« Dis moi comment ton peuple danse et je te dirais comment va ton pays ! », philosophe Delphine Desyeux. Les cinéphiles reconnaîtront l’actrice du film d’André Cayatte : Les risques du métier, où elle partage l’affiche avec Jacques Brel. Malgré le succès grandissant à l’adolescence, elle s’est détournée des caméras et des projecteurs il y a bien longtemps pour vivre une vie dans la transmission, au sein de l’école de danse Axis et ses cours prodigués à Salto, l’école de cirque d’Alès.

Le nom de Delphine Desyeux est attaché au film d’André Cayatte : Les risques du métier, où elle a coudoyé Jacques Brel. Elle entrait dans l’adolescence. La célébrité lui était promise, elle s’en est détournée, sans regret, assure-t-elle. Détour ! Le mot reviendra souvent, comme quoi pour approcher sa vie, il faut apprendre à la contourner pour en saisir autre chose que l’apparence : « Quelque chose en moi s’était coupé. Ce n’est pas difficile de partir et puis j’avais envie de vivre à la campagne, j’avais besoin de la nature. »

Delphine Desyeux est descendue de Paris après quelques films et quelques pièces de théâtre pour revenir à ses premières amours : la danse. Ce qu’elle enseigne à Alès dans son école. Elle est aussi professeur de Tai chi. La danse, elle l’avait commencée à 5 ans, avant de poursuivre à l’Opéra de Paris, chez les Petits rats : « Je suis montée sur scène très jeune, mes parents avaient un dancing à Reims où se produisaient des artistes connus ou moins connus. » Le Tai Chi est venu plus tard, découvert avec une amie vers l’âge de trente ans : « C’est un art martial, plus jeune je voulais faire de l’aïkido. Le Tai chi, c’est aussi de la danse. »

Delphine Desyeux

Delphine Desyeux s’est installé à Alès dans le Gard où elle donne des cours de danse et de Tai chi.

Cette culture asiatique est imprimée en elle, Delphine Desyeux a fait sienne la pensée taoïste comme quoi on renaît tous les jours : « Je me réveille avant le lever du jour pour voir la lumière repousser les ténèbres. Je suis œcuménique ; dans tous les pays et toutes les religions il y a beaucoup de méditations et à côté du temps matériel on trouve un temps spirituel. Partout ces traditions sont fortes. »
Delphine Desyeux se montre prudente quant aux suites de cette époque singulière : « Elle permet de faire un travail sur soi, on peut pratiquer des activités à la maison, même la danse. Les danseurs ont beaucoup de travail seuls. Il leur faut travailler le corps. C’est vrai qu’on se nourrit des autres, donc de l’extérieur mais aussi de notre intérieur. Les choses ne sont pas figées, même actuellement ; on dispose des outils multimédia, du téléphone, on reste en relation. Ce que je constate aussi, c’est qu’il y a plus d’oiseaux, je suis sensible à la cause animale. »
Si elle pense que cette pandémie a permis, ou obligé, une réflexion quant au respect de notre planète, elle se dit inquiète aussi pour le monde de la culture, sans pour autant délaisser ses préparations : « L’écriture prend du temps. » Si dans ses cours, l’improvisation prend une part importante, la professeur et chorégraphe rappelle cette citation : « L’improvisation ne s’improvise pas. Tout le monde ne peut pas le faire… Il faut une sensibilisation à l’abstraction. Elle fait suite à un travail de fond et ce n’est pas du n’importe quoi. Et dans la danse improvisée, il y a des rendez-vous et des carrefours qui fédèrent les danseurs. Je parle d’ailleurs de compositions instantanées. La danse n’est pas écrite mais elle est structurée. Souvent, nos créations se construisent aussi avec de la musique improvisée. »
Quand on lui pose la question sur sa recherche ou non de perfection dans les formes artistiques, Delphine Desyeux image son discours d’une parabole : « Ça se passe dans un temple Zen. Il est demandé à un moine de rendre une jardin parfait. Une fois son travail fini, il va chercher son maître. Celui-ci regarde et pose une feuille morte et il dit à son fidèle : c’est bien. »
Alors le beau est-il plus fort que le parfait ? « Je ne sais pas, je pense qu’il faut transmettre aussi l’émotion qui n’est pas forcément dans la perfection. Ce que j’aime, c’est détourner le sujet, comme en photographie. »
En tout cas, Delphine Desyeux souligne l’importance de la danse. Là aussi, elle se sert d’une image ou d’une citation : « J’utilise souvent cette formule : Dis moi comment ton peuple danse et je te dirais comment va ton pays. La danse est l’expression du vivant. Peu importe comment le corps bouge. On peut ajouter une pensée esthétique. »

Si regret il y a, ce sont encore les préjugés qui persistent à l’âge de l’adolescence pour les garçons danseurs : « On voit néanmoins qu’il y a de plus en plus de garçons qui dansent. Mais souvent, ils commencent plus tard. Je n’ai pas de formules à dire aux parents qui veulent retirer les enfants à l’adolescence car ils auraient peur de l’homosexualité. Ce n’est pas parce que leur enfant danse qui deviendra homosexuel, et ce n’est pas parce qu’il ne danse pas qu’il ne le sera pas. Si le garçon a vraiment envie de danser il peut travailler chez lui dans son intimité et reprendre plus tard, quand il le décidera. »

Bruno ALBERRO

 

Renseignement à Delphine Desyeux