Qu’il est dommage de ne pas voir cette version concertante de l’opéra de Bizet, les Pêcheurs de perles qu’avait programmé l’Opéra de Marseille, ces 11 et 14 avril. On peut toujours se dire qu’on pourra l’entendre sur les ondes ultérieurement.
Les répétitions ont eu lieu, le spectacle a eu lieu devant une salle vide où s’est éparpillée une vingtaine de personnes, techniciens ou journalistes. Pour les artistes, c’est une bonne chose que la direction de la maison marseillaise maintienne ses dates coûte que coûte, jusqu’à l’ultime limite des droits d’enregistrement.
Aucun doute, et ce malgré le vide de la salle, on sent le plaisir des solistes de se retrouver sur scène, idem pour les musiciens en hémicycle autour de Gaspard Brécourt, le directeur artistique de cette soirée. Idem pour le chœur rassemblé au premier balcon. Une fois n’est pas coutume, en dehors des spectateurs et du regard d’une caméra, le jeune chef a pu assurer une direction à 360°. Tourné vers les musiciens, les solistes et l’ensemble vocal. Certes cette production est enregistrée et elle appartient au patrimoine marseillais. Et ça s’arrête là. Hormis ce sentiment de gâchis d’avoir été si peu nombreux à profiter de ce concert. Car c’est cela le spectacle vivant : un instantané d’émotions.
Quelle injustice de priver le public de ce spectacle qui réunit un quatuor de solistes haut en couleurs ! La faute n’en incombe pas à Maurice Xiberras qui se démène pour son opéra vive et résonne de mélodies et d’harmonies. Non, il en revient aux mesures iniques et incohérentes de décideurs de tout poil où 5000 personnes peuvent se coudoyer dans une grande surface, devant un banc de fruits et légumes, avant de couler en foule au comportement grégaire vers celui boucher et du fromager, mais 400 personnes bien sages et disciplinées, sans possibilité de se déplacer, ne peuvent suivre un concert, assis en respectant la règle un siège sur deux.
Quelques décrets iniques enterrent ainsi ces “Pêcheurs de perles” où Marseille accueillait la soprano Patrizia Ciofi, le ténor Julien Dran, le baryton Jérôme Boutillier, qui remplaçait le Canadien Jean-François Lapointe, et la basse Patrick Bolleire. Tous des habitués de la maison opératique proche du Vieux-Port. Quelques sourires dessinaient leur complicité sur le plateau.
Si dans de telles circonstances, et dans cette situation, on pouvait comprendre que chacun des chanteurs se limite à restituer une technique sans faille, ce serait mal connaître l’engagement des uns et des autres et l’envie de jouer et de s’exprimer des quatre protagonistes. De la première à la dernière note, ils ont mis tout leur théâtre et leurs intentions dramatiques dans leur voix et leurs sentiments. Quand cette version des “Pêcheurs de perle”s sera diffusée, il vous suffira de fermer les yeux et de vous laisser porter par l’histoire, surtout quand elle est racontée par quatre artistes à la diction claire aux envolées lyriques flamboyantes.
Pour cette reprise, la soprano italienne endossait la robe de Leïla, une vêture qu’elle a porté longtemps et à qui elle a offert une sensibilité toute personnelle à ce personnage qu’elle fait évoluer au fil des années ; elle se trouble entre sa destinée à devenir prêtresse, son amour pour Nadir et sa conscience de faire souffrir Zurga. Cette fois, à ce rendez-vous marseillais, le ténor Julien Dran tombait amoureux de Leïla. Une des grandes difficultés du rôle est de franchir cette aria si célèbre, que trop souvent on réduit cet opéra à entendre un vol de ramiers caché sous les palmiers. Une aria qui nécessite fraîcheur et légèreté comme l’a montré Julien Dran.
A chaque sortie, Jérôme Bouteiller impose et s’impose. Le baryton français trouve sa place dans ce répertoire français tellement exigeant pour sa tessiture. A son côté la basse belge Patrick Bolleire a monté ses qualités vocales comme on a pu l’entendre dans le rôle d’Angelotti de Tosca de Puccini en février dernier.