque que soit les évolutions, il suffit de réfléchir au parcours des Pavarotti et consorts pour se dire que la valeur intrinsèque ne suffit pas. Tous s’accordent à dire que sans travail il n’y a pas de talent. A cela, il faut ajouter un peu de chance et créer un beau réseau et nourrir des projets pour marquer la différence. La mezzo-soprano suisse Anouchka Schwok, s’inscrit dans cette approche, avec nuances : « C’est un métier qui s’apprend, c’est proche de l’artisan. » Alors, il faut laisser le temps au temps.

La mezzo-soprano Anouchka Schwok sera deux fois en concert à la Ferme Rosset à Troinex. Photo crédit Esther Duteil.
Est-ce que la récompense est le fruit du travail ? « C’est peut être plus vrai pour les instrumentistes. On a beau travailler, mais si à seize ans on vous propose un Wagner, le jeune chanteur n’y arrivera pas : l’instrument et le corps ne sont pas prêts. Ce qui fait la différence entre les artistes, c’est d’avoir un réseau et une la facilité à aller discuter avec des responsables, vers le chef d’orchestre ou les organisateurs. Pour certains, c’est presque naturel, pour d’autres un agent est le bienvenu.» On comprend que pour Anouchka Schwok, cette aisance n’est pas acquise : « Ça ne veut pas dire que je ne suis pas sociale, mais je ne suis pas frontale. » Outre le chant, et le sport, Anouchka Schwok pratique la méditation et le yoga. La conjugaison de toutes ses activités l’aident à progresser dans le travail sur soi, comme certaines lectures qui la poussent : elle cite les quatre accords toltèques de Miguel Ruiz. Comme pour se rassurer, elle ajoute qu’il n’y a pas d’urgence à progresser trop vite : « Je suis encore étudiante et je peux me permettre d’attendre. » Ou de repousser ou s’abriter derrière l’échéance, de loin en loin, avant que nécessité oblige.
Pour elle, la bienveillance est un atout, le travail sur soi aide à se dépasser
Aller vers l’autre, nécessite donc un effort mesurable : « Je ne suis pas la seule dans ce cas à devoir forcer ma timidité. Parfois, je vais écouter des artistes, peu ou pas connus, et je me dis qu’ils ont beaucoup de talent et cependant ils ne jouent pas dans de grandes salles. »
Pour elle, la bienveillance est un atout, le travail sur soi aide à dépasser ses limites, sans annihiler la volonté. Alors, il faut rechercher le plaisir et se préparer à durer longtemps : « A 26 ans, je n’ai pas fini d’apprendre, à 40 ans j’aurais des choses encore à apprendre, Il faut toujours travailler pour s’améliorer. Dans trente ans, j’aimerai plus enseigner, j’aurais des choses à apprendre aux élèves. Je le fais déjà, c’est passionnant d’aider un élève à découvrir sa voix. Chanteur, c’est être dans la transmission. Ce sera mieux avec de l’expérience.»
Le monde de l’opéra ne peut s’écarter de notre société de l’image. Anouchka Schwok dit qu’elle se retrouve sur les réseaux sociaux pour afficher les dates de ses concerts. Elle répond aussi à ceux qui souhaitent voir des chanteurs ayant l’âge et le physique du rôle. : « C’est peut-être la publicité ou le cinéma, à l’opéra aussi on préfère des personnes sveltes. Je trouve regrettable que certains chanteurs ne soient pas embauchés à cause de leur physique ou de l’âge, on peut toujours se déguiser. Ça m’attriste beaucoup. Mais on n’est pas obligé d’avoir de l’embonpoint pour chanter. On nous demande de faire plus de sport, d’avoir conscience que notre corps soit en bonne forme. C’est peut-être ce qui fait la différence entre nous et les générations précédentes. C’est que maintenant, on façonne un physique et une technique, prêts à l’emploi. »
Anouchka Schwok se dit qu’il est difficile de refuser un rôle comme ont pu le faire les chanteurs et les cantatrices d’hier : « Il faut prendre le temps pour élargir sa voix, on ne me propose pas des rôles lourds. »
Alors diva ou pas diva ? Peu lui chaut à Anouchka Schwok : « Je ne pense pas à être diva. Ce mot a une connotation négative. Ça fait penser à une chanteuse capricieuse. Je trouve le terme même sexiste. Je crois surtout que nous sommes dans une autre époque. On n’a pas la même formation. Il y a sans doute moins de chanteurs naturels. Il faut apprendre les langues, la diction, les cultures des différents styles. Ces formations permettent d’être plus polyvalents. Je ne crois pas que Pavarotti ait chanté en allemand. Aujourd’hui, il serait plus difficile de refuser un rôle quand hier Pavarotti disait qu’une carrière se faisait avec 80% de non. Il faut bien manger, mais il faut savoir aussi se protéger pour ne pas abîmer sa voix. Si on me propose de chanter un rôle de Wagner dans un an ( ce qui n’arrivera de toute façon pas! ), je refuserais, car c’est physiquement impossible à mon âge et à mon niveau de chanter quelque chose de si colossal.»
Si elle cite plus Wagner que Verdi ou Puccini, c’est que la musique du maître de Bayreuth l’envoûte plus : « J’adore les lieder allemand, j’aime aussi Dvořák et aussi les compositeurs russes comme Tchaïkovski ou Rimsky-Korsakov. On pense que je parle russe à cause de mon prénom. Mes parents ont visité Moscou pour leur lune de miel, ça leur a tellement plu qu’ils m’ont donné ce prénom. »
Bayreuth ! Le nom fait rêver une chanteuse lyrique. Anouchka Schwok se dit chanceuse d’avoir pu y aller en spectatrice il y a un an, après avoir attendu cinq ans son billet : « C’est magnifique avec un public de connaisseurs et contrairement à ce qu’on en dit, ce n’est pas trop huppé. Ça me plairait de jouer dans ces grands lieux, mais j’aime aussi la proximité avec le public dans des salles de 50 personnes. C’est une bonne expérience.»
Photo crédit Esther Duteil
Où entendre Anouchka Schwok ?
- Jusqu’au 9 octobre dans le chœur de l’opéra de Lausanne dans « Les contes d’Hoffmann « d’Offenbach, mis en scène par Stefano Poda;
- Le 1er novembre et le 1er décembre à la Ferme Rosset à Troinex dans le canton de Genève en récital avec le pianiste Hugo Mathieu dans un récital « Voyage romantique » avec au programme des Lieder allant de Schubert à Berg ainsi que des airs d’opéras de Weber, Rossini et Bizet.
Renseignement à Anouchka Schwok