
La Gioconda au théâtre antique, dans le cadre des Chorégies d’Orange ? Oui ! Ce sera le samedi 6 août en clôture du festival lyrique 2022. L’opéra a trouvé là son écrin, assure Jean-Louis Grinda. Il mettra en scène pour la 9e fois de sa carrière l’ouvrage de Ponchielli, avec l’envie que, cette fois, elle lui donne satisfaction.
Il le dit sans ambages : aucune des huit fois qu’il a mis en scène Le Gioconda ne le satisfait. Jean Louis Grinda : «Pourtant il y a eu des bonnes critiques et un public content, mais je ne suis pas satisfait.» Le directeur des Chorégies et metteur en scène a toutes les cartes en main pour réussir cette production de l’opéra de Ponchielli qu’il présentera le samedi 6 août au théâtre antique. Il a choisi les équipes et la distribution, même s’il a dû procéder au changement de quatre solistes sur huit depuis qu’il cogite à cet opéra : « C’est un grand opéra à l’italienne. Ce n’est plus du bel canto, ce n’est pas encore de l’opéra vériste. Il y a des beaux arias, des duos, des trios et un formidable ballet. Monter La Gioconda, c’est compliqué. A côté Samson et Dalida ce n’est rien, c’est facile. Peut-être que la dimension du théâtre aidera.»
Serban Vasile, baryton,
dans le rôle de Barnabotto

Le baryton roumain Serban Vasile tiendra le rôle de Barnabotto, son personnage appartient au groupe des conspirateurs. Pour lui qui a chanté Marcello dans la Bohème de Puccini ou Dandini dans la Cerentolla, il assure que ce n’est pas frustrant de n’avoir que trois phrases à chanter : « En fait, je serai toujours sur scène. Cette production a été mise en scène en 2006, j’ai voulu voir les vidéos mais en fait les deux spectacles sont différents. Pour moi, c’est une prise de rôle. » Il rappelle qu’on a pu l’entendre chanter dans la Dame de pique, production donnée à Nice, Toulon, Marseille et Avignon. Il raconte aussi son expérience d’avoir chanté 50 fois Nabucco en 30 jours, en Italie : « On devait se partager le rôle à deux chanteurs, mais il est tombé malade. Je me suis dit que si j’arrivais à tenir un mois, je pourrais tenir dans ma carrière. »
Stefano La Colla, ténor,
dans le rôle d’Enzo

Stefano La Colla avait remplacé au pied levé le ténor à La Scala pour chanter le rôle d’Enzo de La Gioconda. Il retrouvera le même rôle aux Chorégies, toujours suite à un remplacement, mais ça ne le froisse pas pour autant : « C’est un toujours un plaisir, même si je n’étais pas sous contrat au départ. » Ce qui lui changera c’est de passer d’une scène intérieure à un plateau en plein air : « En fait, il ne faut pas avoir peur de ne pas entendre sa propre voix quand on est à l’extérieur. » Son exemple, c’est, comme beaucoup de ténor, Pavarotti, avec qui il a travaillé deux heures. Deux heures qui l’accompagnent encore : « Pour moi, c’est vraiment un modèle. Avec lui tout devient émotion. J’ai écouté d’autres grands chanteurs et je choisis ce qui m’intéresse. Mais j’ai eu comme conseil d’avoir les propres couleurs et non de chercher à imiter. »
Claudio Sgura, baryton,
dans le rôle de Barnaba

« Si j’ai le choix, je préfèrerais chanter devant un nouveau public, car c’est le rôle des artistes d’aller à la rencontre du public », estime Claudio Sgura. Son parcours n’est pas banal puisqu’il a exercé comme infirmier en hôpital : « Ma femme était chanteuse et elle m’a poussé à travailler le chant. Mais quelque part, en moi, je suis resté infirmier. Quand on a été confronté à la mort, on relative tout. Car dans la vie il faut se dire qu’un jour tout finit. Il faut comprendre ce que c’est la vie. J’arrive à jouer les rôles de caractère car je suis différent dans la vie. » L’analogie que fait Claudio Sgura entre les qualités nécessaires du chanteur et la vie humaine est toute trouvée : « La base de tout est la respiration. Comment sur scène respirer ensemble. Jouer les divas, ce n’est pas nécessaire, il faut un échange entre les chanteurs et avoir un respect mutuel. »
Alexander Vinogradov, basse,
dans le rôle de Alvise

Alexander Vinogradov balaie le compliment comme quoi il est considéré comme étant a plus basse russe du moment : « C’est au public de le dire, pas à moi. Mon rôle est de divertir. C’est flatteur mais ça ne change pas ma façon de travailler, ni mon comportement à la maison. » Lui qui fait une carrière internationale depuis plus de vingt ans estime qu’il y a aujourd’hui une globalisation du chant : « C’est dû aux chanteurs qui voyagent. Au mieux on peut reconnaître les couleurs de la langue du pays, elles restent. Ce qui est important c’est d’obtenir un maximum d’efficacité dans sa propre voix. C’est le but du chanteur. Il faut aussi chanter les rôles qui vous correspondent. Je trouve important aussi que le texte ait quelque chose à dire. »
Formé à la musique d’abord au piano, il préfère découvrir les partitions par lui-même : « Si je travaille avec un pianiste, il arrive avec sa propre interprétation. »
Clémentine Margaine, mezzo,
dans le rôle de Laura

