Pendant qu’une frange de la France suivait la cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris 2024, dans le village de Gordes d’irréductibles mélomanes s’étaient installés sur les Terrasses d’un des plus beaux villages de France pour cette soirée de Jubilé. Elle fêtait les 50 ans d’opéra de Raymond Duffaut, ancien directeur de l’Opéra d’Avignon, ancien directeur des Chorégies d’Orange.
Dans les voix : des vibratos et dans les yeux : des larmes que d’aucuns ont laissé filtrées. C’était côté scène par ces artistes de notoriété, aguerris, ils ont eu du mal à maîtriser leur émoi. Des artistes pourtant éprouvés à contrôler les charges émotionnelles à force de jouer des rôles de personnages au caractère insaisissable. Là, c’était leur cœur qui parlait et le public pouvait les entendre des gradins. Ils faisaient connaissance avec plusieurs générations d’artistes lyriques. De la nouvelle qui entre dans la carrière avec Jeanne Crousaud, Erminie Blondel, Ahlima Mhamdi, Yara Kasti, Vannina Santoni ou Emy Gazeilles ou Julien Dran, ou Jean Miannay ; de la précédente reconnue sur les scènes opératiques nationales ou internationales, comme Stanilas de Barbeyrac, Jérôme Boutillier, Florian Sempey, Florian Laconi ou encore celle des fidèles dont on citera Patrizia Ciofi, Inva Mula, Marie-Ange Todorovitch, Karine Deshayes ou Delphine Haidan ou encore Armendo Noguera, Alexandre Duhamel ou Marc Barrard. Sans oublier, Béatrice Uria Monzon, marraine de cette soirée, encore une fidèle parmi les fidèles tant aux Chorégies qu’à Avignon. assise dans les gradins. Discrets aussi le metteur en scène Charles Roubaud, la costumière Katia Duflot ou le chef de chœur Emmanuel Trenque. Tous ont fait les belles heures de l’Opéra d’Avignon ou des Chorégies d’Orange, tous ont été conseillés ou accompagnés par Raymond Duffaut dans ces deux lieux qui ont permis de lancer ou faire évoluer la carrière des uns et des autres.
Mais la place était aussi à la musique et aux voix, et à ce jeu, les gradins ont été gâtés, avec des applaudissements à tout rompre pour saluer toutes les prestations. Qu’elles soient instrumentales ou lyriques. Les grands classiques comme “Nessum Dorma”, aria vedette pour ténor, extrait de Turandot de Puccini, ont suivi d’autres classiques puisé chez Rossini, Offenbach, Lehar, Puccini ou Mozart. C’était aussi une prise de rôle pour Patricia Ciofi qui a interprété l’air de Cio-Cio San de « Madama Butterfly » de Puccini. Elle qui a toujours refusé de chanter cette partition, pensant qu’elle n’était pas faite pour sa voix. Dans la beauté de ce lieu, elle aurait pu convaincre tout directeur de maison d’opéra de monter une production autour d’elle, pour que le public ressente les mêmes frissons quand le bateau de l’amoureux de la jeune Japonaise, entre dans la baie de Nagasaki. Le théâtre musical de Patrizia Ciofi touche l’âme et les paupières se gonflent de tant de beauté.
Ce que lui a dit Raymond Duffaut la remerciant à la fin du concert en lui tenant les mains d’avoir osé chanter cette aria si sensible, écrit par Puccini : « Quand je vous disais que ce rôle est pour vous! ”