Il a fallu attendre 42 ans pour que la VIIIe symphonie de Malher revienne à l’affiche des Chorégies d’Orange. Qui plus est pour les 150 ans du festival lyrique. Que dire de plus à propos de cette démesure musicale puisqu’on l’a appelé la Symphonie des Mille dès sa création à Munich en 1910, car il faut autant de musiciens ou de chanteurs nécessaires pour l’interpréter. Certes, ils ne seront que six cents sur la scène romaine du théâtre antique pour faire résonner cette oeuvre inclassable, pas vraiment une symphonie, ni un opéra, même si en fermant les yeux à son écoute, on imagine les déplacements des huit solistes nécessaires à son interprétation.

Jean-Louis Grinda, directeur des Chorégies a confié la direction musicale au maestro finlandais Jukka-Pekka Saraste. Le tour de force des Chorégies est sans doute d’avoir réuni l’Orchestre national de France et l’Orchestre philharmonique de Radio-France pus habitué à jouer la concurrence qu’à collaborer.

Le plateau de solistes réunit des voix habitués à ce répertoire viennois pour bien traduire les intentions du compositeur. Avec  Meagan Miller ;  Ricarda Merbeth ; Eleonore Marguerre ;  Claudia Mahnke ; Gerhild Romberger ; Nikolaï Schukoff ; Boaz Daniel
; Albert Dohmen

Il ajouter à cette distribution le Choeur de Radio France, le Choeur philharmonique de Munich et la Maîtrise de Radio France

Rencontre avec Eleonore Marguerre, soprano

Pour les 150 ans des Chorégies, d’Orange, le directeur du festival lyrique, Jean-Louis Grinda, a mis à l’affiche la VIIIe symphonie de Mahler. Parmi les huit solistes invités, le soprano Eleonore Marguerre pour faire ses premiers pas sur la scène antique. Allemande de naissance avec un nom d’origine belge, elle parle de musique et de l’Europe.

Cet été, Eleonore Marguerre est invitée aux Chorégies d’Orange, pour les 150 ans du festival lyrique, où elle se produira dans l’octuor de la VIIIe symphonie de Mahler qui sera donnée le lundi 29 juillet au théâtre antique. Un ouvrage qu’elle n’a jamais chanté, de même elle n’a jamais coudoyé le reste de la distribution : « Je les connais que de nom. C’est différent des récitals où on se voit deux jours, là on sera en répétition une semaine, on a le temps de travailler ensemble. J’aurais aimé bien sûr une production mais je ne suis pas frustrée. Mahler n’a pas écrit d’opéra. Ses symphonies chantées sont comme des opéras. » Sa version préférée est celle dirigée par Michael Gielen avec l’orchestre de Baden-Baden.
D’Orange, Eleonore Marguerre a programmé des visites pour s’imprégner du lieu et de son histoire : « Quand je suis en production, j’en profite aussi pour visiter. Je vais voir les musées. Quand je suis allée chanter à Tours, j’ai visité beaucoup de châteaux de la Loire. Je suis venu à Orange, mais jamais au théâtre antique ; le festival est connu en Allemagne, comme le festival d’Aix-en-Provence.»

Le soprano allemand Eleonore Marguerre chantera la VIIIe symphonie de Mahler pour les 150 ans des Chorégies d’Orange.La soprano Eleonore Marguerre a vécu l’Histoire d’outre-Rhin. Elle agrandi avec la construction européenne, elle était toute jeune quand de chaque côté du Rhin Helmut Kohl et François Mitterrand donnait l’élan d’une Europe élargie. L’adolescence voyait le mur de Berlin s’ouvrir tandis qu’elle apprenait le français à l’école. Elle perfectionnera son français en devenant chanteuse, en aimant parler avec ses collègues des théâtres ou des maison opératiques francophones.
Et puis, le français est inscrit dans son ADN : « Mon arrière grand-père était belge, de Bruxelles, il a émigré vers Aix-la-Chapelle. » Eleonore Marguerre vit à Weimar dans l’ex-Allemagne de l’Est, une ville où Goethe, Wagner, Bach, Schiller, Liszt, Cranagh, Nietzsche, Klee, Kandinsky ou Jorge Semprun ont laissé leurs empreintes dans cette ville du Thuringe. Elle-même, dans cette aura, a été trois ans en troupe à l’opéra : « J’ai quitté il y a un an, mais je suis restée dans cette ville. »

