Au cours du festival en ligne Nowrooz, organisé par l’association Gondishapour, on a pu voir et entendre Mukaddas Mijit. Elle est née Ouïghour, de la province turcophone du Xinjiang à l’ouest de la Chine. Elle est pianiste, ethnomusicologue, cinéaste et danseuse.

Mukaddas Mijit 1

Mukaddas Mijit a délaissé la musique classique pour se consacrer à la culture de son pays ouïghour, une province chinoise.

Mukaddas Mijit a participé en vidéos au premier festival Nowrooz, organisé par l’association Gondishapour. On la voit danser ou réciter des poèmes contemporains de culture ouïghour, une région de l’Asie centrale, turcophone, située en République populaire de Chine. Il y a 17 ans, elle a posé ses valises en France, sans parler un traitre mot de la langue de Molière. Depuis elle est docteur ethnomusicologue.

Recommandée par sa professeure, on attendait la jeune fille à Paris pour poursuivre ses études pianistiques. Elle avait le choix, au lieu de la France, elle pouvait se rendre en Australie, où sa famille avait émigré : « Mais j’avais envie de m’en éloigner. J’ai profité de l’opportunité offerte par ma professeure.» Mukaddas Mijit vient de la province du Xinjiang, à l’ouest de la Chine, une contrée où vivent les Ouïghours, de culture turcophone et en majorité sunnite. Une région où le gouvernement a installé de nombreux camps de rééducation (ou de concentration) pour enfermer les opposants et ceux considérés comme terroristes ou islamistes. La langue de cette contrée diffère celle d’Istanboul, explique l’artiste polyforme: « Ce n’est pas le turc de Turquie, il en existe plusieurs formes, c’est comme l’italien et l’espagnol ».

En France, c’était bien sûr différent de la Chine, ou d’autres pays totalitaires, mais Mukaddas Mijit a pu mesurer que tout n’était pas aussi rose : « Avec cette image des étudiants asiatiques riches, on n’est pas toujours appréciés. Pour moi, ce n’était pas le cas, je venais d’une famille modeste. Je me suis rendu compte aussi que la musique classique n’avait pas vraiment besoin de moi. Et puis, je n’appréciais pas cette compétition dans les concours et les conservatoires. C’était loin de l’idée que je me faisais d’une musique universelle. Et je n’avais pas les moyens de payer un prof 150 euros de l’heure.»

Docteur en ethnologie et étudier sa propre culture ouïghour

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Mukaddas Mijit est aussi danseuse et cinéaste.

Si elle est devenue docteur ethnologue, et même ethnomusicologue, ses premières démarches auprès des instances universitaires dans l’Hexagone l’ont quelque peu refroidie : « C’est une science qui vient des pays riches pour étudier les ethnies et les peuples moins riches. C’est ce qu’on m’a expliqué : on ne pouvait pas étudier les gens de son propre pays. J’avais trouvé cette réponse choquante. Donc un Français de Paris ne pourrait pas étudier des Occitans ou de Bretons ! Quand on est extérieur au pays, on doit se rapprocher de la culture et des gens, étudier leur langue. Pour moi, ça a été différent, j’ai été obligée de prendre du recul. Mais la démarche est la même, il faut observer et analyser. D’un village à l’autre, la culture est différente.»

Elle-même s’est appliqué à parler français rapidement, au début un peu d’anglais pour avancer dans les choses primaires, puis elle a plongé dans les livres : « J’ai toujours eu de la chance de toujours rencontrer quelqu’un pour m’aider. Je ne pouvais pas aller à l’université, sans bien parler la langue. Cette période a été une école de la vie. Il faut trouver sa place et la vie oblige à d’éternels ajustements.»

Musicienne, danseuse et cinéaste aussi

Elle n’a pas oublié qu’elle était artiste, si même elle a laissé ses partitions de musique classique à d’autres interprètes, Mukaddas Mijit s’est réalisée autrement, en développant son propre langage, avec des improvisations sur des poèmes contemporains, dont certains auteurs sont, ou sont passés, dans ces tristes camps. Sans compter, qu’elle est cinéaste : « Je monte des documentaires, mais le plus difficile est de trouver des financements. Trop souvent, on considère que si on n’a pas fait une école spécialisée, eh bien, on n’est pas qualifiée. J’avais fait une demande en 2014 et j’ai obtenu les financements en 2020. Mais pendant ces six ans, même si j’ai dû effectuer des travaux de réécriture, je n’ai rien lâché. Et c’est pour un court métrage… »

Mukaddas Mijit a répondu à l’appel de Sina Abédi, président de l’association Gondishapour, organisateur du premier festival Nowrooz. En ligne, pandémie oblige.  Elle raconte comment cette fête annonçant le printemps est vécue dans son pays natal : « C’est une fête zoroastrienne de l’Asie centrale qui annonce le début de l’activité agricole. Tout l’hiver il y a des semis qui poussent dans une assiette et on se retrouve à la rivière pour lancer ces bouquets au fil de l’eau. On danse, il y a de la musique et les enfants vont de maison en maison se faire offrir des sucreries. A l’association, j’ai donné carte blanche de choisir parmi mes vidéos : courts-métrages, danses ou mes lectures. »

Bruno ALBERRO

 

Renseignement à Mukaddas Mijit 

Le coin vidéo