Née en Iran, un pays où les femmes n’ont pas le droit de chanter en soliste, la soprano Anousha Nazari a décidé de braver les interdits d’un autre temps pour venir en France où elle a été admise dans un Conservatoire à rayonnement régional en Ile-de-France.
Elle a chanté dans le chœur l’Orchestre symphonique de Téhéran, mais ça ne suffisait au bonheur d’Anousha Nazari. La jeune femme rêvait de devenir soprano et soliste d’opéra. Certes, à l’heure actuelle, à l’opéra de Téhéran, il est difficile d’imaginer une Iranienne chanter Traviata ou La Fille du Régiment dans le pays des Mollahs.

La soprano Anousha Nazari est arrivée en France en 2016. Photo Sina ABEDI
Si une femme ne peut pas se produire seule sur scène, elle peut devenir architecte, ce qu’a fait la jeune femme pendant quatre ans. Mais ce qui l’intéresse, c’est la construction de son temple intérieur en harmonie coloré de notes de musique. Le chant a été chez elle plus fort que tous les interdits, quitte pour cela à s’expatrier, raconte-t-elle : « Je suis venue en France en 2016, j’ai passé le concours pour intégrer le Conservatoire à rayonnement régional de Cergy-Pontoise où je continue jusqu’à la fin de l’année. »
La jeune femme a fait le choix de la France pour vivre de son art : « J’ai été attirée par la richesse culturelle et musicale de Paris et aussi en occident. Cette culture se développe chez les gens dans les écoles et dans les conservatoires qui permettent de découvrir la musique et de se perfectionner. Et puis on se nourrit aussi des rencontres avec les autres artistes. »
Une façon de résister au pouvoir rétrograde d’un pays qui a vu naître les poètes persans aux œuvres immenses tels Hafez au XIVe siècle ou les contemporaines Forough Farrokhzad, morte en 1967 et Simin Behbahani, décédée en 2014 qui avait été censurée après la Révolution islamique de 1979.
Un retour au Moyen-âge dans un pays qui a vu s’épanouir les poèmes chantés. Anousha Nazari explique que beaucoup de jeunes gens, comme elle, sont attirés par le chant lyrique, mais qu’ils doivent limiter leur art à des cercles privés : « Tout le répertoire est accessible mais on n’a pas le droit de performer. La vie continue malgré tout, malgré cette absurdité en Iran. » Elle ne se sent pas rebelle pour autant : « Mon premier souhait est de rester digne, mais aussi de combattre le droit des Iraniennes en Iran. »
Outre l’apprentissage de la technique vocale et des grands rôles du répertoire, ne font pas oublier à la jeune cantatrice pour autant ses racines culturelles plusieurs fois millénaires : «Je suis en train de préparer un album qui associera des mélodies au piano de compositeurs persans actuels sur des poésies d’Hafez. Ce serait comme des lieds. Il y aurait aussi un livret traduit. » Elle aimerait bien une sortie du disque avant d’entamer une tournée de concerts pour faire découvrir une autre image de l’ancienne Perse. Une image de son pays qu’elle a transmise en avril 2018 dans l’Hôtel de Lauzun à Paris, là où a résidé Baudelaire entre autres. Elle avait donné un spectacle : D’un paradis à l’autre où elle avait coudoyé Jean-Claude Carrière qui lisait des textes.
Anousha Nazari glisse que malgré le gouvernement en place dans son pays le poète est toujours très présent dans la culture persane, même dans le quotidien des Iraniens, et même là on ne l’attend pas forcément : « C’est habituel qu’un chauffeur de taxi vous cite des vers de Hafez. »
Photo crédit Laurène Zabary
La vidéo d’Anousha Nazari