De côtoyer la population allemande de l’ex-pays de l’Union soviétique, elle constate un changement de mentalité et une montée de l’extrême-droite : « Pas chez moi, où la ville est de tradition libérale. Avec les jeunes, c’est en train de changer, mais une frange de la population n’a jamais vécu avec des émigrés ou des réfugiés. Dans des landers voisins, certains aiment ce côté protectionniste, une vie planifiée et l’autorité. »
Son métier l’aide à vivre l’Europe : «C’est fréquent que sur un plateau, on compte une dizaine de nationalités différentes. On se comprend car nous avons le même langage : la musique est universelle. » Elle aimerait que les productions soient de plus en plus contemporaine : « L’opéra peut parler d’aujourd’hui. Ce serait bien, car sinon dans trente ans, il n’y aura plus personne pour nous écouter. On sent qu’il y a un mouvement avec de jeunes compositeurs qui écrivent des choses agréables à écouter. »

Le soprano allemand Eleonore Marguerre prône l’engagement sur le plateau et elle dit préférer Callas à Tebaldi.D’avoir été en troupe n’a pas empêché Eleonore Marguerre de poursuivre ses relations avec des opéras amis comme Düsseldorf ou Nuremberg : « Je trouve ça très ben de retrouver des collègues des collègues, c’est m’est plus facile pour travailler. » Comme elle apprécie de multiplier les rôles : « Ce sont des difficultés supplémentaires mais ça agrandit les libertés. »
Elle est consciente aujourd’hui que le monde du lyrique évolue avec la société où le physique prend de plus en plus d’importance, elle prône l’engagement sur le plateau : « Je me sens plus proche de Callas que de Tebaldi. C’est vrai qu’aujourd’hui le physique est important que ce soit pour les femmes, mais aussi pour les hommes. Les directeurs de théâtre et le public veulent avoir des Jonas Kaufmann ou Georges Clooney. Je pense que ce qui compte en premier c’est la voix, il est important de savoir qui font les castings. »
Si au début de sa carrière, Eleonore Marguerre chantait avec des aigus acérés pour dans l’air de la Reine de la nuit de Mozart qui l’a fait remarquer, aujourd’hui elle se considère comme un soprano lyrique : « Je préfère, c’est plus rond plus chaleureux. Ça me correspond mieux. La voix change avec les ans, il faut l’accepter. On adapte sa voix à d’autres répertoires. »

Photo crédit Christian Mai

Renseignement à Eleonore Marguerre

Rencontre avec , ténor

Quand le ténor autrichien Nikolai Schukoff est venu assister à un opéra au Théâtre antique, il n’imaginait pas que les Chorégies d´Orange l’inviteraient à chanter la VIIIe Symphonie de Mahler, cet été, pour les 150 ans du festival lyrique.

Le lundi 29 juillet prochain sera singulier pour le ténor autrichien Nikolai Schukoff, il est invité au théâtre antique à chanter la VIIIe Symphonie de Mahler aux Chorégies d’Orange et graver ainsi son empreinte dans les tablettes du festival lyrique qui fête ses 150 ans cette année. Il a pu en apprécier les lieux en assistant en famille à une représentation : « Je ne pensais pas alors que je viendrais m’y produire. C’est un festival réputé que les Autrichiens connaissent par les vidéos. Je me rappelle de la Norma de Bellini avec  Montserrat Caballé. Je me trouvais à Barcelone quand elle est décédée. On a chanté en son hommage le Requiem de Verdi. »

Il n’est pas étonné que les huit solistes conviés à cette VIIIe de Mahler soient germaniques, telles Eleonore Marguerre et Ricarda Merbeth : « Il est important de comprendre ce qu’a voulu dire le compositeur. Ce ne sont pas que des notes qui se suivent. Il y a un sens difficile à cerner car on ne peut pas dire que ce soit religieux mais c’est profondément lié à une croyance. Ce n’est pas une messe ou un oratorio, par moment c’est un opéra. En tout cas une œuvre inspirée avec en seconde partie une référence à Faust. »

Quelques jours avant de chanter cette littérature à Orange, il sera à Sapporo au Japon au sein d’un autre octuor pour cette même VIIIe de Mahler et la semaine précédente au festival d’Aix-en-Provence dans « Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny ».

