L’esprit d’entreprise ! Cette étiquette colle à la peau de Rebecca Chaillot. La pianiste aménage une salle de spectacle privée  à Colonzelle dans la Drôme. Un tout petit village dans le pays trufficole pour organiser des concerts, accueillir des résidences et offrir une large palette  d’attractions, dédiées aux arts.

Ce samedi soir, alors que la France sort à pas mesurés de sa léthargie sanitaire, la répétition publique est tout juste achevée. Devant un parterre compté et éclairci, la pianiste Rebecca Chaillot et la violoniste Claire-Marie Pessey ont interprété la sonate n°5 de Beethoven et la sonate de Franck, dédicacée à Eugène Ysaÿe. Les voisins proches du Petit palais de Chaillot, siège de l’association Musiques transportées, dans le village de Colonzelle, ont profité de l’aubaine : entendre de la musique en direct. Après un rappel réservé à Fauré, tous se retrouvent dans la cour de la salle de musique, pour échanger et partager un verre. Une poignée de fidèles a répondu à l’appel de la pianiste et maitresse des lieux, Rebecca Chaillot, pour goûter au plaisir, voire au bonheur d’applaudir des musiciens en chair et en os,  sans la protection d’un écran numérique. Sa partenaire d’un soir, Claire Marie Pessey, de l’Opéra de Paris vient, elle, de Chantemerle, tout proche. La musique a rapproché les deux artistes. « C’est quand même mieux de répéter devant un public », assurent les deux instrumentistes. « C’est frustrant de travailler toute seule », renchérit Rebecca Chaillot

Depuis 2018, à Colonzelle, dans la Drôme,la pianiste Rebecca Chaillot transforme une ferme ruinée en salle de concert.

La pianiste Rebecca Chaillot a partagé la scène avec la violoniste Claire Marie Pessey qui se partage entre Paris et Chantemerle, village voisin de Colonzelle.

Pendant que la dizaine d’auditeurs d’un soir discutent, Rebecca Chaillot, plan en main, en profite pour traiter le dossier de l’accès handicapé qui longera l’escalier de vieilles pierres de taille creusées par le temps. Il emmène à la salle de spectacle située au premier étage, une salle pouvant accueillir une centaine de spectateurs, en cours de travaux.

Colonzelle, un village drômois de quelque 500 habitants, aux confins de Vaucluse, qui se fait connaître autrement que par sa production trufficole. Il est vrai que le bon goût aime à se marier. Rien d’étonnant à ce que le champignon de fins gourmets se marie à la musique savante. C’est là où Rebecca Chaillot s’est installée en 2018, en achetant une ferme ruinée, adossée au chœur de l’église paroissiale. C’était, dit-elle, pour abriter son piano Bösendorfer Impérial, d’une taille plus imposante que celle d’un grand concert. C’est dire. « Il a trouvé son écrin », jubile-t-elle. Pas besoin d’un acousticien, ses oreilles ont suffi. Le clavier a trouvé place dans une cave voûtée où les niches des pierres à nues absorbent les réverbérations du son. La jeune femme raconte son acquisition à Marseille et l’impossibilité de lui trouver un espace à Paris ou ailleurs. « Pas même à la Philharmonie », précise-t-elle.

Depuis 2018, à Colonzelle, dans la Drôme,la pianiste Rebecca Chaillot transforme une ferme ruinée en salle de concert.

Depuis 2018, à Colonzelle, dans la Drôme,la pianiste Rebecca Chaillot transforme une ferme ruinée en salle de concert.

Rebecca Chaillot a déposé ses valises à proximité de Grignan, pas seulement pour son piano. Sa vie de musicienne l’a poussée à de nombreux déménagements. A 7 ans, elle prenait des cours à Montpellier, de 17 à 22 ans, elle peaufinait son talent à la Haute école de Musique de Genève avant de passer quatre ans à l’université de l’Indiana, aux Etats-Unis : « J’en ai visité beaucoup, c’était celle-ci que je voulais. J’ai eu un coup de foudre. Il y avait 9000 étudiants musiciens. On m’a dit qu’il y en avait deux cents qui jouaient comme moi, deux cents mieux que moi, deux cents moins bien que moi. J’ai travaillé avec Emile Naoumoff, un professeur franco-bulgare. Les cours étaient donnés en français. Dans la salle d’à côté, ils pouvaient être distribués en russe. » Elle assure que son intention n’était pas de rester aux USA. Au retour de l’Amérique-du-Nord, elle constituera un trio avec les frères Capuçon : Renaud, violoniste et Gauthier, violoncelliste.

C’était l’avant, on sent que le présent de Rebecca Chaillot l’importe plus. La Drôme parle à son cœur et réveille des souvenirs d’enfance. Elle glisse qu’elle est née à Dieulefit, que sa mère vit à la Roche-Saint-Secret. Elle n’est pas ici en terre inconnue : « Avant d’acheter, j’ai loué une maison un an. » Toutes ces démarches et ces investissements ne lui font pas oublier sa carrière comme soliste ou chambriste. En 2018, elle a donné 60 concerts de par le monde ; en 2019, Rebecca Chaillot  a été invitée 150 fois sur scène : « Partir de Lyon pour mes concerts, c’est très pratique. »

Si son souhait est de transformer son lieu en une scène privée, son projet va au-delà d’une salle de concert à louer, ou pour accueillir des résidences : « Le but n’est pas de faire une école de musique, mais de recevoir des musiciens en masterclasses. Je voudrais que ce soit ouvert à tous les arts. Je vais recevoir un stage de cirque. Ce peut être aussi du théâtre, de la danse, de l’opéra… J’aimerais aussi présenter des expositions, en louant le lieu ou en invitant des artistes que j’aime bien. » Rebecca Chaillot glisse que des mécènes la suivent, heureusement car le budget prévisionnel est dépassé avec les obligations administratives, liées à l’accueil de public  : « Des gens m’aiment bien et aiment ce que je fais. Sans eux, ce ne serait pas possible. Les cachets des concerts ne suffiraient pas. »

Si elle est ouverte à l’art dans son sens noble et total, la musique sera reine. Rebecca Chaillot annonce une suite de concert : « Pourquoi pas un café associatif, ou un food truck dans la cour ? Il faut organiser. » Organiser, le mot est lancé : « J’ai toujours proposé des choses. J’ai loué le château de Grignan ou de Suze-la-Rousse, même à Djerba, pour proposer des concerts, démarrer des festivals. Après quelqu’un prend la suite. »

 

 

Prochaines répétitions publiques

Les répétitions publiques sont ouvertes aux adhérents de l’association Musiques transportées :

  • Le samedi 6 juin à 18 heures avec la violoniste Claire-Marie Pessey. Au programme des sonates de Brahms ;
  • Le samedi 13 juin à 18 heures avec la violoniste Claire-Marie Pessey. Au programme des sonates de Brahms, Mozart et Franck.

Plus d’information

L’association accueille toutes les semaines des concerts ou des répétitions publiques. Informations et inscriptions à musiquestransportées@gmail.com.

L’association Musiques transportées porte le projet de Rebecca Chaillot. La structure accepte les dons afin de soutenir une activité artistique pluri-disciplinaires.

Pour adhérer cliquez sur le lien suivant https://www.helloasso.com/associations/musiques-transportees/formulaires/1/widget

Renseignement à Rebecca Chaillot