La soprano Melody Louledjian lance un appel aux institutions afin de soutenir les artistes privés de concerts et de revenus pendant cette pandémie ;ses pensées vont vers l’après de cette triste période qui drainera un besoin de beauté et que l’art y participera. Elle annonce aussi la sortie de son CD Fleurs, chez Aparté, et elle revient sur son expérience à l’Opéra de Manille, dans les Philippines, qui l’a marquée.

Concerts et productions annulés, au mieux reportés. Une saison estivale en point d’interrogation. La situation sanitaire mondiale frappe les artistes déjà lourdement touchés par les baisses de subventions de la Culture, celles émanant des institutions, sans oublier les baisses de subventions des collectivités locales au profit des associations qui voient leur train de vie et leurs ambitions se réduire. La soprano marseillaise Melody Louledjian s’inquiète, elle qui se réjouissait de ce printemps pour annoncer la sortie d’un CD en juin prochain.

La soprano Melody Louledjian. Photo crédit Miguel Barreto.

La soprano Melody Louledjian est aussi peintre et accordéoniste, outre la passion pour le lyrique, elle souligne son intérêt aussi pour d’autres genres musicaux. Photo crédit Miguel Barreto.

Ce CD : une suite logique de petits bonheurs après le succès de ses derniers mois d’avoir chanté sa première Lucia aux Philippines. Une expérience qui l’a touchée au plus haut point. Si le disque est toujours d’actualité, l’autre actualité plus alarmante nourrit ses pensées, sans misérabilisme pour autant, bien que les annulations des festival pose questions. Elle ne peut s’empêcher de comparer les promesses gouvernementales de compensation et ce qui s’annonce dans d’autres pays comme l’Allemagne, sans commune mesure avec la France : « Ce que nous espérons, c’est que les maisons d’opéra qui seront soutenues par les pouvoirs publics, comme le seront d’autres entreprises, trouveront une solution pour nous aider, et que ces mesures pourront être étendues aux employeurs de droits publics. Dans les mesures annoncées par l’Etat, la somme de 22 millions d’euros serait allouée à la Culture. Une goutte d’eau par rapport à la catastrophe que nous sommes en train de vivre. Et surtout, dans ces 22 millions d’euros, 11,5 millions d’euros seront alloués à l’ensemble des musiques. Une somme qu’il faut aussi comparer aux 50 milliards annoncés par le ministère allemand de la Culture. »

Après quelques secondes de silence, Melody Louledjian reprend : « L’équilibre d’un artiste est très fragile. Entre tous les frais qu’il doit engager de sa poche pour la préparation d’un rôle, son hébergement, ses déplacements, etc., et l’irrégularité intermittente de ses contrats, une telle crise pourrait s’avérer fatale économiquement pour un grand nombre d’entre nous, et je pense surtout aux plus jeunes chanteurs. Les pouvoirs publics doivent entendre cette configuration d’équilibre toute particulière. Certes, nous représentons une infime partie de la population française. Peu, mais très précieuse. Car,  les artistes sont les vecteurs vivants, la représentation d’un patrimoine inestimable, ceux qui le faisons vivre ! Nous devons être entendus et nous aussi protégés. Il faut bien penser au temps présent qui est dramatique pour bien des aspects. Mais il faut aussi penser à l’après! La société aura besoin de ses artistes pour se divertir, retrouver certain goût et parfum d’insouciance, d’évasion et de joie ! »

A quelque chose malheur est bon, selon l’adage. Melody Louledlian profite du temps accordé par cette parenthèse sanitaire : « Nous menons une vie toujours en accélération, il nous faut toujours aller de l’avant. Et là, tout d’un coup, tout semble arrêté et je pense qu’il nous faut profiter de cette expérience en laissant la place au temps. C’est celui de l’introspection. Ce moment permet de nourrir son imagination et sa créativité. Pour moi, il y aura un avant et un après.»

Fleurs sort dans les bacs le 5 juin pour le label Aparté

Sans imaginer une nostalgie de la période troglodyte vécue à cause de cette pandémie, ce retour sur soi l’invite à se dédoubler et se projeter vers un demain proche. Du côté du 5 juin qui, pour l’instant encore, annonce la sortie de son CD, au titre bucolique de Fleurs, gravé pour le label Aparté. La soprano est accompagnée par le pianiste Antoine Palloc : « Nous l’avons maintenue, car nous pensons qu’il faut diffuser aussi de bonnes nouvelles. La sortie physique se fera plus tard, puisque les récitals ont été reportés. Mais on peut mettre le disque en ligne sur les réseaux. »

Melody Louledjian dans Lucia di Lammermoor à l'Opéra de Manille. Photo Pablo Molina.

Melody Louledjian dans Lucia di Lammermoor à l’Opéra de Manille. Photo Pablo Molina.

Face à tous les modes de diffusion, est-il encore important de graver un CD ? « C’est vrai que le disque est en grande difficulté. Mais pour l’artiste, c’est aussi un moyen de laisser une trace afin de faire connaître ses œuvres. »

Ce disque viendrait ponctuer la riche saison de Melody Louledjian, avec comme point d’orgue, une double première à l’Opéra de Manille aux Philippines, où elle a pris le rôle-titre de Lucia di Lammermoor de Donizetti, sous la direction musicale d’Alessandro Palumbo, dans une mise en scène de Vincenzo Grisostomi Travaglini : « C’était une expérience riche au sein d’une distribution internationale. La réaction du public dans une salle de 2000 personnes est incroyable ; il est très jeune et il est habitué aux comédies musicales. Il vit ce qui se passe sur scène. Il est expressif et il réagit par des soupirs et des exclamations comme dans la scène du poignard ou celle entre Lucia et Edgardo. C’était vraiment très chaleureux. Les conditions de travail sont comme en Europe, on a eu deux semaines et demies pour répéter. J’aurais aimé avoir plus de temps. Alors pour mieux préparer le rôle je suis allée travailler avec le chef à Berlin. »

Bruno ALBERRO

 

Le coin CD

Fleurs de Melody Louledjian et Antoine Palloc

Fleurs sera dans les bacs le 5 juin

La soprano Melody Louledjian et le pianiste Antoine Palloc ont gravé « Fleurs », pour le label Aparté.

Il a été enregistré en Suisse, dans le Concert Hall du Rosey. Ce disque protège 61 petites pièces qui dépeignent les fleurs. Des pièces d’une durée de 50 secondes à trois minutes signées Wiener, Milaud, Buxeuil, Honegger, Boulanger ou Satie.

La sortie officielle du disque est prévue le 5 juin.

 

Renseignement à Melody Louledjian