Marie-Claude Pietragalla contrôle tout dans son spectacle “La femme qui danse”, dont la 100e a été donnée au festival de Vaison danses. Contrôle des pauses, contrôle du texte, contrôle du geste, contrôle des machinos, contrôle des applaudissements et, en grande professionnelle, elle contrôle même les photos de presse avant diffusion.

Comme ce serait faire injure de considérer que les photographes de presse ne seraient des professionnels ou des professionnels moindres, notre rédaction avait le choix : ou de diffuser les photos en passant outre les recommandations de la compagnie, ou alors de passer un article sans photo à l’adresse de ceux qui n’ont pas pu se déplacer pour assister au spectacle. Quand Pietragalla déclame que la danse est éphémère et raconte l’instant, c’est bien aussi l’art de photographe de saisir et de figer l’émotion du moment, celle que l’on retrouve en regardant le cliché, alors que les images cérébrales évoluent avec le temps, ou disparaissent.

Le temps chez Pietragalla remonte à son enfance, sa première venue dans un théâtre pour voir Béjart et se dire que son avenir est là sur la scène. Alors elle raconte ses espoirs, ses joies. La chorégraphie rappelle ses exercices et le sacrifice forcé pour atteindre les rêves. Pietragalla sur scène suit son chemin de vie, s’interrompt, philosophe sur la place de la danse dans la vie ou dans sa vie ; elle dessine sous les projecteurs ce corps qui exprime la beauté par le geste mille fois répété, qu’il semble naturel. On perçoit la dualité de son séjour à l’Opéra de Paris, entre l’amertume que laissent une tradition exacerbée et l’envie d’atteindre les sommets de son art par un travail acharné, sans concession.

Pietragalla renoue avec ses souffrances, dans un corps cloisonné à une seule expression chorégraphique. Une lumière jaillit avec sa première apparition comme danseuse étoile dans Don Quichotte, elle évoque les grands rôles du répertoire, sa relation avec Rudolf Noureev qui l’a dirigée, ou avec Patrick Dupont, son partenaire aujourd’hui décédé, à qui elle rend un hommage sensible. Pietragalla est maintenant reconnue comme danseuse, comme chorégraphe. Installée au fond la scène, loin des premiers plans, une bande-son la retient, elle s’étonne des questions que la presse lui pose de celles où on lui demande si elle aime le chocolat ou si elle veut couper ses racines corses. Pietragalla préfère dénoncer ce type de questions avant d’aller  à la rencontre en bord de scène avec le public après la représentation.

Comptes réglés, la danse reprend le dessus, écarte les points de contrariété d’une carrière, encore et toujours à tutoyer les étoiles. Et le corps de Pietragalla se libère, la musique aussi, avec la découverte des grands maîtres de la danse contemporaine. Les Carlson, Forsyth, Cunningham lui ont ouvert d’autres chemins, l’ont amenée à d’autres libertés d’expression corporelle.

En puisant dans toutes les formes de son art, est-ce la danse qui est devenue universelle ou est-ce Pietragalla qui est allée vers une forme d’universalité ? Dans l’animal, ou la femme qui danse, spectacle maîtrisé de bout en bout, elle dit : “Être un exemple se mérite”. Voire oblige !

A moins que la seule question pour un spectacle vivant est celle née dans les gradins : Et l’émotion dans tout ça ? Où est-elle ? La réponse se glisse en filigrane dans sa relation avec son père, tout au début de l’histoire, où Pietragalla glisse : « A la maison, le dimanche, il y avait mon père, moi et la musique. »

Bruno ALBERRO

 

Au programme du festival

  • Le mardi 26 juillet à 22 heures : « La Pastorale » par le Malandain ballet Biarritz. Le chorégraphe inspiré par l’éponyme VIe Symphonie de Beethoven fait référence à la beauté née dans les théâtres de la Grèce antique.

Renseignement à Vaison-Danses