Nikolai Schukoff pose un regard sincère sur son métier sans ambages ni complaisances : « Mais je suis professionnel et je vais là on me demande. »

Son nom patronymique englobe déjà l’Europe centrale et les pays de l’ancien empire austro-hongrois : « Mon nom vient d’un grand-père russe mort à la guerre, j’ai des origines autrichiennes, tchèques aussi. »

Il ne se destinait pas à devenir chanteur professionnel, glissant qu’il a fait des études de génie mécanique : « J’aime bien bricoler, c’est un bon exercice pour une moitié du cerveau quand je ne chante pas. Bricoler m’empêche de penser. » Une activité pratiquée bien volontiers dans sa maison secondaire du Lot : « Avec mon épouse, nous sommes venus deux fois en vacances et nous avons eu envie d’acquérir une maison. J’ai appris à faire mes pâtés, les fois gras. Cette région me rappelle chez moi en Autriche avec ses collines. Le Lot est un lieu chargé d’histoire avec des grottes qui montrent qu’on a habité ici depuis 30000 ans, on fait quelques pas et on voit un château ou une église. Cette région est comme un héritage. »

De l’héritage patrimonial au monde opératique n’existe que l’espace d’une note ou d’une mise en scène. Nikolai Schukoff se montre respectueux du fond et de la forme, il évoque aussi ces metteurs en scène sans tendresse particulière à leur égard : « J’en connais trois que j’ai mis dans ma liste noire. Pour eux, la mise en scène est une thérapie, elle remplace le psychiatre dont ils ont besoin. Je suis favorable aux idées modernes, mais ça doit fonctionner de À à Z. C’est vrai que souvent les chanteurs sont conspués en même temps que la mise en scène. Une fois Diana Damrau ne s’est  pas occupée de la mise en scène, elle a fait son travail comme elle le sentait et elle a été applaudie. »

Il explique que les critiques sont nécessaires pour évoluer : « Ce qui l’ennuie le plus, c’est l’attitude de certains directeurs « ils demandent des chanteuses de 15 ans ayant la voix de Callas et belle pour être sur les Unes des magazines. Mais c’est la voix qui véhicule les sentiments. Ce qui est embêtant aujourd’hui c’est que tout le monde est remplaçable même à l’autre bout de la terre. Alors qu’un chanteur doit planifier sa carrière pour durer, garder sa voix intacte pour ne pas finir vendeur de disques. »

Si Nikolai Schukoff n’enseigne pas c’est par manque de temps, le ténor est conscient que l’avenir de l’opéra passe par la transmission de son art vers les jeunes générations en rappelant que l’opéra est un spectacle vivant : « Une partie du public est initiée et il faut apprendre à l’autre partie à vivre avec les musiciens. Qu’on ne peut pas retrouver sur scène ce qu’on entend dans un disque où le son est travaillé. Je le redis, la musique transporte l’émotion. » 

La vidéo de Nikolai Schukoff

 

Renseignement à Nikolai Schukoff
 

Bruno ALBERRO

Le programme 2019

Les Chorégies d’Orange fête leurs 150 ans du 2 juillet au 6 août, cette année avec douze dates pour treize spectacles. Deux opéras sont à l’affiche : Guillaume Tell de Rossini et Don Giovanni de Mozart. La VIIIe symphonie de Mahler sera à la dimension de l’événement avec l’Orchestre national de France et le Philharmonique de Radio-France réunis pour la première fois de leur histoire. Outre les concerts et la danse avec Roméo et Juliette du ballet de Monte-Carlo, la venue de la soprano Anne Netrebko, la présence de Placido Domingo, et le singulier prince de la musique électro au sein du festival lyrique étoffent l’affiche.

  • Le 29 juillet, la VIIIe Symphonie de Mahler ;
  • Les 2 et 6 août, Don Giovanni de Mozart ;
  • Le 4 août, Ciné-concert avec Jean-François Zygel.

Renseignement aux Chorégies d’Orange

Déjà paru aux Chorégies d’Orange

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