Au sein de l’Orchestre national Avignon-Provence, David Gobbe tient une place à part. Celle du rat de bibliothèque, caché dans sa grotte, a préparé les partitions, à faire en sorte que les fins de page facilitent la lecture du musicien, à classer et ranger des milliers  de partitions, à en louer au besoin, à proposer de nouvelles littératures quand il aime une qui pourrait convenir au chef et à sa phalange. Un travail de fourmi pour ce philosophe et cinéphile qui vit pour la musique classique jouée par d’autres.

Trois passions pour aller au un de David Gobbe et cerner son univers. Trois univers distincts se dévoilent en approchant de son bureau. Une photo de Toshirō Mifune dans “Les 7 Samouraïs ” de Kurosawa, une photo de Jean Gabin. Sur sa porte d’entrée, James Stewart : dans “L’homme de la plaine”. Des citations collées au mur aussi attirent le regard  et frappent fort l’esprit. Du style “Mes désirs sont désordres” ; “J’éponge donc j’essuie ” ; Et celle-ci se suffit à elle-même, signée de Carl Nielsen : La musique est comme la vie, inextinguible.

Ne cherchez-plus, vous êtes dans l’antre du bibliothécaire de l’Orchestre national Avignon-Provence,  dans sa grotte, aux murs couverts de rangées de partitions. Un poste de l’ombre qu’il occupe depuis 2002. Son classement est très personnel : « Mais à ce que j’en sais, c’est un peu la règle. Je classe par compositeur ensuite les ouvertures, les pièces pour instruments, les concertos, les symphonies, les opéras… »

Quand ces littératures ne sont pas dans les rayonnages, son boulot est de commander ou de louer. Il lui suffit de pianoter sur l’ordinateur, de fouiller dans des banques de données et il saura comment les récupérer, quelle version et à quel coût : « C’est le chef aussi qui choisit l’édition. Ça arrive de devoir les reprendre pour que les musiciens puissent tourner les pages au meilleur moment pour eux. C’est tout un travail en amont aussi, de savoir si l’Orchestre aura besoin de renforts pour répondre aux effectifs qu’exigent la partition. En général, j’assiste à la première lecture pour répondre au besoin des musiciens. Après ça non. Au cours des concerts, les techniciens de plateau s’occupent des mises en place. »

On pourrait penser qu’il est musicologue ou qu’il a suivi des  études de la sorte. Que nenni, il est philosophe, en plus d’être cinéphile comme la décoration de son bureau le montre. Il aime bien sûr le classique, le rock aussi, surtout aux couleurs anglaises des Beatles, des Stones, des Kinks, les Pink Floyd, les King Crimson ou Genesis. Il s’intéresse aussi aux artistes américains des années 1960 à 1975 : « Je ne connais pas bien. Plus les Beach Boys, je trouve ça super ; ce n’est pas que de la musique de surfeurs. Il y a une énergie dans le rock, presque une rage. »

David Gobbe est le bibliothécaire de l'Orchestre national du Grand-Avignon depuis 2002.

David Gobbe est le bibliothécaire de l’Orchestre national du Grand-Avignon depuis 2002.

La musique classique est raffinée, le rock c’est la rage

La musique française, le blues ou le jazz ne départit dans ses goûts, mais la musique classique embaume son cœur autrement : « C’est raffiné. » Tout est dépeint.

La musique classique est dans son ADN, il a  appris le piano et la guitare : « Mais je ne voulais pas jouer sur scène, j’étais très anxieux. J’ai l’impression de parler pour eux, mais les musiciens professionnels sont habitués. On a l’impression qu’ils sont vaccinés. Mais c’est vrai qu’il n’y aucune connexion entre la philo et devenir bibliothécaire. Je ne crois même pas qu’il y a une formation universitaire. Ou peut-être à Nancy maintenant. A mon sens, il faut des qualités relationnelles, aimer la musique classique, avoir une bonne relation avec le chef d’orchestre et être curieux pour apporter des idées de programmation, même si le choix des œuvres ne m’appartient pas. Je peux suggérer ou conseiller d’écouter tel ou tel compositeur. Bien sûr un bibliothécaire pourrait se contenter de classer distribuer des partitions et de les relier, mais ça manquerait d’âme.»

Si il exerçait sans intérêt pour la musique, aurait-il le sentiment de ne pas participer à la beauté ? « La beauté n’est que subjective.  Je réponds par une citation de Kant : Est beau, ce qui plaît universellement sans concept. Nietzsche dit lui : Sans musique la vie serait une erreur.  Une erreur, voire une errance. La musique est un accomplissement, car la musique a un rapport au temps, celui qui passe et celui de la contemplation, celui du silence aussi. Dans le silence de la musique, on a l’illusion de l’éternité. Pourtant l’Orchestre est vivant, c’est un corps avec un esprit, un estomac, des poumons, un cœur. A la maison, j’ai quantité de disques, mais rien ne remplace un concert. Assister à un concert, c’est l’image de la Première-dernière fois. La préciosité du moment se vit au moment du concert.»

Troisième pôle de ses intérêts, le cinéma occupe aussi ses pensées, : « Pour moi, ce n’est pas du spectacle vivant. Bien sûr, Gabin est vivant dans ses films. C’est du ressort du montage. Un film se construit d’assemblage de scènes, d’une histoire et de musique. Alors quand on programme des ciné-concerts avec l’orchestre qui joue la musique en même temps que les images défilent, ça concilie mes passions. Il m’arrive de conseiller pour le choix du film. »

Bruno ALBERRO

 

Renseignement à l’Orchestre national Avignon-Provence