Les Chorégies d’Orange montrent pour la première fois Guillaume Tell de Rossini. Un ouvrage d’importance avec onze solistes mais aussi une centaine de techniciens pour réaliser la vision du metteur en scène Jean-Louis Grinda. A voir au théâtre antique, le vendredi 12 juillet à 21h30.

Le machiniste et technicien

Marc Cassar

Marc Cassar est venu pour la première aux Chorégies d’Orange il y a trois ans. D’abord comme renfort avant d’intégrer cette année une équipe de montage. Il raconte que la première rencontre s’est faite grâce à un camarade lui a proposé de le remplacer, car lui partait vers un autre festival. Marc Cassar découvre ainsi la monde du spectacle en taille XXL.

C’est sûr que ces six semaines passées à Orange le changera de ses habitudes. Marc Cassar a le Rhône à traverser pour rejoindre le théâtre antique où il a intégré une équipe de machinistes pour monter et démonter la scène et préparer les spectacles des Chorégies d’Orange. Il est installé à Saint-Géniest-de Comollas dans le Gard où il a ouvert un théâtre avec sa compagne, qu’ils ont appelés la Fabrique des imageries. Il explique qu’il a investi des anciens garages pour les transformer en une scène et en ateliers.

Un lieu façonné de  ses mains où tout se construit  entre artistique et artisanat : « Nous fabriquons nos décors, les costumes. » Lui-même se présente comme comédien ou metteur en scène, régisseur à l’occasion. Sa compagne assure, elle, la direction d’acteurs. « Mon appart’ », une de ses pièces sera présentée d’ailleurs à la Maison de la poésie à 21h45 pendant le festival Off. Comme beaucoup de théâtres aujourd’hui, il faut se débrouiller pour faire tourner les spectacle en créant un circuit parallèle hors de celui des grosses machines institutionnalisées. Marc Cassar a fait le choix de vivre sans demande de subventions : « C’est beaucoup de temps pour formuler les demandes de plus en plus complexes. Il faudrait que nous ayons une personne qui se consacre à l’administration et nous n’en avons pas les moyens, alors on se débrouille autrement. Le théâtre vit et on arrive à payer les comédiens.»

Les Chorégies d’Orange, c’est bien différent de son théâtre de campagne, mais ce n’est pas fait pour lui déplaire, au contraire : « Ici, je peux travailler avec de grosses structures comme Artéfact qui construit les décors. Ça m’intéresse cette grosse machinerie et j’admire cette conception. Et j’apprends au sein d’une équipe nombreuse de quatre-vingt ou cent techniciens, alors que dans mon théâtre on bosse à trois. C’est une autre facette de notre métier. »

Au-delà de la culture de la scène, ces six semaines aux Chorégies sont aussi nécessaires pour maintenir son statut d’intermittent : « Ici, on peut faire 300 heures, c’est très bien, même si on a des primes en moins par rapport à l’an passé. Contrairement à ce que beaucoup pensent, ce n’est pas si facile d’atteindre les 507 heures fixées. Etre aux Chorégies permet à des intermittents comme moi que le reste de l’année soit moins compliqué. Si nous n’avions que notre théâtre, sans une autre activité, on ne pourrait pas tenir. Où alors le prix des places serait à 50 euros pour arriver à payer les déplacements, les hébergements et les salaires.»

Sa fierté c’est tout de même de participer aux 150 ans des Chorégies d’Orange : « On est quatre-vingt ou cent à pouvoir se dire : j’y étais. On représente une poignée parmi tous les machinistes et tout le monde du spectacle vivant. C’est quand même incroyable d’être ici, au sein du plus vieux festival d’Europe, et de participer à la réalisation des spectacles. Il ne faut pas le cacher c’est bien aussi pour la carte de visite personnelle. Dire qu’on a travaillé aux Chorégies d’Orange, c’est comme posséder un nom particules, ça marque les esprits. C’est une façon de dire aussi qu’à côté des théâtres de proximité comme le mien il est encore possible qu’il y ait des lieux comme ici, qui ont des moyens de monter de grands spectacles, c’est essentiel qu’il y est encore de grands festivals où on peut présenter des spectacles importants. Moi, je n’y pense même pas. »-

