La musique : le double de soi ? Pour certains, c’est le sport ; pour d’autres, la pêche à la ligne, ou la randonnée. Le double vous porte quand rien ne va ; quand cette seule lumière éclaire la grotte du désespoir, quand elle devient force tellurique. Virginie Aster vit avec la musique. Elle est devenue professeur ou compositrice, laissant à ses élèves  le soin de monter sur scène, à d’autres artistes le soin d’interpréter ses littératures. En suivant les méandres proposés par son art, elle enseigne aussi la gestion du trac : rendre positif ce qui peut être un mal à combattre.

Il ne faut pas remettre au lendemain ce qu’on peut faire le jour même, dit l’adage. Qu’en est-il vraiment ? N’est-il pas urgent d’attendre ? Parfois, le temps est un recours à l’efficacité. Regardez Virginie Aster, après avoir joué dans la rue à 17 ans, elle enseigne maintenant au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, comme professeur associé.

Compositrice Virginie Aster forme aussi à la gestion du trac

Compositrice, Virginie Aster forme aussi à la gestion du trac

Non des cours de violon qu’elle dispense, mais des cours de gestion de trac. Alors, ça se gère le trac quand on a senti son estomac se nouer avant un lever de rideau ? Cette boule qui vous empêche de jouer la moindre note ou de sortir le moindre son ; le trac qui efface en trois suées et deux semblants d’ulcère des heures et des mois de travail, seul dans sa chambre à répéter une partition ou un texte. Pour Virginie Aster, il n’y a de cause désespérée que dans l’abandon. Il faut travailler sur soi : « James Reason parlait de crash scénique. C’est quelque chose de terrible pour un artiste, car ce n’est pas lié au manque de talent. Alors que sur scène, il doit se sentir transcendé, ça c’est le bon stress. Ce qu’il faut faire, c’est transformer le mauvais stress, qui est un blocage, en bon stress. Bien sûr, il existe la sophrologie, le yoga, la méditation, ou autre, mais c’est rarement suffisant. Les causes du trac sont multiples, il faut les chercher. Prenons l’’exemple d’une erreur chirurgicale. Le dernier acte est la conséquence, mais les causes sont une cascade d’événements. Pour la gestion du trac, c’est la même chose, il faut se poser la question : que s’est-il passé en aval du crash scénique ? Souvent la première cause du trac est un excès d’orgueil. Le trac, c’est une forme d’autodéfense, une façon de se protéger.»

« Ça ne sert à rien de souffrir et de penser qu’on est incapable. On se sent bien quand on est honnête.»

Compositrice Virginie Aster forme aussi à la gestion du trac

Virginie Aster écrit un livre sur la gestion du trac.

On pourrait penser au trac qui inhibe les gens timides, non ? Virginie Aster précise : « Le principe de l’artiste est de proposer et le public dispose. Quand on est sur scène, on ne joue pas son existence. La gestion du trac est donc de modifier son approche face à des événements, que ce soit dans le privé ou dans sa vie professionnelle. Se dire alors que ce qui arrive, ce n’est pas grave. Ça ne sert à rien de souffrir et de penser qu’on est incapable. On se sent bien quand on est honnête.»

Ça semble facile, quand Virginie Aster révèle quelques pistes. Elle sait de quoi elle parle pourtant, au point d’en rédiger un livre où elle met toute sa verve à aider ceux qui souffrent du trac et les convaincre que rien n’est inéluctable. On pourrait dire que c’est facile pour elle d’affirmer telle ou telle solution, on pourrait la penser inatteignable en lisant son CV. Imaginez son entrée au Conservatoire supérieur de musique de Paris à 13 ans, c’est l’âge où certaines petites filles jouent encore à la poupée. A 17 ans, encore étudiante, elle s’est frottée à la rue pour jouer… glaner quatre sous pour manger : « J’ai eu des professeurs de musique formidables. Le mal était ailleurs. » Une enfance malheureuse, un placement dans une famille d’accueil, voici le lot d’une jeunesse gâchée : « La rue, c’est dur. Je me souviens au métro Châtelet, des policiers m’ont conseillée de partir pour ne pas être volée, c’est arrivé. Ce que je retiens, c’est que la musique m’a sauvée.»

D’aucuns pourraient s’étonner qu’une enfance noire puisse trouver de la lumière dans la musique : « J’ai eu de la chance que mon père aimait la musique et m’ait poussée. Qu’il aimait la soul. J’ai appris ainsi la 7e majeure, comme ensuite j’ai apprécié la musique de Bach et cette 7e majeure. J’ai eu de la chance que, malgré tout, ma mère ait continué à me conduire au conservatoire. »

Street music ou dix pièces courtes pour évoquer le Street art

Compositrice Virginie Aster forme aussi à la gestion du trac

Virginie Aster écrit un opéra inspiré par le roman « La Montage de l’âme » de Gao Xinjian.

Virginie Aster n’a pas oublié non plus la rose d’un passant américain, déposée dans son panier en guise de quelque monnaie ; heureux geste galant du jeune homme que voilà, il est devenu son amoureux. Elle n’a pas oublié non plus ses cinq années passées à Los Angeles, ses quinze ans comme comédienne, avant de revenir à la musique à trente ans pour étudier à nouveau. De la rue, elle retient aussi le Street art, au point qu’elle a composé dix pièces courtes comme autant de tableaux décrits : « Je les ai appelées  Street music. C’est bref, comme la façon de peindre avec des pochoirs. Les tags, ça va très vite.»

Elle avoue que maintenant elle se produit peu sur scène : « Je prends beaucoup de plaisir à amener mes élèves à la scène. La musique, c’est de l’émotion. Pour cela, je ne suis pas favorable à jouer derrière une partition. C’est beaucoup d’énergie à lire les notes. Les grands chefs d’orchestre ne lisent pas, la musique vient d’eux, elle a été ingérée et elle ressort telle qu’il la ressente. J’éprouve plus de plaisir à composer. C’est une façon de faire vivre la musique, il est important de produire de la musique de son époque. Même si on est seul à sa table, il faut vaincre une autre forme de trac, celui de s’exprimer. Souvent les compositeurs, nous sommes peu joués. J’ai eu de la chance une de mes partitions sert pour les études des élèves et elle est présentée en concours.»

Quelques projets sont les tablettes de Virginie Aster comme cet opéra « La Montage de l’âme », d’après le livre éponyme du prix Nobel de littérature Gao Xinjian. Elle écrit sans commande quand d’autres attendent que des maisons fassent appel à eux : « J’écris quand je suis inspirée. Je verrai ensuite. »

Bruno ALBERRO

 

Le coin vidéo de Virginie Aster

Renseignement à Virginie Aster