La soprano Patrizia Ciofi se trouve à l’Opéra de Marseille où elle sera l’affiche des Pêcheurs de perles de Bizet, les 11 et 14 avril. Elle retrouvera le rôle de Leila. Un personnage différent des Violeta et Lucia qu’elle a portées sa carrière durant. La cantatrice a accepté de changer de registre en collaborant avec l’école de Fiesole où elle a été en partie formée. Elle s’oriente maintenant vers les nouvelles créations. Avec la même exigence.

La Lucia de Patrizia Ciofi a fait pleurer le mur du théâtre antique

Sa Lucia de 2006 a fait pleurer le mur du théâtre antique, les gradins orangeois se sont pâmés de sa Traviata de 2009 et de sa Gilda de 2011. Patrizia Ciofi a encore chanté Traviata il y a moins d’un mois et elle sera Leila dans Les Pêcheurs de perles de Bizet  à l’Opéra de Marseille ses 11 et 14 avril. En version concert, pour une captation qui sera diffusée ultérieurement.

Les dates semblent anciennes, bien que les émotions d’alors soient intactes ; les siennes comme celles du public qui a vécu ces parenthèses célestes aux Chorégies d’Orange. Bien sûr, la carrière de la soprano ne se réduit pas au festival lyrique vauclusien. Elle confie d’ailleurs qu’elle n’a pas souhaité revenir à Orange pour reprendre le rôle de Gilda dans Rigoletto en 2016 : « Je crois que j’avais aussi autre chose, mais surtout je sais que ce moment de grâce avait été unique avec ce Rigoletto, en 2011 . Je n’aurais pas aimé que mes sensations soient moins bonnes et je ne voulais pas que le public soit déçu, en disant c’était mieux la dernière fois. Certains moments ne peuvent pas se reproduire, il faut l’accepter et en profiter quand ils arrivent. »

Si par moment, Patrizia Ciofi parle au passé, le présent et la scène sont toujours d’actualité, conscience toutefois que sa voix a évolué et que les rôles qui font, ou ont fait, sa gloire sont moins présents dans son agenda et qu’elle choisit de les reprendre en pointillé : « Je n’ai plus vraiment envie de tomber amoureuse du ténor qui a vingt ans de moins de moi. On me demande encore, j’ai chanté Traviata il y a encore peu de temps. Ce que je trouve intéressant c’est le répertoire moderne, comme je l’ai chanté à Berlin l’an dernier (NDLR : Heart Chamber de Chaya Czernowin). L’histoire était simple, mais c’était tellement beau et profond. » Ce n’est pas nouveau pour la soprano colorature d’aller vers le répertoire contemporain, car ses premiers pas sur scène étaient dictés par la reprise d’une œuvre de Gino Negri (1919-1991) « Giovanni Sebastiano », alors qu’elle avait 22 ans.

Patrizia Ciofi dans Le Nozze du Figaro à Marseille photo Christian DRESSE 2019

Patrizia Ciofi dans Le Nozze du Figaro à Marseille photo Christian DRESSE 2019

Patrizia Ciofi : « Je croyais que j’étais comme mes héroïnes, que j’allais mourir jeune.»

Depuis 2019, Patrizia Ciofi dispense ses conseils à l’école Fiesole en Toscane, proche de Florence. C’est un retour aux sources pour la cantatrice, raconte celle qui ne s’imaginait pas jouer les professeurs : « J’ai toujours pensé que ce n’était pas pour moi, que je n’étais pas capable d’enseigner. D’abord, je croyais que j’étais comme mes héroïnes, que j’allais mourir jeune. Je ne me voyais dépasser quarante ans… Et puis on m’a demandé d’accompagner des master classes. Ensuite, l’école de Fiesole m’a demandé de remplacer Claudio Desderi, mort en 2018. C’était mon mentor, mon maestro dans cette école qu’il dirigeait. Alors le remplacer, c’était quelque chose de fort pour moi. Je n’ai pas enseigné beaucoup encore : trois mois en 2009, un peu en 2020. Mais c’est devenu passionnant de transmettre, d’aider les jeunes. Ceux que j’ai, sont déjà formés, je ne leur apprends pas à chanter. Je leur apprends la technique, mais aussi à prendre plaisir et les aider à exprimer ce qu’ils ressentent et quelles émotions ils doivent faire passer. A Marseille, je chanterai en version concertante, mais il est possible de faire ressortir des états d’âme. La voix peut aussi traduire des émotions autant qu’une mise en scène. Le théâtre n’est pas qu’une performance physique.»

Si le discours convenu est souvent de demander aux élèves d’être patients, il n’est pas celui de Patrizia Ciofi dont la carrière a commencé alors qu’elle n’avait que 22 ans et elle avait 26 ans pour sa première Traviata : « Cela dépend des conditions. Quand j’ai chanté Traviata, les conditions étaient idéales : mon maestro qui dirigeait, m’a mis à l’aise. On entend souvent qu’il faut commencer par des rôles légers, mais ça dépend non de l’âge du chanteur mais de l’âge de la voix. Si elle travaille de façon répétitive et régulière. »

Patrizia Ciofi

Patrizia Ciofi est souvent invitée à Musiques en fête où elle retrouve le Théâtre antique d’Orange

Patrizia Ciofi observe ses élèves et s’en amuse : « A leur âge, je n’aurais pas pu chanter à dix heures du matin. »

Outre Marseille, d’autres dates se profilent pour Patrizia Ciofi, toutes pour l’instant seront diffusées sur Internet, une période de doute artistique pas forcément motivante pour la cantatrice : «  C’est dur de rester dans l’entraînement tous les jours. Quand beaucoup de dates sont annulées, j’ai plutôt envie d’arrêter et puis tout rentre dans l’ordre. »

Comme pour cette Leila des Pêcheurs de perles de Bizet qu’elle reprend à Marseille ? « Je l’ai beaucoup aimée et il y a quelque temps que je ne la chante plus. Elle est différente de Traviata. Toutes deux ont évolué avec le temps. »

Ne lui pas parler d’une tournée d’adieu comme d’autres artistes l’ont faite en d’autres temps : « Ce sont des tournées qui ne finissent jamais. J’ai dit longtemps que pour ma dernière apparition je chanterai Madama Butterfly, je me disais qu’après ça, même si on me critiquait, eh bien après je ne serais plus là. Plus j’y pense, moins je le ferai. J’abandonne peu à peu cette idée. Quand je pense à ma carrière, j’ai eu beaucoup de chance, j’ai pu interpréter tellement de beaux rôles. »

Bruno ALBERRO

 

Où entendre Patrizia Ciofi ?

  • Les 11 et 14 avril à l’Opéra de Marseille dans Les Pêcheurs de perles de Georges Bizet.

Renseignement à l’Opéra de Marseille

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