Parmi les choristes du chœur de Monte-Carlo invité à Musiques en fête, émission de France télévision captée depuis le théâtre antique d’Orange, on pouvait reconnaître la mezzo Ornella Corvi. Un ensemble vocal où chacun gardait ses distances, Covid 19 oblige. Une soirée soulagement pour la chanteuse dont c’était les premiers pas sur scène depuis six mois. Le plaisir est renouvelé certes, mais non sans inquiétudes.

Ornella Corvi vit de son chant qu’elle prête comme renfort dans les chœurs d’opéra. Elle se produit dans un ensemble a cappella et donne des récitals, sans oublier son spectacle qu’elle a créé où elle chante dans des musées, accompagnée d’un pianiste pour évoquer une œuvre ou un peintre. Cette vie bien réglée comme choriste ou soliste lui convenait. La jeune femme avait fait le choix d’être une cantatrice, sans se sentir frustrée de ne pas être une de ces vedettes qui tiennent le haut des affiches des grandes maisons. Son bonheur est de chanter en public, de vivre de son métier.

La mezzo Ornella Corvi a chanté dans le choeur de l'opéra de Monte-Carlo pour Musiques en fête au théâtre antique d'Orange

La mezzo Ornella Corvi a chanté dans le chœur de l’opéra de Monte-Carlo pour Musiques en fête au théâtre antique d’Orange.

La mezzo, native de Marseille a refait ses premiers pas sur scène, dans Musiques en fête, captée depuis le théâtre antique d’Orange pour France télévision. Comme renfort dans le Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, elle savourait ce retour devant un public et sous les applaudissements qui repoussaient les inquiétudes et les questionnements des dernières semaines. Une première scène après avoir biffé les rendez-vous au fil du confinement sanitaire, dont Samson et Dalila de Saint-Saëns prévu aux Chorégies d’Orange en juillet dernier, mais reporté en 2021 comme nombre de festivals : « Tout a été annulé pour moi jusqu’en novembre.  Au mois de mars, je me suis dit que j’allais profiter de ce temps libre pour peaufiner ma technique, car on espérait tous que la vie devait reprendre son cours, puis j’ai cédé au découragement me demandant combien de temps tout cela durer. L’annulation des contrats a été d’une violence inouïe. J’en étais arrivée  à me demander à quoi servait le spectacle vivant. Quand j’ai été contactée pour Musiques en fête avec une date, ce 11 septembre, à nouveau j’ai retrouvé de la motivation. J’ai pris conscience qu’être artiste sans partage cela n’a aucun sens. Nous ne sommes pas des robots à travailler la voix et des vocalises, nous sommes sur scène pour donner du plaisir. En plus dans nos appartements on ne peut pas chanter à pleine voix. Maintenant, je ressens aussi le trac, comme si je chantais la première fois. La configuration aussi est différente du fait que nous soyons éloignés les uns des autres, à 1,5 mètre de distance nous sommes comme des solistes, on sent moins l’effet de masse du chœur. Toutefois, les répétitions ont permis de créer un son très rapidement. »

Ornella Corvi note toutefois des changements entre hier et aujourd’hui, en particulier dans la notion de perception du corps et son rôle dans le chant : « Maintenant, je sais que tout le corps chante. Tout notre corps est un instrument. Pendant ses derniers mois, certains amis chanteurs ont grossi, d’autres ont perdu du poids, comme moi. J’ai  dû me retrouver physiquement, chercher d’autres appuis. Je me suis rendu compte aussi que je perdais de l’endurance. Alors j’ai fait du sport, de la natation, pour garder le souffle. J’ai constaté aussi combien le chant était physique. Au bout de quatre heures de répétition, mes collègues du chœur et moi étions lessivés. Bien sûr, nous sommes des professionnels et on sait se gérer pour que tout se passe bien. Mais c’est vrai qu’on devra retrouver de l’endurance pour tenir tout un opéra. »

Ce que la mezzo espère c’est que les maisons opératiques ouvriront leurs portes avec des salles plaines : « Il est important aussi que le public revienne. A Orange, au cinéma de la ville, le gérant lançait un appel pour le soutenir, je le comprends. Beaucoup de personnes ont peur encore. Il arrive qu’on donne des places de concerts et qu’on les refuse. C’est triste d’en arriver là. On a vu que la culture, que ce soit le cinéma, les vidéos, les séries, a permis à beaucoup de gens de passer cette période et il ne faudrait pas l’oublier. Maintenant que le confinement est passé, on sait bien que la Culture n’est pas la priorité des gouvernants. »

La mezzo Ornella Corvi a chnaté dans le choeur de l'opéra de Monte-Carlo pour Musiques en fête au théâtre antique d'Orange

La mezzo Ornella Corvi a monté un spectacle où elle se produit dans les musées.

En mettant en place l’année blanche le gouvernement prolonge d’autant la date anniversaire des  intermittents du spectacle pour le calcul de leur indemnités de chômage, une particularité française : « Mais on nous a donné le choix : ou bien on avait cette année blanche au même montant des indemnités, ou si on avait augmenté nos indemnités en cours de l’année précédente, on perdait l’avantage de l’année blanche. »

En attendant, une reprise normale ou presque, Ornella Corvi s’interroge sur l’avenir de son métier et sa façon de l’aborder. Ce qu’elle sait c’est qu’elle ne retournera pas à donner des concerts au chapeau, en témoigne cette boue dubitative en guise de réponse à cette question : « Je l’ai fait au début de carrière, je n’ai plus envie de recommencer. Mais il va falloir se réinventer.  Car les renforts de chœur comme moi, nous sommes les plus fragilisés, par rapport aux solistes.  Pourtant c’est un vrai métier. Mais quand on voit les difficultés de certaines maisons d’opéra, on devra s’adapter à cette situation, voire trouver d’autres solutions.»

Bruno ALBERRO

 

Renseignement à Ornella Corvi