« Les personnes de la personne sont multiples dans la personne », disait le griot malien Amadou Hampâté Bâ. Universitaire, auteur, musicien, organisateur de concerts et de festivals, l’organiste Bertrand Ferrier a fait sienne cette citation. Le samedi 9 mai à 20h30 il invite à assister à un concert sur la Toile. Une façon de soutenir les artistes qui ont besoin de s’exprimer.

« Derrière un professeur, il y a peut-être quelqu’un qui aime faire de la cuisine, ou du sport, qui a en tout cas plus qu’une activité. En fait tout le monde fait plusieurs choses », analyse Bertrand Ferrier. Il trouve réducteur qu’on mette les gens dans des cases. Il a fait sienne cette philosophie du griot malien Amadou Hampâté Bâ : « Les personnes de la personne sont multiples dans la personne. » Lui-même se dit universitaire, auteur, musicien ou organisateur de concerts ou de festivals, et il n’y trouve rien d’exceptionnel dans ce portrait multi-facettes. C’est d’ailleurs ce qu’il se propose de faire ce samedi 9 mai à 20h30 en invitant des artistes à s’exprimer sur la Toile. La pianiste Jasmina Kulaglich fait partie du programme pour interpréter des pièces de Borodine, elle sera rejointe par d’autres artistes ; chacun fera découvrir son univers musical. Comme dans les festivals qu’il organise, Bertrand Ferrier attend des artistes qu’ils interprètent des pièces contemporaines : « Il faut proposer les jeunes compositeurs, qu’ils présentent d’autres genres et d’autres modes. Ce qu’ils écrivent doit être partagé. »
Bien que confinés dans leur logement, Bertrand Ferrier pense que les musiciens se doivent aussi de se faire entendre et de profiter des réalités du moment : « Le but d’un musicien est de toujours contourner les contraintes pour s’exprimer. Les moyens techniques permettent aujourd’hui de réunir des artistes. On peut considérer qu’il y a du monde maintenant. Mais on sait aussi que ça ne procurera pas les mêmes émotions qu’un concert en public, que ce soit pour le musicien ou pour l’auditeur. On ne peut qu’espérer que cette situation ne va perdurer. Je ne sais pas s’il y aura un avant ou un après, je ne sais pas si ça provoquera un changement, mais la situation pour les musiciens est catastrophique. Et il y a peu de chance que ça change, il y aura un retour à la vie habituelle. Mais les conditions d’exercice vont être compliquées, les maisons sont exsangues depuis cette fin du monde du 14 mars. Les grandes salles faisaient le plein, je ne suis pas inquiet pour leur reprise. Ce dont j’ai peur c’est que l’offre en général soit plus faible et qu’Internet ne compense pas. Le besoin de beauté et de plaisir ne s’arrête pas et l’art y pourvoit, mais ce n’est pas la même chose que dans une salle de concert. Le multimédia ne change pas les enjeux, le but d’un artiste est de partager et ce n’est pas parce que les artistes sont accessibles sur les plateformes que les gens vont les connaître. Je pense même que ça rend les choses compliquées.»
Est-ce que vie de reclus permettrait d’envisager à un ensemble de musique de chambre que cette forme de travail par multimédia se poursuive ? « A distance, on peut jouer des notes, pas faire de la musique. Il faudrait des conditions techniques exceptionnelles. On voit des vidéos d’orchestre mais ce sont des montages, c’est un travail de réalisation. Dans un ensemble, il y a des respirations, des regards, avec des yeux sur les côtés, jouer ensemble exige une proximité. Il ne faut pas oublier le côté vivant de la musique. Ce qui est intéressant avec ce projet de concert du 9 mai, c’est que je connaissais Jasmina comme pianiste, que maintenant j’ai envie de savoir qui est-elle ? Plus on connaît les gens, moins on les met dans des cases. »

Bruno ALBERRO

 

Photo crédit Rozenn Douerin

Le concert virtuel en bref

Le concert « Splendeurs de la catastrophe » est annoncé le samedi 9 mai à 20 h 30, sur Première YouTube sur la chaîne du festival Komm, Bach !

Le concert du 9 mai s’inscrit dans le cadre du festival Kom, Bach!, fondé en octobre 2016 pour célébrer le come-back de l’orgue après restauration… et la musique de Johann Sebastian Bach. Environ 21 concerts par saison, du 21 septembre au 21 juin, constituent le « plus petit festival international d’orgue-et-pas-que », à l’église Saint-André de l’Europe (Paris).

En s’appropriant librement l’idée de « catastrophe », les artistes de ce concert illustrent, à leur manière, comment la musique peut, parfois, sublimer les bouleverse- ments intimes et extérieurs – jusqu’à, peut-être, inspirer positivement ceux qui l’écoutent et se sentent, eux aussi, bouleversés.

Les artistes invités sont Vincent Crosnier, grandes orgues ; Cyrielle Golin, violoncelle ; Jasmina Kulaglich, piano ; Jean-Luc Thellin, clavecin ; Jean Dubois, chanson ; Quatuor Akos (Alexis Gomez, Aya Murakami, Théo Delianne, Cyrielle Golin). 

Au programme des oeuvres de Bach, Borodine, Chopin, Eötvös, Guillou, Hindemith, Kirchner, Schubert…

L’équipe technique est constitué de Bertrand Ferrier, programmateur ; Esther Assuied, coordination vidéo ; Ludovic Nowicki, graphisme affiche.

A écouter : 

Renseignement à www.facebook.com/kommbach ; www.bertrandferrier.fr