Les mots et les notes, la page blanche et les partitions vierges, Judith Adler de Oliveira conjugue à l’envi musique et littérature. Même elle collabore avec d’autres compositeurs et appréhendent des univers différents, sans frontières. Elle, franco-portugaise installée en Belgique, se présente comme une enfant du monde.

La compositrice franco-portugaise est installée en Belgique
Le monde culturel a cessé de tourner, sauf en Espagne où les salles sont ouvertes et accueillent du public. Les fermetures des lieux de spectacle pèsent pour les artistes, mais aussi pour les compositrices comme Judith Adler de Oliveira qui a vu plusieurs dates de concerts reportées ou annulées depuis les débuts de la pandémie. Notamment le projet Confluences, soirée de littérature musicale programmée au Liban ce mois d’avril, avec la participation de l’Orchestre national du Liban.
Confluences faisait partie des projets de la jeune femme où elle collaborait avec son collègue Qoutayba Neaimi. Tous deux se coudoient en Belgique, elle franc-portugaise, lui de la double nationalité belge et irakienne. Et ce concert réunissait les deux cultures de l’Ouest et du Moyen Orient. Partie remise : « Il faut vivre avec son temps. C’est assez sportif et il faut s’adapter à de telles conditions. Jouer devant des caméras sans présence du public, ce n’est pas complet. Être compositeur, c’est assez solitaire, mais on existe aussi car il y a des interprètes et qu’on écrit pour eux en collaborant. Ce que nous écrivons est une construction. »
Elle glisse que sa chance est de pouvoir écrire aussi, des mots et des textes : « Tout le temps, j’ai eu un livre avec moi. Quand j’étais à l’université je suivais à la fois des cours de langues modernes et de musicologie. L’écriture musicale nécessite plus de technique, l’écriture littéraire est plus libre. Je m’intéresse plus à la poésie qui est plus spontanée. On a un accès plus direct aux mots, on grandit avec la langue. Musique ou littérature, ce sont deux langues. Il existe un nouvel intérêt pour la musique déclamée et des lectures publiques dans les écoles. J’aime beaucoup la musique française, où le mot a une musique. On peut écouter un texte par sa sonorité. »
«La musique contemporaine a éclaté au XXe siècle où chacun avait son langage et sa vision.»

Judith Adler de Oliveira a collaboré avec le compositeur Qoutayba Neaimi pour le projet Confluences qui sera donné à Mons en novembre.
Elle est consciente que réunir sous un même patronyme librettiste et compositrice n’est pas dans le canon commun de notre société, où chacun doit trouver sa case bien étiquetée, voire ne pas en sortir. Alors mêler des genres musicaux dans son écriture et écrire des textes pour ses mélodies ou d’autres, c’est presque un défi : « Dans nos lectures, on trouve des changements de style et des formes de langage différentes. L’auteur et le lecteur circulent entre des idiomes. L’auteur choisit son registre. On oppose souvent musique contemporaine et musique du passé. La musique contemporaine a éclaté au XXe siècle où chacun avait son langage et sa vision. Certains ont défendu leur vision de la musique à tout prix. Je pense qu’il y a eu une désaffection par facilité d’écouter et de réécouter des airs ou des mélodies agréables et consonants. Certains compositeurs ont oublié de prendre en considération qu’au bout de la musique il y a une oreille. Que ce soit celle du public mais aussi de l’interprète.»
Si Judith Adler de Oliveira regrette de ne pas être encore aller au Liban, elle se réjouit que Confluences, cette création pluriel,e a pu être jouée à l’automne dernier à la salle Boulez à Berlin : « Nous sommes passés entre les mailles du filet. En plus nous avons pu la jouer devant Daniel Barenboïm. Cette création est une rencontre musicale avec les cultures d’Orient et d’Occident, entre le compositeur Qoutayba Neaima et moi, avec cette cantate en six langues où j’ai travaillé sur le livret en associant des textes de différents auteurs comme Voltaire ou d’autres pris dans la Bible. J’ai composé pour cette occasion Qowl Kaddish (NDLR : Pour voix et ensemble de musique de chambre). Confluences sera repris au festival de musique sacrée de Mons le 26 novembre. »
On pourrait s’interroger à propos de la collaboration de deux compositeurs pour une même création, Judith Adler de Oliveira assure que c’était plutôt stimulant : « C’est vrai que nous n’avons pas le même langage, mais nous avions le plaisir de l’écoute, nous nous montrons nos partitions. Au bout du compte, on comprend pourquoi tel ou tel choix chez l’autre, bien que les façons de faire soient différentes. Ce n’est pas lié à nos différences culturelles. Je me sens plus en décalage avec des gens qui sont d’ici et qui vivent ici. »
Son dernier opus est dédicacé au quatuor Akhtamar pour qui elle a signé “Elia Lrde”, une musique aux couleurs géorgienne. Elle prolonge cette collaboration avec une œuvre d’inspiration arménienne.
Judith Adler de Oliveira explique qu’elle travaille de plusieurs manières : « Soit j’ai une bourse pour écrire une pièce, soit j’ai des commandes. Pour Confluences, je n’avais pas de commande au départ. Mais quand on a quelque chose qui vous tient à cœur, je pense qu’il faut la faire. »
Où écouter des œuvres de Judith Adler de Oliveira ?
- Le 26 novembre au festival de musique sacrée de Mons sera donnée Qowl Kaddish.
Renseignement à Judith Adler de Oliveira
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