Une distribution française pour « La Reine de Saba » à l’Opéra de Marseille ce n’est pas si commun et c’est à louer surtout quand le résultat dépasse les espérances. Quand on sait que l’opéra de Gounod n’avait pas été joué au pied du Vieux-Port depuis 1900, il y a de quoi se réjouir de lire et d’entendre une affiche de choix. Comme nous ne sommes pas des millions à avoir auparavant entendu cet ouvrage, autant se précipiter si le cœur vous en dit vous ne serez pas déçu. Tant mieux à ceux qui ont fait de cet opéra de Gounod de 1862 leur disque de chevet, révélateur de l’esprit français avec ce côté romantique et orientaliste, puisque le livret s’inspire du Voyage en Orient de Gérard de Nerval.

Certes, cette version de « La Reine de Saba » est concertante mais peu nous chaut si le plateau est royal comme c’est le cas jusqu’au dimanche 30 octobre. Quatre lumières sur les solistes suffisent et on ferme les yeux et la baguette de Victorien Vanoosten entraîne l’Orchestre et le chœur de l’Opéra de Marseille dans la Jérusalem de la construction du temple de Salomon, quand le roi sage reçoit la visite de la Reine de Saba, immense et riche royaume qui s’étend du Yemen à l’Ethiopie.

La musique charmée et envoûtante accompagne le drame légendaire d’Adoniram, le maître-bâtisseur du temple de Jérusalem qui résiste jusqu’au sacrifice pour ne pas révéler les secrets des maîtres, quitte, dans cette transposition, à devoir abandonner ses amours terrestres envers la Reine de Saba.

Elle prend dans l’opéra de Gounod le nom de Balkis qui apparaît dans le Coran. Elle est incarnée ici par la mezzo Karine Deshayes, de robe rouge vêtue. Prise de rôle pour la cantatrice où l’écriture de Gounod est faite pour elle, elle correspond à son timbre et sa voix chaude qui mêle le trouble de l’amour et la stature de reine.

A entendre le ténor Jean-Pierre Furlan dans le rôle du maître architecte, on regrette sa décision d’arrêter sa carrière opératique à la fin de cette saison. L’âge n’a pas de prise sur le chanteur ni sur le tenu comme le phrasé. Ses changements de couleurs en font un maître décideur sûr de son autorité et faible face aux élans de son coeur.

La scène marseillaise retrouvait un habitué des lieux avec la solide basse française Nicolas Courjal. Que dire, sinon qu’il s’impose dans chacun de ses rôles ? Hormis, on le voit bien, que ça le démange de pouvoir jouer et on peut le comprendre. Il compense avec le visage grimaçant, souriant ou apaisé. Les inflexions vocales reflètent et trahissent les états d’âme et les contrariétés du roi Soliman.

La mezzo Marie-Ange Todorovitch trouve en Benoni un rôle de travesti dans le personnage d’apprenti séide d’Adoniram où la chanteuse doit déclarer ses confidences ou afficher ses craintes du malheur. Une reine sans confidente, ça n’existe pas. Karine Deshayes la trouve en la mezzo Cécile Galois. Certes, Gounod ne lui a pas confié de grandes plages mais elle annonce les événements et la présence vocale de Cécile Galois est posée et assurée.

Pour compléter la distribution, les trois compagnons, attisés de vengeance, sont repris par Eric Huchet, Régis Mengus et Jérôme Boutiller qui s’expriment en trio. Eric Martin-Bonnet s’est vu confier le rôle de Sadoc le grand-prêtre du roi Soliman.

Bruno ALBERRO

 

Photos Christian DEBRESSE

Où entendre La Reine de Saba de Gounod ?

  • Le 25, 27 et 30 octobre  2019 à l’Opéra de Marseille

Prochain rendez-vous à l’Opéra de Marseille

  • Les 3 et 5 novembre Les Puritains de Bellini en version concertante
  • Le 10 novembre « Le château de Barbe-Bleue
  • Les 23 et 24 novembre Les cloches de Corneville à l’Odéon.

Renseignement à l’Opéra de Marseille