Entre le mois juillet et ce dimanche 27 septembre où elle se produira au festival Les Saisons de la voix à Gordes en Vaucluse, l’agenda de la soprano Tatiana Probst s’est vidé, où elle a dû biffer ses concerts annulés. Elle a mis ce temps à profit pour écrire et composer, à s’occuper de son fils de 21 mois. Pour réfléchir aussi à sa situation d’artiste.

Tatiana Probst photo © Capucine de Chocqueuse

Tatiana Probst chantera à Gordes ce dimanche 27 septembre.

Certains sont dans la transmission, d’autres sont dans la projection. Comment cela pourrait-il en être autrement quand on est maman d’un garçon de 21 mois, comme le vit la soprano Tatiana Probst. Surtout quand le papa est comédien et qu’on regarde son petit bout battre la mesure ou d’être en capacité d’écouter sans bouger quand maman prépare un projet : « Je ne sais pas qu’il fera mais c’est important de lui faire goûter la musique. L’essentiel ensuite est d’y croire. » Elle-même est l’enfant de parents tous deux  artistes et qui plus est engagés l’un et l’autre dans l’Adami et la SACD. Alors ce qui se passe pour les acteurs culturels, suite à la crise sanitaire, sensibilise Tatiana Probst : « En France, nous avons cette chance avec le statut des intermittents, mais nous savons aussi qu’il est fragile. Il suffit d’avoir moins de dates et d’heures une année et on le perd. Je l’ai vécu, puisque j’étais intermittente avant d’entrer au Conservatoire de Paris  et qu’alors je l’ai perdu. Très jeune j’ai donc été impliquée comme artiste et citoyenne. C’est le cas  de beaucoup d’entre nous. Notre statut a toujours été menacé, nous sommes tout le temps dans la précarité. Nous en avons conscience très tôt mais ça ne s’apprend pas au Conservatoire. Il y a peu de chanteurs syndiqués, je ne le suis pas moi-même. C’est une vie particulière qui se nourrit par la passion. »

Au regard de ces six derniers mois d’incertitude et d’enfermement sanitaire, Tatiana Probst juge que les choses vont évoluer : « Il est important que nous trouvions des solutions ensemble, entre artistes. A ma petite échelle je ne peux rien faire. Je ne crois pas que les artistes n’ont jamais fait la fine bouche. Mais on ne peut pas accepter n’importe quelle condition, même si on peut en discuter avec les organisateurs, même si les cachets ont baissé depuis quelques années, même si les subventions aux associations et aux structures ont baissé. Il faut trouver un équilibre pour faire son métier et en vivre.»

Tatiana Probst photo © Capucine de Chocqueuse

Tatiana Probst se consacre à l’écriture depuis toujours, dit-elle.

Pour se protéger de ces discussions, négociations et de ces points d’argent, Tatiana Probst a un agent : « Les choses ont déjà bougé. Avant, on parlait d’impresario, maintenant d’un agent. Artiste et agent sont des métiers différents et je ne sens pas capable de faire les deux, être producteur ça ne s’invente pas. Aujourd’hui, on nous demande d’être multi-casquettes : agent, faire de la communication etc. Mais les artistes qui ne le font pas, on ne peut pas leur reprocher. Aujourd’hui, notre société est axée sur l’image. Ma sœur qui est comédienne me fait remarquer que certains acteurs ou actrices dans des films ne sont pas très bons, mais qu’ils sont choisis parce qu’ils sont plus suivis sur les réseaux sociaux, qu’ils vont amener plus de monde dans les salles. Ça veut dire que l’image a un pouvoir. Et l’opéra n’y échappe pas, mais on ne peut pas être chanteur et mannequin. Je trouve que le jeunisme aussi est excessif, on fait appel à de jeunes chanteurs pour tenir des rôles de personnes mûres. C’est dommage de ne pas faire profiter l’ensemble de la distribution de l’expérience d’artistes confirmés. »

Dimanche 27 septembre, Tatiana Probst retrouvera la scène à Gordes suite à l’invitation des Saisons de la voix. Elle présentera un projet qui lui tenait à cœur sur le thème de la nuit où  on entendra quelques uns de ses textes mis en musique : « Écrire, je fais ça depuis toujours. Construire un projet, ça demande du temps. La plus grande part de mon travail est d’être en production. Mais pendant cette période de confinement j’ai pu écrire et composer et répondre à des commandes. Ce concert à Gordes fait plaisir car je n’avais pas travaillé depuis le mois de juillet. Je voulais trouver un thème autour de l’idée de la nuit, parler de l’obscure et de ce qui nous tourmente jusqu’à l’aube. Je reprends l’idée de mon professeur qui disait que monter un récital devait avoir un sens.»

Bruno ALBERRO

Photo crédit Capucine de Chocqueuse

Renseignement à Tatiana Probst