Clémentine Margaine chante en France. Il est vrai que pendant deux ans elle était à Berlin, ville de musique s’il en est. Son aura est devenue plus lumineuse à l’étranger où la mezzo se produit maintenant la moitié du temps. On retient sa Carmen au Capitole de Tououse où la critique l’avait encensée, voire l’avait découverte. Elle glisse que son histoire avec le Capitole n’est pas finie, que des projets en discussion. A Orange où elle interprète Laura dans la Gioconda elle se sent à la maison, il est vrai qu’elle est native de Narbonne : « Mes parents venaient aux Chorégies. » Quand on lui demande si elle avait le choix entre le festival d’Aix et les Chorégies, elle répond : « Aix, c’est Paris en été. J’aime les ambiances populaires. »
Elle revient à ses projets avec sa voix formée au répertoire verdien : « J’aimerai en profiter avant d’aller dans le répertoire wagnérien. Car ensuite il est difficile de revenir chez Verdi. »
Marianne Cornetti, mezzo,
dans le rôle de La Cieca

Le public orangeois se souviendra de sa première à Orange, c’était dans Aida en 2006, en Amnéris aux côtés d’Indra Thomas et Roberto Alagna. Cette fois, elle interprétera un rôle moins conséquent où elle intervient sur une scène, mais quelle scène ! Puisqu’elle interprète “Voce di donna”, un air repris régulièrement en concert : « C’est le danger car il faut être immédiatement dans le rôle. Je le construis à chaque répétition. C’est la méthode Cornetti. D’avoir un rôle plus court me permet d’écouter les répétitions et de profiter l’acoustique du théâtre qui est exceptionnel, ce que j’avais pu faire en 2006. » Elle fait partie des rares artistes à avoir pu chanter les trois personnages de cet opéra, même si ce sera sa prise de rôle à Orange : « Il y a même eu un projet d’enregistrement où je devais chanter les trois rôles féminins. C’est dommage que ce ne se soit pas fait. »
Jean Miannay, ténor dans le rôle de Isèpo

C’est la 3e fois en trois ans que le nom de Jean Miannay est à l’affiche des Chorégies, pour le ténor ce n’est jamais trop : « Je vais même y prendre goût. Je suis venu pour la Nuit magique qui était enregistrée, l’an passé la scène émergente et là dans La Gioconda. » Le ténor breton est installé à Lausanne où il a obtenu un master à la Haute école de Musique : « A l’opéra de Lausanne, on me fait confiance depuis 5 ans. Je vais chanter Nemorino (L’elixire d’amour) la saison prochaine. Ils font deux distributions, une internationale et une avec des jeunes chanteurs. Ce sera une prise de rôle. » Cette première année sortie de l’école sera test, estime-t-il : « Il faut prendre des décisions, savoir dire non à certaines choses par rapport à ma voix. Là, j’ai un rôle de soutien. J’en profite pour écouter et regarder que je sois sur scène ou des gradins. C’est une belle leçon. » Après les Chorégies, outre un CD près à sortir, fruit d’un travail avec le compositeur Pierre Landy, il a de nouveaux projets dont celui d’une création opératique « La petite fille aux allumettes » pour 2023.
Jean Marie Delpas, Baryton dans le rôle de Zuane

Jean-Marie Delpas a foulé la première fois la scène des Chorégies en 1992 dans le Trouvère : « C’est à chaque fois un même plaisir d’être invité à Orange, Je suis venu huit fois, car ici on monte des opéras, on ne donne pas des versions farfelues. J’aime bien Orange car on respecte l’ouvrage et le livret. Si on voulait me faire chanter Traviata en roller je préfèrerais rester chez moi. » Jean-Marie Delpas a fait une longue carrière et selon les maisons il a tenu des rôles de premier ou de seconds plans : « J’ai chanté 480 fois le Baron dans Traviata. Mais vous savez on apprend tous les jours et on doit travailler tous les jours. Le jour où un artiste n’a plus envie d’apprendre il est préférable d’arrêter. Pour l’instant, ça va. Je me sens bien. Je travaille avec mon professeur de chant trois fois par semaine. On n’aura pas besoin de me dire quand il faudra arrêter, je le ferai quand ma voix ne sera plus là. »
Au programme des Chorégies
- Le 30 juillet ciné-concert « Les Lumières de la ville » de Charlie Chaplin, avec l’Orchestre national Avignon-Provence, dirigé par Debora Waldman ;
- Le 2 août concert Ukrainian Freedom tour dirigé par Kire Lynn-Wilson ;
- Le 5 août concert avec l’Orchestre philharmonique de Nice dirigé par Lionel Bringuier. en première partie le Concerto de Saint-Saëns interprété par Edgard Moreau;
- Le 6 août La Gioconda opéra de Ponchielli, mis en scène par Jean-Louis Grinda et dirigé par Daniele Callegari.