L’Opéra du Grand Avignon présente encore ce dimanche 8 mars le diptyque Cavalleria Rusticana et Pagliacci. Deux opéras véristes de la fin du XIXe siècle. Ils sont présentés en Vaucluse par Eric Pérez, sous la direction inspirée de Miguel Campos Neto. Une production éclairée par les deux rôles féminins Chrystelle Di Marco en Santuzza et Solen Mainguené en Nedda.

Santuzza est interprétée par Chrystelle Di Marco, le rôle de Lucia revient à Gosha Kowalinska dans Cavalleria Rusticana à Avignon

C’est devenu une tradition de réunir dans une même soirée opératique Cavalleria Rusticana de Mascagni et Pagliacci, de Leoncavallo. L’entracte séparant les deux opéras véristes qui se déroulent dans deux mondes différents. Certes, il y a des points communs entre les deux ouvrages : l’époque, le sud de l’Italie avec la Sicile et la Calabre, les scènes de l’église un spectacle de rue. Voire même un équidé.

Il n’en fallait pas plus pour qu’à Avignon, où cette production sera donnée encore dimanche 8 mars à 14h30, le metteur en scène Eric Pérez  confondent ces deux opéras ou les font se suivre, comme vous voulez ; les protagonistes de l’un se retrouvant dans des scènes de l’autre. Même la salle sert de médium pour appuyer son propos. L’aria annonciatrice de Cavalleria commence dans le public, comme la scène mortelle finale de Pagliacci qui voit mourir Sylvio et Nedda  sous nos yeux. Le public devenant le témoin indifférent des deux drames de la jalousie.

Pierre Guiral, directeur de l’Opéra du Grand-Avignon, a confié la baguette au chef brésilien Miguel Campos Neto. D’une battue sobre, le jeune maestro s’est appliqué, imposant du geste  un tempo peut-être plus lent qu’on est habitué à entendre pour cette musique souvent menée au galop. Là, le chef revient aux intentions originales. Il prend le temps de nouer le drame, d’insinuer la jalousie dans les têtes et dans les corps. Des jalousies traduites par les artistes chanteurs acteurs qui doivent se révéler sans temps morts tellement les arias, et duos s’enchaînent. La soprano Chrystelle Di Marco endosse la robe de Santuzza, elle fait montre de qualités théâtrales et vocales, nécessaires pour incarner cette jeune femme qui traversent des états d’âmes de plus en plus noires, jusqu’à la mort de son amant qu’elle a provoquée. Si la mode actuelle va à des voix légères, la cantatrice varoise a fait étal de ces capacités de projection sans nuire pour autant à sa ligne de chant, sans tromper les intentions de son personnage, ballotté entre l’amour et la haine.

L’Orangeoise de naissance Solen Mainguené s’est glissé avec esthétisme dans le costume de Nedda et de Colombine dans Pagliacci à Avignon.

Dans un autre registre, l’Orangeoise de naissance Solen Mainguené s’est glissée avec esthétisme dans le costume de Nedda et de Colombine. Elle a été convaincante quand Colombine ne sait si elle joue ou si elle vit la scène de la jalousie.

Comme souvent, Turiddu et Alfio de Cavalleria et Canio et Tonio de Pagliacci sont doublés par les mêmes chanteurs. C’est le cas aussi à Avignon avec le ténor ukrainien Denys Pivnitskyi, un peu emprunté dans les premières scènes et plus à l’aise dans Pagliacci. Il joue du couteau avec le baryton sud-coréen Dongyong Noh qui justifie ses lauriers du Concours de Clermont-Ferrand. Il a marqué cette production de sa présence visuelle laissant transpirer une bonhomie et des colères réalistes, dont celle du duo de Cavalleria avec Chrystelle Di Marco.

Le baryton Jiwon Song, s’il a laissé des regrets, c’est celui de ne pas l’avoir entendu plus longtemps et plus souvent. Son rôle de Silvio dans Pagliacci est inscrit ainsi. Dans Cavalleria quand il lance l’opéra des fauteuils d’orchestre, sa voix nous pénètre, invite à sortir du confort de velours et à entrer ce monde de petites gens qui vivent les drames de l’humanité.

Ania Wozniak, aussi lauréate à Clermont, a pris les traits de Lola, Gosha Kowalinska ceux de Mamma  Lucia. Le jeune ténor Jean Miannay a saisi l’occasion qui lui était présentée de se faire remarquer dans son interprétation de l’air de Beppe.

Dans ces deux opéras, les choeurs tiennent une place importante qu’il ne faut pas oublier. Dans la fosse l’Orchestre régional Avignon-Provence s’est montré appliqué et coloré. Il avait associé à l’orgue Hélène Blanic, également chef de chant pour cette production.

Bruno ALBERRO

Photo Studio Cédric Délestrade

Cavalleria Rusticana et Pagliacci en bref

  • Le dimanche 8 mars à 14h30 à l’Opéra Confluence du Grand Avignon, dirigés par Miguel Campos Neto et mis en scène par Eric Pérez.

Renseignement à l’Opéra du Grand Avignon