Cela faisait plaisir à voir ce théâtre antique d’Orange ce lundi 22 juillet pour cette dernière date des Chorégies d’Orange version 2024 avec Tosca de Puccini. Le choix du compositeur est en adéquation avec l’anniversaire de la mort de Puccini en 1924.
Certes, l’opéra est connu et rassemble, mais qui peut douter de l’effet Roberto Alagna sur la fréquentation de cette représentation, fût-elle en version concert. Quoique, il ne manquait que les décors et les costumes, car si d’aucuns pensaient voir l’Orchestre philharmonique de Nice sur la scène et 6 chaises pour les solistes, ils ont été étonnés que les artistes ont joué le jeu et leur rôle, sans accessoire. Vilar disait que le théâtre est illusion et doit laisser une part de liberté au spectateur. Ce fût le cas. On vit le poignard de Tosca pénétrer dans le cœur sombre de Scarpia, la fausse-vraie balle entrer dans la poitrine de Cavaradossi.
Avec les moyens du bord les chanteurs ont donc livré une prestation scénique qui a sied au public serré dans les gradins de la cavea au poulailler.
Comme il a applaudi les arias qui font la grandeur et la beauté de cet opéra pourtant boudé à sa sortie en 1900. Dans ses airs célèbres de cet ouvrage en deux actes, le ténor Roberto Alagna lance les débats, avec « Recondita armonia » ; il rappelle qu’il est sur la scène antique comme dans son jardin, tellement il en connaît les moindres recoins et où il faire profiter de sa diction sans tâche, d’un timbre reconnaissable entre mille et d’une projection rarement égalée au théâtre antique depuis 1993 quand il a foulé pour la première fois les lieux. On se retrouvera avec la même aisance dans “E lucevan le stelle”, où son étoile lyrique a fait briller le festival 2024.
La soprano Aleksandra Kurzak, qui aussi à la Ville l’épouse du ténor, a endossé la robe de Floria Tosca. Son “Vissi d’arte” longuement applaudi suffit à dépeindre ses qualités lyriques et son expressivité vocale. En fermant les yeux, on pouvait voir sa jalousie maladive, ses colères, ses peurs, ses doutes et ses envies de meurtre.
Si avec cette Tosca, Aleksandra Kurzak gravait son nom dans les pierres du grand mur, le baryton gallois Bryn Terfel retrouvait le théâtre antique où il avait chanté en concert, sept ans auparavant. Dans cette Tosca, il a su jouer ou rejouer un personnage qu’il connaît bien. On peut regretter que l’orchestre l’a par trop couvert dans son « Te Deum », un des plus grands airs opératiques pour baryton.
A la baguette, les Chorégies avait invité à nouveau la jeune cheffe italienne Clelia Cafiero enjouée et communicative, parfois à l’excès pour ne pas doser avec justesse la puissance des cuivres qui couvraient les voix par moment, comme dans le Te Deum.
Autour du trio de qualité qu’impose cet opéra, la construction de la distribution s’est faite autour de valeurs sûres de la scène lyrique avec Jean-Marie Delpas ou Marc Barrard. Le théâtre antique découvrait néanmoins Jean-Vincent Blot en Angelotti ou Carlos Natale en Spoletto. Tous deux ont livré une prestation nécessaire et suffisante pour faire oublier que nous étions dans une version concert.