Un vol de papillon flotte au-dessus des ruines nucléaires de Nagasaki. C’est la version offerte par Daniel Benoin, le metteur en scène de « Madama Butterfly », opéra de Puccini, encore à l’affiche de l’Opéra Grand-Avignon ce dimanche 12 et mardi 14 novembre.

Madama Butterfly Opéra Grand Avifnon Photos crédit Cédric Délestrade (13)

La soprano japonaise Noriko Urata, souffrante, a dû laisser sa place à Héloïse Koempgen dans cette Madama Butterfly donné à l’Opéra Grand Avignon. Photos crédit Cédric Délestrade.

Une vision apocalyptique de fin de guerre atomique dans le premier tableau quand le rideau s’ouvre. C’est la l’interprétation de Daniel Benoin, le metteur en scène de « Madama Butterfly » de Puccini, encore à l’affiche de l’Opéra Grand-Avignon ce dimanche 12 et mardi 14 novembre. Avec comme décor un désert de cendres nucléaires, un Tori chancelant, des arbres effeuillés et une maison rescapée.

On peut en effet resituer le drame de Puccini à la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec un Pinkerton (Avi Klemberg) en tenue de combat US et ceint d’un Colt 45. Il souhaite épouser une jeune Geisha, le temps de son séjour nippon. Le sujet est âpre, la situation post-nucléaire tout autant. Dans ce décor planté, à l’entame de l’ouvrage, fallait-il retirer toute poésie et enfoncer le clou de la noirceur jusqu’à étouffer la moindre lueur  ? Dans le pire des déserts, n’y-a-t-il pas de la vie ? Hugo ne disait-il pas : Même la nuit la plus sombre prendra fin et le soleil se lèvera.

De cette ambiance glacée, aucune lumière ne jaillit et ne vient atténuer le propos du réalisateur, aucun accessoire ne vient éclairer cette union. La poésie fuit cet entre-deux monde, où la vie et l’espoir reprennent malgré les souffrances causées par la guerre, la défaite des uns et le triomphe des autres. Tout est gris dans cet univers de Daniel Benoin, monde uniforme sans relief, hormis cette colline qui domine les bateaux miniatures immobiles dans le port givré d’effroi.

On voit bien sur le plateau la désolation et on lit le discours subliminal du metteur en scène du « Non au nucléaire », quand l’enfant joue avec des éoliennes plantées dans les résidus radioactifs. Tout est dit, le message est fort  jusqu’à écraser les sentiments.

On comprend moins l’anachronisme au cours de l’intermezzo, avec les images de guerre ressassées. Elles défilent alors que l’action est placée quatre ans après la guerre et que le pays du Soleil levant est alors en reconstruction.

La touche sensible de Samuel Jean

Madama Butterfly Opéra Grand Avifnon Photos crédit Cédric Délestrade (13)

Dance cette Madama Butterfly présenté à l’Opéra Grand Avignon, Christian Federici  campe un Sharpless attentif et prévenant. Photos crédit Cédric Délestrade.

Heureusement, dans cette première partie sombre, voire plombée, Samuel Jean, de retour devant l’Orchestre national Avignon-Provence qu’il a façonné pendant neuf saisons, apporte cette note sensible. Sous sa baguette, les chanteurs teintent et peignent les caractères et les émotions des personnages.

Pour cette première représentation, vendredi soir, la soprano japonaise Noriko Urata, souffrante, a dû laisser sa place à Héloïse Koempgen. Saluons la performance de la soprano qui en deux jours de répétition a su endosser le kimono de Cio-Cio San, un rôle qu’elle n’avait pas interprété depuis août 2020.  Dans le froid de Nagasaki, la jeune cantatrice a apporté les nuances nécessaires à donner vie à cette jeune japonaise éprise d’un étranger, bien qu’il représente le vainqueur contre son pays au sortir de la guerre. Face à Avi Klemberg, c’est elle la conquérante, dans l’histoire comme sur la scène. Pour la comprendre, elle trouve en Christian Federici un Sharpless attentif, prévenant. Sa diction, ses couleurs désespérées, ce jeu en retenu sont autant de tendresse envers Cio-Cio San.

La mezzo Marion Labègue chante le séide Suzuki, glissant d’un registre à un autre avec la même aisance vocale, attentionnée ou cerbère ; il suffit de ressentir son agression quasi cinématographique quand elle exprime sa colère en bourrant de coups le fourbe et avide Goro. Rôle confié à Pierre-Antoine Chaumien.

Le rôle de Kate Pinkerton est souvent ingrat. Et dans cette production, quelle attitude allait-on lui faire révéler ? Là, il est demandé à Pascale Sicaud-Beauchesnais de montrer une distance par rapport au drame qui se déroule. On la voit, stagnant au pied du Tori à observer la scène de cette mère étrangère, amante de son époux qui se sépare de son enfant. Pas de jalousie, pas de compassion. Ces sentiments souvent excessifs à la scène semblent éteints comme cette lande sans vie où les voix lyriques font relief. Le stoïcisme de Pascale Sicaud-Beauchesnais est une performance. Elle laisse imaginer sa suffisance d’Occidentale, sûre de son fait.

Bruno ALBERRO

 

Madama Butterfly en bref

L’opéra Grand Avignon présente « Madama Butterfly » de Puccini

  • Le dimanche 14 novembre à 14h30
  • Le mardi 16 novembre à 20h30

A suivre à l’Opéra Grand-Avignon

  • Le mercredi 17 novembre à 20h30 à l’Autre Scène à Vedène Le Jour se lève, chorégraphie de Jean-Claude Gallotta ;
  • Le vendredi 19 novembre à 20h30 à l’Autre Scène à Vedène film de Buster Keaton Steamboat Bill Jr, en ciné concert ;
  • Le mardi 23 novembre à 20h30 à l’Autre Scène à Vedène Noëmi Waysfeld, soul of Yiddish ;
  • Le mercredi 24 novembre à 20h30 à l’Opéra Grand Avignon Clara Haskil, prélude et fugue avec Laetitia Casta et la pianiste Isil Bengi ;
  • Le vendredi 26 novembre à l’Opéra Grand Avignon avec Le Miracle, dirigé par Ariane Matiakh et la violoniste Liya Petrova ;

Renseignement à Opéra Grand Avignon