Comment réagir face à une situation dont on ne pas connaît l’issue, dont on ne mesure pas l’échéance. Ces deux questions résument les états d’âme du pianiste Vittorio Forte. La musique et son apprentissage, ou encore l’abnégation permanente, ont forgé son caractère, c’est devenu son refuge pour avancer. Cette période de confinement lui a permis de découvrir Nikolaï Karlovitch Medtner, compositeur russe moins connu que les illustres Tchaïkovski, ou Rachmaninov de sa génération (1879-1951).

La situation que vive les artistes n’est pas faite pour rassurer. Ce deuxième confinement, pour ne pas dire enfermement, n’est pas pour plaire à Vittorio Forte. Le pianiste italien installé à Montpellier redoute les états d’âme qui vont le traverser, pour peu que le mois de novembre sans concert, se prolonge sans en connaître la fin. Il se souvient des mois de mars, puis d’avril et de mai, les contrats annulés ou reportés. Les lendemains espérés qui n’en étaient pas. Vittorio Forte observe ce qui se passe et se pose des questions sur l’avenir et ses conséquences : « On ne sait pas ce qui va se passer. Ce qu’on peut craindre c’est qu’on nous propose des cachets misérables. Le fossé va se creuser entre les artistes très connus et d’autres à la notoriété moindre. Surtout si les associations proposent moins de concerts, car les petits festivals vont souffrir de cette crise. Les grandes maisons auront toujours une solution. Personne ne peut avoir une vision optimiste, dans la mesure où on ne peut pas savoir comment les choses vont évoluer et quelles décisions seront prises. La situation est compliquée et qu’on ne comprend pas toutes les subtilités. Mais elles ne peuvent qu’accroître les différences. Et que l’artiste devra accepter des compromis. »

Le pianiste Vittorio Forte

Le pianiste Vittorio Forte a organisé un festival afin que ses amis musiciens retrouvent le plaisir de jouer devant un public.

Lui-même est passé par plusieurs phases depuis que le couperet est tombé ce mois de mars dernier : « Au début, je me suis dit, je vais en profiter pour faire autre chose, travailler de nouveaux répertoires ce qui me permettra d’évoluer comme pianiste. Puis j’en suis arrivé à me demander à quoi cela servait et je n’ai plus touché mon piano pendant quinze jours, voire trois semaines. Ce n’était pas une dépression, mais j’étais démoralisé. Avec toutes les dates qui s’annulaient, j’ai eu envie d’organiser cet été un petit festival et de permettre à des amis artistes de jouer, de retrouver le public. Les prochaines semaines seront difficiles, car on sait bien que notre public a 65 ans et plus. J’ai senti que jusqu’au 20 juillet, le public a eu envie de revenir au concert. Puis, fin juillet et en août, à la suite des diverses  annonces, il a eu moins envie de bouger de chez lui. Comment s’en sortir avec ce climat de peur qui règne ? C’est un cercle vicieux. Cette crise touche le spectacle vivant.»

Au fil de ses rencontres et de ses expériences, il constate qu’il existe plusieurs façons d’exercer son métier : « Nos critères sont différents. Certains sont individualistes, d’autres plus altruistes. Certains font ça pour l’argent et se posent la question : quand est-ce que je vais retoucher des cachets. Parce qu’ils ont une grande maison, une belle voiture et qu’ils doivent entretenir leur train de vie. »

Ses ressources pour ne pas tomber dans le laisser-aller, Vittorio Forte les a trouvées dans sa pratique musicale qui nécessite courage, pour lutter contre les difficultés, et abnégation, pour remettre cent fois l’ouvrage sur le métier : « En commençant le piano, je ne savais pas ce que je voulais faire. J’ai fait des allers-retours au cours de mon apprentissage. Il m’a fallu dix ans pour me convaincre de devenir professionnel. A dix-sept ans, j’ai pris cette décision, j’ai ressenti le besoin de travailler avec le public, de m’exprimer à travers mon instrument. »

A quelque chose malheur est bon. Vittorio Forte vit cet adage les doigts posés sur son piano : « Cette période m’a permis d’explorer, de chercher et j’ai découvert Nicolaï Medtner, un compositeur russe, ignoré en Occident. C’est comme Chopin. Je prépare un programme autour de Medtner. Pendant le premier confinement, je suis replongé dans Bach et ses différentes phases de son évolution. On devrait garder toute sa carrière des compositeurs comme Bach, Mozart ou Beethoven. Je joue une heure de Bach tous les jours. Il appelle à une recherche personnelle ; Bach est une révélation. Avec Bach, on est face à face, donc avec soi-même. En jouant Mozart, on est très exposé car on ne peut pas simplement se cacher derrière des milliers de notes. »

Bruno ALBERRO

 

La vidéo de Vittorio Forte

Renseignement à Vittorio Forte