Le public de l’Opéra de Marseille avait pu apprécier un plateau royal en écoutant le Reine de Saba de Gounod en version concert, cette fois on lui proposait dimanche Les Puritains de Bellini dont la seconde est à l’affiche mardi soir. Une partie de la distribution précédente était à nouveau en smoking et nœud papillon face au public. Les basses Nicolas Courjal et Eric Martin-Bonnet assuraient le lien entre les deux productions.
Le directeur de la maison phocéenne, Maurice Xiberras, a cette bonne volonté de poursuivre sur ce chemin des opéras en version concert ; ça a pour avantage de rendre à l’opéra ce pourquoi cet art existe : les voix. Il avait offert cette fois la baguette au maestro Guiliano Carella.
De l’orchestre au pigeonnier, les fauteuils ont pu ressentir la fusion du chant lyrique et ses projections. Cela montre aussi que le drame ne se joue pas uniquement en sillonnant des décors de cartons. Quand la voix traduit les états d’âme et les situations pour suivre l’argument peint par le compositeur belcantiste, on se laisse porter, on crée ses propres images de cet amour déchiré par les apparentes trahisons.
Bien égoïstement, je préfère une version concertante de ce niveau vocal à une transposition de Les Puritains dans les tranchées de la Première Guerre mondiale ou dans l’espace. Les mondes scéniques où tout est possible, même dans les incohérences. Alors je ne boude pas mon plaisir d’avoir entendu cette version où l’équilibre a été trouvé, où je ne me dis pas un unetelle ou untel sauve la production.
Dans son ultime opéra, Bellini a laissé place à deux rôles féminins : la Reine était incarnée à Marseille par Julie Pasturaud qui apparaît au deuxième acte et Elvira, amoureuse d’Arturo. Le rôle-titre était confié à la soprano anglo-australienne Jessica Pratt aux aigus cristallins et acérés qui nous transportent de colère mélancolique en affliction où suintent ses amours languissantes pour Arturo, rôle pris ici par le ténor chinois Yijie Shi, impressionnant dans son interprétation. Et pour être crédible il se devait de répondre vocalement à sa partenaire et amoureuse d’un soir.
Si les chanteurs à ses côtés s’exprimaient du geste et des mimiques, lui s’est statufié dans son costume, le rendant plus fragile encore que son apparence le laissait penser. Mais quelle voix ! Et toutes les intonations sont là, sans compter l’ascension du vertigineux duo Credeasi, misera, où le ténor doit atteindre le sommet du contre-fa. Note sur aiguë, quand on trouve déjà bluffant de réussir le contre-ut. On s’émeut avec lui, quand il explique à Elvira qu’il n’a pas suivi une dame pour fuir son amour pour Elvira, mais la Reine pour la sauver. On l’accompagne au cours de cette confidence et on est triste avec lui de l’incompréhension laissée par fidélité.
Nicolas Courjal endossait lui le costume de Giorgo. Il est évident que la maison phocéenne lui est acquise, il y est chez lui et le rend bien en déclinant ce qui l’habite : suspicion, autorité, paternité, confiance. Il nuance à l’envi et avec justesse cette palette de sentiments que traverse son personnage.
L’opéra de Marseille retrouvait le baryton canadien Jean-François Lapointe. Bien lui en a pris d’investir le personnage de Riccardo. Il est conforme à son image laissée après « Suoni la tromba, e intrepido », le duo avec Nicolas Courjal dans le duo du troisième acte.
Cette affiche de Les Puritains était l’occasion d’écouter le ténor Christophe Berry, peu souvent présent dans des rôles à sa mesure.
Photos crédit Christian DRESSE
A l’Opéra de Marseille
- Le mardi 5 novembre à 20 heures, Les Puritains de Bellini en version concert ;
- Le dimanche 10 novembre à 17 heures Le château de Barbe-Bleue de Bélà Bartok ;
- Les samedi 16 et dimanche 17 novembre Dream et Somewhere par la compagnie Julien Lestel ;
- Du 28 décembre au 5 janvier Barbe-Bleue d’Offenbach.
Renseignement à l’Opéra de Marseille