Ses auteurs préférés sont Alessandro Baricco et Erri De Luca. Rien d’étonnant quand on est Italienne de naissance, bien que Tiziana de Carolis vive en France depuis 25 ans, tout juste la moitié de sa vie. Elle vient de sortir Voies(x) de Femmes où elle partage la jaquette du disque avec la soprano Théodora Cottarel, sorti chez Digressione music.

Tiziana de Carolis Quand dans son école de la région de Bari dans les Pouilles elle a choisi, à 11 ans, d’apprendre le français, Tiziana De Carolis se préparait-elle à vivre en France ? Connexion inconsciente sans doute. Elle le dit d’ailleurs qu’elle a quitté la Péninsule pour l’Hexagone avec pour seul bagage une valise et l’amour de la langue de Molière.  Elle ajoute amusée avoir quitté aussi un état d’esprit machiste, sans compter la passion exacerbée pour le football qui l’horripile. Au fil de l’échange, on ne sait pas si elle glisse une hiérarchie entre les deux faits de société : « Le football c’est tout le temps. On ne peut pas envisager une sortie à cause des matchs. Je les ai subis toute ma vie, c’est comme une religion, on ne fait aucune autre activité à cause de matchs qui ont lieu toute l’année. »

Tiziana de Carolis est pianiste, elle enseigne aussi la composition. Elle ne cache pas que la vie de compositrice n’est pas simple pour exprimer : « Sauf si on fait de composition pour supermarché. Aujourd’hui dire qu’on écrit de la musique contemporaine peut faire peur au public. Au cours du XXe siècle la musique a été expérimentale et moins dans l’expression. La musique a été considérée comme intellectuelle. Il y a deux façons d’approcher la musique, celle qui s’adresse à tout le monde et qui est le plaisir de l’écoute. C’est pour le public le plus nombreux. Et il y a une autre façon, plus intellectuelle pour celui qui analyse l’écriture et qui lui permet de comprendre ce que l’on entend. Beaucoup de compositeurs aujourd’hui connaissent la technique d’écriture. Mais l’écriture ne peut être uniquement cérébrale, elle doit venir aussi de l’intérieur de soi et ne pas rester imbriquée dans l’esthétique de son professeur. »

Tiziana de Carolis

Tiziana de Carolis a sorti un premier disque sole au titre de Dualité. photo Alexandre DUBOSC

Tiziana de Carolis a sorti un disque avec la soprano Théodora Cottarel où elle signe neuf compositions sur les 27 plages du disque « Voies(x) de Femmes ». Là, son écriture tutoie celle d’Isabelle Aboulker, Lili Boulanger ou Germaine Tailleferre. La compositrice se pose en militante et si d’aucuns pensent qu’à trop mettre en avant la cause féministe, cela pourrait être contreproductif, Tiziana de Carolis ne se démonte pas : « Pendant des années, je croyais qu’il n’y avait pas de femmes compositrices, à part Clara Schumann et Fanny Mendelssohn. Puis j’ai découvert qu’il en avait beaucoup, mais qu’elles étaient méconnues. Si on joue maintenant des compositrices c’est justice. En deux mille d’histoire de la musique, le fossé entre homme et femme est loin d’être comblé. Un théâtre en Suède programme à 50% des compositeurs homme ou femme. Même pour fêter les 250 ans de Beethoven, la parité a été respectée. Ça a suscité une curiosité mais c’est un succès absolu. Ce genre d’initiative montre qu’il faut aller de l’avant. »

Elle attache cette parité juste et équitable à une forme d’indépendance aussi : « Il faut aussi une indépendance financière. J’ai la chance d’avoir un compagnon également mécène. » Elle glisse être venue à la composition par le cinéma : « Je voulais écrire des musiques de film. Je ne regrette pas aujourd’hui d’avoir fait d’autres choix musicaux. »

Pour ce nouvel opus, Tiziana de Carolis s’est appuyée sur des textes puisés chez La Fontaine ou des conteurs contemporains ou encore d’autres auteurs quand elle a été sensible au sens des mots d’où naissent des mélodies : « Je suis contente d’avoir appris le français toute jeune. Ça me rend sereine. Quand je suis arrivée en France je parlais à l’ancienne, comme à l’époque de Balzac ou Flaubert. Les gens souriaient de m’entendre. C’est vraiment une langue que j’adore. Et puis il y a des signes. Quand j’ai voulu m’inscrire à l’Ecole normale. C’était trop cher pour moi. Je voulais demander une bourse, j’avais une lettre de recommandation de ce professeur que je ne connaissais pas. Et il était là, à côté de moi dans le hall. Il a dit à la dame de l’accueil que j’étais une bonne musicienne et que je pouvais avoir cette bourse. Après, tout est allé tout seul.»

Maintenant, Tiziana de Carolis vit à Saint-Germain-en-Laye, là où planent les esprits de Claude Debussy et Boris Vian. Deux artistes pour qui elle a de l’affection.

Bruno ALBERRO

 

La vidéo de Tiziana de Carolis

Photo de Bruno Mazodier

Où entendre Tiziana de Carolis ?

  • Le 27 novembre concert « Voies(x) de femmes »  à la Maison de l’Europe pour Global Thinking Foundation;
  • Le 28 novembre concert Voies(x) de femmes pour Les envolées Lyriques à Rueil Malmaison

Le coin CD

Voies(x) de femmes est sorti chez DiG Digressione

Voies(x) de femmes est sorti chez DiG Digressione

DGI Digression vient de sortir Voies(x) de Femmes. Ce disque réunit la soprano Théodora Cottarel et la pianiste Tiziana De Carolis. Cet opus est divisé en sept chapitres en 27 plages allant des Voix de l’Amour aux Voix contemporaines des Migrants. L’enfant, la nature, le voyage, la contemplation ou les voix sans issue colorent cette palette lyrique. Les deux artistes ont fouillé la littérature de Verlaine, La Fontaine, Jules Renard ou Francis Jammes mis en musique par Isabelle Aboulker, Lili Boulanger, Graciane Finzi, Régine Poldowki, Germaine Tailleferre et aussi Tiziana de Carolis.

Enregistrement à venir pour Tiziana de Carolis : Voies(X) de femmes à quatre mains avec la pianiste italienne Maria Gabriella Bassi.

Renseignement à Tiziana de Carolis