La chef costumière Corinne Crousaud

Enfant, elle rêvait d’être chirurgien ou éleveur en Australie, en intégrant l’Ecole Elisa Lemmonier, Corinne Crousaud se destinait à travailler dans la haute couture. Un stage à la Société française de production pour la télévision en a decidé autrement. Elle est devenu costumière pour le spectacle vivant, et depuis 2009, responsable de ce service aux Chorégies d’Orange.

Depuis 2009, elle dirige le service des costumières aux Chorégies d’Orange. Corinne Crousaud raconte en toute simplicité son émotion à chaque fois qu’elle revient au théâtre antique.

Corinne Crousaud ne cherche pas à feindre son émotion quand elle foule la scène romaine du théâtre antique, écrin des Chorégies d’Orange, elle est responsable du service des costumières. Une émotion non feinte qui se traduit par un frisson et quelques poils dressés en retrouvant le mur antique : « La première fois que je suis venue à Orange en 2004, je n’avais même pas osé traverser la scène. Pour faire notre métier, il faut être émotive, parfois les larmes montent sous les paupières. »

Il faut une bonne dose de bienveillance, mais aussi de psychologie sont nécessaires : « Nous sommes les dernières personnes que les artistes voient avant de monter sur scène. Il y a bien le régisseur, mais ça dure moins longtemps. Le chanteur a besoin d’être rassuré. On le fait car nous avons ça en nous.»

Elle résume son rôle à cette citation : « Pour qu’un artiste chante bien, il faut qu’il oublie son costume. C’est pour cela que nous prenons beaucoup de temps à l’essayage. On le fait se déplacer et bouger pour qu’il ne ressente aucune gêne. Ce n’est arrivé que deux fois qu’un chanteur refuse un costume et une seule fois on a dû le changer, car de tout évidence ça n’allait pas à la chanteuse. En général, ces changements ou modifications se passent bien. »

Aux  Chorégies d’Orange, elle commence à travailler à partir du mois de janvier, d’abord avec Paulin Reynard, directeur de production du festival, ensuite avec le réalisateur des costumes, en relation avec la direction technique : « Ici, je suis libre de constituer mon équipe. Au fil des ans elle s’est renouvelée. La remise en cause est permanente. Je m’oblige aussi à cette remise en cause pour ne pas tomber dans la routine. »   

Son expérience de la scène lui indique dès les premières répétitions si le spectacle plaira ou pas : « Je vois les choses en trois D, comme si la mise en scène, les costumes, les décors étaient distincts. Ça me touche quand ça ne fonctionne pas, surtout quand ce sont des gens que j’aime bien. Mais ce qui me fait le plus de peine, ce sont les gens qui partent avant la fin du spectacle. Je trouve que c’est un manque de respect pour les équipes artistiques ou techniques, que ces personnes qui partent ne mesurent tout le travail effectué et le nombre de personnes qui travaille sur un projet. On peut ne pas être porté par l’émotion mais on trouve quelque chose de bien dans un spectacle. » Après son bac, Corinne Crousaud a intégré l’école Elisa Lemonnier à Paris pour travailler ensuite dans la haute couture : « C’était une des deux écoles publiques. J’ai fait un stage à la Société française de production pour la télévision et je me suis dit c’est ça que je veux faire : les paillettes, le spectacle, tout ça. C’était l’époque aussi où il y avait des moyens dans la Culture. Aujourd’hui c’est autrement, on doit apprendre à composer différemment. » Elle se souvient qu’enfant elle voulait être chirurgienne, mais au plus loin qu’elle remonte le temps, elle se voit en train de coudre des habits pour ses poupées, sous le regard de sa grand-mère. Elle glisse aussi qu’elle voulait faire de l’élevage en Australie. Un pays où elle ne s’est pas encore rendue : « J’irais un jour. La Nouvelle-Zélande m’attire aussi.»

Bruno ALBERRO

Photos crédit Bruno ABADIE

L’argument

Guillaume Tell est l’ultime opéra écrit par Rossini inspiré l’histoire de ce héros suisse qui s’est opposé à l’envahisseur autrichien. Derrière ce personnage dont l’épopée se réduit le plus souvent à l’épreuve de la pomme posée sur la tête de son fils et qu’il doit fendre d’un trait d’arbalète, Rossini pense à son expression de la liberté.

Nous sommes en 1829, Rossini a 37 ans, le succès a été permanent et il laisse en héritage un ouvrage souvent réduit pour le grand public à son ouverture, connue pour cette cavalcade épique. Ce serait dommage de condenser cet opéra de plus de trois heures et demie à ces quelques minutes d’introduction. L’opéra est rarement donné du fait qu’il nécessite de nombreux solistes : onze, quand la plupart des opéras se limitent à quatre, cinq ou six.  Sans oublier l’importance de l’orchestre.

Et puis le décor est différent au fil de l’histoire, il glisse du bord du lac aux montagnes ou à la fête ou encore au cœur d’une tempête, une allégorie où la liberté triomphe de l’oppression. 

Le programme 2019

Les Chorégies d’Orange fête leurs 150 ans du 2 juillet au 6 août, cette année avec douze dates pour treize spectacles. Deux opéras sont à l’affiche : Guillaume Tell de Rossini et Don Giovanni de Mozart. La VIIIe symphonie de Mahler sera à la dimension de l’événement avec l’Orchestre national de France et le Philharmonique de Radio-France réunis pour la première fois de leur histoire. Outre les concerts et la danse avec Roméo et Juliette du ballet de Monte-Carlo, la venue de la soprano Anne Netrebko, la présence de Placido Domingo, et le singulier prince de la musique électro au sein du festival lyrique étoffent l’affiche.

  • Le 8 juillet, récital Le Soleil de Naples ;
  • Le 11 juillet, concert Jeff Mills ;
  • Le 12 juillet, Guillaume Tell de Rossini ;
  • Le 16 juillet, concert Révélations classiques de l’Adami ;
  • Le 17 juillet, Ballet Roméo et Juliette ;
  • Le 20 juillet, gala Netrebko et Eyvazov ANNULE;
  • Le 29 juillet, la VIIIe Symphonie de Mahler ;
  • Les 2 et 6 août, Don Giovanni de Mozart ;
  • Le 4 août, Ciné-concert avec Jean-François Zygel.

Renseignement aux Chorégies d’Orange

Réalisation et distribution

Les Chorégies d’Orange présentent le vendredi 12 juillet à 21h30 Guillaume Tell de Rossini

La durée de cet opéra en quatre actes est de 3h55. La direction musicale est confiée à Gianluca Capuano. Il dirigera  l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, les chœurs des opéras de Monte-Carlo et de Toulouse coordonnés par Stefano Visconti, ainsi que le Ballet de l’Opéra Grand Avignon chorégraphié par Eugénie Andrin ; la mise en scène à  Jean-Louis Grinda. Les décors sont signés d’Eric Chevalier et les costumes de Françoise Raybaud. Laurent Castaingt éclairera le plateau.

La baryton Nicola Alaimo sera armé de l’arbalète de Guillaume Tell, Annick Massis portera la robe de Mathilde.

Celso Albelo sera Arnold tandis que Jodie Devos incarnera Jemmy, le fils de Guillaume Tell ; Nora Gubisch sera Hedwidge ;
Nicolas Cavallier : Walter Furst, Nicolas Courjal, Gessler ; Cyrille Dubois, Ruodi ; Philippe Kahn, Melchtal ; Philippe Do, Rodolphe et Julien Veronese Leuthold.

 

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